Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'une part d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de son éloignement, et d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte journalière de 100 euros ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2303396 du 10 août 2023, le tribunal administratif de Grenoble a d'une part annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 14 novembre 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi à l'encontre de M. B..., d'autre part, a enjoint à cette autorité de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par ce dernier dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement après remise, à l'intéressé, d'une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 31 août 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 août 2023 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que :
- l'avis de l'Office de l'immigration et de l'intégration était bien signé par les trois médecins ;
- les moyens invoqués par le requérant en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Cans, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une décision du 4 octobre 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant angolais, déclare être entré en France le 23 avril 2012. Il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, valable du 17 juin 2015 au 16 décembre 2015 et du 3 avril 2017 au 2 avril 2018. Le 24 mai 2018, il a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour en application de l'article L. 313-11 11°, devenu l'article L. 423-9, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 juin 2021, le préfet de l'Isère a refusé à l'intéressé le renouvellement de son titre de séjour et a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement. Par un jugement du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de l'intéressé. Par un arrêté du 14 novembre 2022, cette autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de son éloignement. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. B....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 du préfet de l'Isère, les premiers juges ont retenu que l'avis médical formulé le 11 juillet 2022 par le collège des médecins de l'Office de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'avait pas été signé par l'un des trois médecins composant ce collège et que, dès lors que l'identification des auteurs de cet avis constitue une garantie dont la méconnaissance entache d'irrégularité l'ensemble de la procédure, le requérant était fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et, par conséquent, celle des mesures d'éloignement. Toutefois, le préfet de l'Isère a produit en appel la copie de cet avis pour lequel il fait valoir une numérisation de mauvaise qualité en première instance, et dont il ressort que l'ensemble des signatures requises y figurent. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'acte en litige devait être annulé en raison d'un vice de procédure.
3. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et la Cour.
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme ..., cheffe du service de l'immigration et de l'intégration à la préfecture de l'Isère, qui avait reçu délégation pour signer les décisions relatives aux titres de séjour et mesures d'éloignement aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 26 juillet 2022 du préfet de l'Isère, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni de l'arrêté en cause ni des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas pris en compte l'ensemble de la situation de M. B.... La circonstance que l'arrêté ne ferait pas mention de l'enfant français de sa compagne ne caractérise à ce titre ni un défaut de motivation des décisions en litige dès lors que le préfet n'était pas tenu de faire figurer l'ensemble des considérations de fait relatives à la situation de l'intéressé, ni l'erreur de fait que le préfet aurait commise dans l'analyse des conditions de séjour de celui-ci.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, ainsi qu'il a été évoqué au point 2, l'arrêté a été pris à la suite de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 11 juillet 2022, lequel est conforme aux conditions d'établissement et de transmission mentionnées à l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'arrêté du 27 décembre 2016, en particulier ses articles 3 et 5 à 7. En outre, ainsi que le préfet le fait valoir, aucun élément produit au dossier ne permet d'établir que M. B... aurait averti en temps utiles les services préfectoraux de son impossibilité de se rendre à la convocation dont il a fait l'objet le 5 juillet 2022. Le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté en toutes ses branches.
7. En deuxième lieu, il ressort de l'avis du collège de l'OFII mentionné plus haut que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, mais que le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. En se bornant à produire des certificats médicaux des 31 juillet 2021 et 30 janvier 2023 d'un médecin généraliste selon lesquels il est médicalement suivi en France, ainsi qu'une attestation du 14 mars 2023 émanant d'un médecin d'un centre de santé mentale en République démocratique du Congo, dénuée de valeur probante et postérieure à l'arrêté attaqué, le requérant de première instance ne contredit pas utilement l'absence d'exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge de son état de santé sur le territoire retenue par les médecins de l'OFII. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation de l'état de santé du requérant doivent être écartés.
8. En troisième lieu, si M. B... fait état d'une vie privée et familiale en France constituée depuis 2012 auprès de sa compagne et de leur fils né en 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que le préfet de l'Isère l'oppose, que l'intéressé partagerait sa vie avec sa compagne et participerait à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, les attestations de celle-ci étant insuffisantes à cet effet. En outre, l'intéressé dispose de liens familiaux importants dans son pays d'origine où résident notamment ses trois premiers enfants, et ne présente pas d'autres éléments de nature à établir l'intégration dans la société française dont il se prévaut depuis son arrivée sur le territoire, en dépit de son engagement associatif. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux cités au point précédent, il n'est pas établi que l'arrêté en litige méconnaîtrait l'intérêt supérieur de l'enfant de M. B... né en France, tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, au regard des motifs retenus aux points 2 et 4 à 9, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, en se bornant à renvoyer aux moyens développés à l'encontre de la décision portant refus de séjour, le requérant de première instance n'assortit pas le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 8 et 9, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Au regard des motifs retenus aux points précédents, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté.
14. Il ressort en outre des pièces du dossier que la demande d'asile de M. B... a été rejetée en dernier lieu par la cour nationale du droit d'asile le 8 novembre 2013. L'intéressé ne produit aucun nouvel élément de nature à établir qu'il encourrait un risque pour sa vie ou son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine. Par conséquent, et au vu des considérations également retenues au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Enfin, il y a lieu d'écarter comme inopérant le moyen tiré la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 14 novembre 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi à l'encontre de M. B..., et lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par ce dernier dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement après remise, à l'intéressé, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros demandée par M. B... au titre des frais qu'il a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 août 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées en appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Isère, à M. A... B..., à Me Cans et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 octobre 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02800