Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo lui a infligé la sanction de blâme, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2006870 du 26 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et a mis à sa charge, au bénéfice de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo, une somme de 445,20 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 février 2023, et un mémoire, enregistré le 27 février 2024 et non communiqué, M. B..., représenté par Me Florent, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 26 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 du président de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo ainsi que la décision implicite née du rejet de son recours gracieux formé le 12 août 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- il n'a pas été informé de la sanction envisagée, en méconnaissance de l'article 19 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- la sanction était prise avant la convocation à l'entretien préalable ;
- son refus d'obéissance est motivé par la circonstance que l'ordre donné était de nature à compromettre gravement un intérêt public et manifestement illégal, de sorte que la décision est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2023, la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence de critique du jugement ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 30 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Florent, représentant M. B..., et celles de Me Rubio, représentant la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., assistant socio-éducatif de 2ème classe titulaire employé par la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo comme responsable d'unité d'accompagnement éducatif, a fait l'objet d'un arrêté du 15 juin 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo lui a infligé la sanction de blâme. Il a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté le 12 août 2020, qui n'a pas reçu de réponse. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et de la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé contre celle-ci.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, codifié à l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais repris aux articles L. 532-4 et L. 532-5 et du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article 4 du décret 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. ".
3. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée, et que l'agent dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition légale, en particulier de l'article précité, ni d'aucun principe général du droit, qu'avant l'édiction d'une sanction du premier groupe, un agent devrait être informé de la sanction envisagée à son encontre. En l'espèce, par le courrier du 30 avril 2020 de convocation à un entretien, l'administration a informé M. B... des griefs qui lui étaient reprochés et de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, de sorte que, contrairement à ce qu'il soutient, d'une part, il n'en ressort pas qu'une sanction aurait été préalablement décidée, d'autre part, il était en mesure d'apporter les explications qu'il estimait utiles à sa défense. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 désormais repris aux articles L. 121-9 et L. 121-10 du code général de la fonction publique : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ". En outre, aux termes de l'article 29 de la même loi, dans sa version applicable à la date des faits litigieux, désormais codifié à l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ".
5. Pour infliger à M. B... la sanction contestée, son employeur lui reproche d'avoir refusé sans motif légitime de participer, alors pourtant que son supérieur hiérarchique le lui avait explicitement demandé le 17 avril 2020, à l'entretien de recrutement d'un candidat au poste d'éducateur spécialisé au sein de l'unité d'accompagnement éducatif dont il a la responsabilité, et d'avoir ainsi manqué à l'obligation d'obéissance résultant des dispositions précitées. Si M. B... se prévaut de l'exception prévue par ces mêmes dispositions en faisant valoir que le candidat à auditionner ne disposait pas du diplôme requis, en l'espèce le diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé, ni ne remplissait les critères fixés pour l'emploi à pourvoir, la circonstance que son supérieur hiérarchique lui ait imposé de participer à cet entretien dans ces conditions ne relève pas d'un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. A ce titre, à supposer même que l'intérêt du service, dont le requérant se prévaut, ait pu être compromis par le recrutement de ce candidat, qui n'était en tout état de cause pas certain, au terme d'une procédure entachée d'illégalité au regard des critères qu'il s'était lui-même fixés ou du respect du principe d'égalité entre les candidats, la condition d'illégalité manifeste de l'ordre en litige, exigée par les dispositions précitées, n'est pas remplie en l'espèce. M. B... ne peut davantage utilement se prévaloir des délits de favoritisme ou de prise illégale d'intérêts dont la commission lui aurait été imposée par l'autorité hiérarchique. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une erreur dans la qualification juridique des faits en retenant à son encontre la faute résultant de la méconnaissance des dispositions rappelées au point 4, de nature à justifier la sanction disciplinaire du blâme.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du requérant présentées sur leur fondement et dirigées contre la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme à ce même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté d'agglomération Valence Romans Agglo.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 octobre 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00603