Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 mars 2024 par lequel la préfète du Rhône a décidé sa remise aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2403449 du 30 avril 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 mai 2024, M. B..., représenté par Me Martinez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 26 mars 2024 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône à titre principal de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire de lui remettre, en vue de l'examen de sa demande, une attestation de demande d'asile en procédure normale, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- il ne reprend pas en appel les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision et de ce qu'il n'est pas justifié que l'acte attaqué a été réellement signé par la personne mentionnée et que celle-ci exerçait bien la fonction d'adjointe à la cheffe du Pôle régional Dublin ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure, la préfète ayant exécuté le précédent arrêté avant que le juge des référés n'ait statué par voie d'ordonnance et ne s'étant pas assurée que sa demande d'asile faisait effectivement l'objet d'un examen en Croatie ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison des défaillances dans l'examen de sa demande d'asile en Croatie.
Par un mémoire enregistré le 12 juillet 2024, la préfète du Rhône conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens ne sont pas fondés ;
- sa requête est abusive.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant russe né le 7 avril 2004, déclare être entré en France le 16 décembre 2022. Il a alors déposé le 26 décembre 2022, sous le nom B..., une demande d'asile. Par arrêté du 17 février 2023, la préfète du Rhône a pris à son encontre un arrêté portant remise aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il y a été transféré le 25 mai 2023. Revenu ensuite en France, M. B... a de nouveau demandé l'asile le 12 octobre 2023 et, par un arrêté du 26 mars 2024, la préfète du Rhône a pris la décision d'ordonner sa remise aux autorités croates. M. B... relève appel du jugement du 30 avril 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ce dernier arrêté.
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement européen dont il est fait application.
3. La décision en litige, qui mentionne les dispositions applicables du règlement européen du 26 juin 2013 et précise que M. B... a été identifié en Croatie, où il avait demandé l'asile le 13 décembre 2022 et que les autorités de ce pays, ainsi responsables de l'examen de sa demande, ont accepté de le reprendre en charge, est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, et alors au demeurant que lorsque l'arrêté du 17 février 2023 a été mis à exécution, le recours tendant à son annulation avait d'ores et déjà été rejeté par un jugement n° 2301696 du 21 mars 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal, il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal d'écarter les moyens tirés de ce que la décision serait entachée d'un vice de procédure, la préfète ayant exécuté le précédent arrêté avant que le juge des référés n'ait statué par voie d'ordonnance et ne s'étant pas assurée que sa demande d'asile faisait effectivement l'objet d'un examen en Croatie.
5. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que son frère, son cousin, ainsi que leurs familles et sa grand-mère bénéficient de la protection subsidiaire en France, il ne justifie pas avoir conservé avec eux des liens, alors qu'ils y séjournent depuis 2018. L'intéressé ne se prévaut d'aucune circonstance particulière démontrant que leur présence serait nécessaire à ses côtés dans le cadre de sa demande d'asile. Dans ces conditions, en prenant à son encontre une décision de remise aux autorités croates, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement européen du 26 juin 2013.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
7. Pour les motifs exposés par le magistrat désigné par la présidente du tribunal au point 12 du jugement qu'il y a lieu d'adopter, et alors que la seule présence en France de sa grand-mère, de son frère, d'un cousin et de leurs familles ne suffit pas, en l'espèce, compte tenu de son entrée récente sur le territoire, à caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la décision en litige ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En dernier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs des points 8, 9 et 10 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance, par la préfète du Rhône, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge M. B... la somme que l'État réclame au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'État tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier en chef,
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N° 24LY01514
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