Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, les décisions du 7 juillet 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, la décision du 7 juillet 2023 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
A l'appui de cette demande, il a également demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par un mémoire distinct, de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 611-1, L. 611-3, L. 612-2 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 2301648 du 13 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 11 août 2023, M. B..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 juillet 2023 et les décisions du 7 juillet 2023 du préfet du Puy-de-Dôme ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, le cas échéant, du seul article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les articles L. 611-1, L. 611-3, L. 612-2 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le paragraphe 2 de l'article 8 de la directive n° 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la directive n° 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision l'assignant à résidence est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ou de celle lui refusant un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- son éloignement ne demeure pas une perspective raisonnable, compte tenu de son maintien en détention et de sa convocation devant la juridiction pénale.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un courrier du 17 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre un refus de titre de séjour, dès lors que le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas pris de décision ayant un tel objet le 7 juillet 2023.
Par un mémoire en réponse à ce moyen d'ordre public enregistré le 24 septembre 2024, M. B... déclare se désister des conclusions de sa requête dirigées contre un refus de titre de séjour.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution et son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant serbe, déclare être entré en France le 1er septembre 2022. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection de réfugiés et apatrides le 19 octobre 2022 et par la Cour nationale du droit d'asile le 21 février 2023. Le 7 juillet 2023, il a été interpellé et placé en garde à vue pour des faits de vol par effraction, maintien irrégulier sur le territoire français et conduite sans permis. Par des décisions du 7 juillet 2023, le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par une décision du même jour, la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. ". Aux termes de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission./ La contestation du refus de transmission par la voie du recours incident doit, de même, faire l'objet d'un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1. ".
3. Il résulte des dispositions précitées que, lorsqu'un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion d'un appel formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission qui lui a été opposé l'ait été par une décision distincte de la décision au fond, dont il joint alors une copie, ou directement par cette décision. M. B... n'a pas présenté, dans un mémoire distinct, sa contestation du refus du premier juge de transmettre la question de la conformité des articles L. 611-1, L. 611-3, L. 612-2 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Cette contestation est ainsi irrecevable.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a eu ni pour objet ni pour effet de priver M. B... du droit de se défendre devant le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand lors de l'audience qui était prévue le 21 août 2023 à laquelle il était convoqué, dès lors qu'il pouvait s'adresser au tribunal, en vertu de l'article 410 du code de procédure pénale, pour faire valoir qu'il était dans l'impossibilité de comparaître pour une cause indépendante de sa volonté. Par suite, cette décision ne méconnaît pas le droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle ne méconnaît pas non plus le paragraphe 2 de l'article 8 de la directive (UE) n° 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales aux termes duquel : " Les États membres peuvent prévoir qu'un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l'innocence du suspect ou de la personne poursuivie peut se tenir en son absence, pour autant que : / (...) / b) le suspect ou la personne poursuivie, ayant été informé de la tenue du procès, soit représenté par un avocat mandaté, qui a été désigné soit par le suspect ou la personne poursuivie, soit par l'État. (...). ".
5. En second lieu, si M. B... se prévaut de l'état de santé dégradé de son épouse, qui a engagé une démarche en vue d'obtenir en France un titre de séjour pour des raisons de santé, il ressort toutefois du certificat médical et de l'attestation d'une psychologue clinicienne qu'il produit, que les troubles psychiatriques dont souffre sa femme, qui ne parle que le serbe, sont soignés par psychotropes et qu'elle ne fait pas l'objet d'un suivi médical. Dans ces conditions et eu égard à la brièveté du séjour en France de l'intéressé et à l'absence d'obstacle à ce que la communauté de vie se poursuive dans un autre pays, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a décidé son éloignement et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
6. M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à s'en prévaloir à l'encontre de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, celui-ci n'est pas fondé à s'en prévaloir à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. En l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable doit être écarté pour les motifs exposés au point 4.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
9. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...). ".
10. M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ni de celle le privant d'un délai de départ volontaire, celui-ci n'est pas fondé à s'en prévaloir à l'encontre de la décision l'assignant à résidence en vue de son éloignement. Par ailleurs, il ressort des termes de cette décision que le préfet du Puy-de-Dôme a procédé à un examen particulier de sa situation.
11. M. B... se prévaut en vain de ce que son éloignement ne demeurait pas une perspective raisonnable compte tenu de son placement en détention et de sa convocation devant le tribunal correctionnel, dans la mesure où ces circonstances sont postérieures à la décision contestée et sont ainsi sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'éloignement de M. B... ne s'inscrit pas dans une perspective raisonnable doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Sa requête doit être rejetée, par voie de conséquence, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02650
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