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24/10/2024 | FRANCE | N°23LY02648

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 24 octobre 2024, 23LY02648


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 juin 2023 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2304170 du 6 juillet 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Proc

édure devant la cour



Par une requête enregistrée le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Hmaida...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 juin 2023 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2304170 du 6 juillet 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Hmaida, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble du 6 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 29 juin 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'examiner à nouveau sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en faveur de son conseil, une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et de défaut d'examen sérieux dès lors qu'il n'est pas entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il a demandé un titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où les soins requis par son état de santé ne sont pas disponibles dans son pays d'origine vers lequel un retour est formellement contre-indiqué compte tenu de l'origine de sa pathologie ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision le privant de délai de départ volontaire est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français et méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, méconnaît les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas présenté d'observations.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que M. B... n'ayant soulevé en première instance, à l'encontre de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, que des motifs de légalité externe, ses moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français et de la méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reposent sur une cause juridique nouvelle en appel, sont irrecevables.

La demande d'aide juridictionnelle formée par M. B... a été rejetée par une décision du 13 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant angolais né le 1er septembre 1994, a déclaré être entré en France en 2019. A la suite de son interpellation le 29 juin 2023 par la brigade mobile de recherche de l'Isère, le préfet de l'Isère a pris à son encontre, notamment, un arrêté du même jour par lequel il lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement en cas d'exécution d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 6 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...). ". D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent (...). ". Aux termes de l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français (...) sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. ". Aux termes de l'article R. 621-2 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. (...). ". L'article R. 621-4 du même code dispose que : " N'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes : / 1° N'est pas soumis à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; / 2° Est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; toutefois un arrêté du ministre chargé de l'immigration peut désigner les étrangers titulaires d'un tel titre qui demeurent astreints à la déclaration d'entrée. ".

3. Il résulte de ces stipulations et dispositions qu'un ressortissant étranger soumis à l'obligation de présenter un visa ne peut être regardé comme entré régulièrement sur le territoire français au moyen d'un visa Schengen délivré par un Etat autre que la France que s'il a effectué une déclaration d'entrée sur le territoire. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas soutenu que M. B... aurait effectué une telle déclaration lorsqu'il est entré en France. Ainsi, en supposant même que M. B... soit entré en France sous couvert d'un visa de court séjour émis par les autorités espagnoles, cette seule circonstance ne suffit pas à caractériser une entrée régulière en France. Par ailleurs, en admettant même qu'il ait déposé une demande de titre de séjour en mars 2023, il n'en demeure pas moins qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée en litige. Il suit de là que le préfet a pu légalement fonder cette décision sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). ".

5. En l'espèce, s'il est constant que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a retenu, dans son avis, dont le préfet de l'Isère a repris la teneur, qu'il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que la prise en charge médicale de M. B... consiste en la prise de divers médicaments, dont il ne conteste pas la disponibilité en Angola, et un suivi psychiatrique. S'il fait également valoir la nécessité d'un suivi pluridisciplinaire, les autres disciplines qui seraient mobilisées pour son suivi médical ne sont pas identifiées, notamment par les certificats médicaux produits, qui soulignent avant tout la gravité de sa pathologie. S'agissant de son suivi psychiatrique, le requérant soutient qu'il serait impossible dans son pays d'origine dès lors que ses troubles seraient en lien avec les évènements qu'il y a subis. Ce lien n'est toutefois pas établi par la seule affirmation non circonstanciée sur ce point contenue dans le certificat médical établi par un médecin le 3 juillet 2023, ni par l'attestation d'un autre médecin en date du 17 juillet 2019, produite en appel, selon laquelle son état de santé contre-indique formellement un transfert vers un autre pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, M. B..., qui se borne à invoquer, au soutien de son moyen, ses quatre années de présence et sa prise en charge médicale en France, n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît, pour ces seuls motifs, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. En première instance, M. B... n'avait soulevé, à l'encontre de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire que des motifs de légalité externe. Par suite, ses moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français et de la méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reposent sur une cause juridique nouvelle en appel, sont irrecevables et doivent être écartés comme tels.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination au motif de l'illégalité des décisions d'obligation de quitter le territoire français et de refus d'octroi de délai de départ volontaire doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français au motif de l'illégalité des décisions d'obligation de quitter le territoire français et de refus d'octroi de délai de départ volontaire doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

12. Pour prendre à l'encontre de M. B... une décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'une année, le préfet s'est fondé sur ce que, nonobstant l'absence de menace à l'ordre public que représente sa présence en France, il ne justifie que de quatre années en France, il ne dispose d'aucune attache familiale sur le territoire français, où il se maintient en situation irrégulière, et n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement. Ce faisant, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions précitées. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus au point 6, en considérant implicitement que l'état de santé du requérant ne faisait pas obstacle à cette mesure, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

C. MichelLa greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02648

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02648
Date de la décision : 24/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : HMAIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-24;23ly02648 ?
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