Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2202212 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Boughlita, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 27 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat en faveur de son conseil une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière du fait de la consultation irrégulière du fichier du traitement des antécédents judiciaires ;
- à la date de l'arrêté, elle continuait de bénéficier de la mesure de protection prise par le juge aux affaires familiales le 2 juin 2020 du fait de sa requête en divorce déposée le 28 mai 2020, de sorte qu'elle remplissait la condition posée par l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa présence en France ne constitue pas une menace réelle et sérieuse à l'ordre public et le préfet n'aurait pas pris le même arrêté s'il n'avait retenu que l'autre motif ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2023, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Reis représentant le préfet de la Côte-d'Or ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née en 1981, est entrée en France le 25 mai 2019 avec son époux et leurs trois enfants mineurs. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée le 24 octobre 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 30 janvier 2020. Victime de violences conjugales, elle a bénéficié le 2 juin 2020 d'une ordonnance de protection prise par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Dijon, valable jusqu'au 2 décembre 2020. Le 19 juin 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison des violences commises à son encontre par son conjoint, sur le fondement de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, aujourd'hui codifié à l'article L. 425-6 du même code. Par un arrêté du 30 juillet 2021, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Par un jugement du 3 mai 2022, confirmé par un arrêt de la présente cour du 23 février 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 30 juillet 2021 et a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de procéder à un nouvel examen de la demande. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or, après un nouvel examen, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.
2. En premier lieu, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour, Mme B... soulève le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière du fait de la consultation irrégulière, selon elle, du fichier du traitement des antécédents judiciaires par un agent de la préfecture. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin se voit délivrer, dans les plus brefs délais, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Une fois arrivée à expiration elle est renouvelée de plein droit à l'étranger qui continue à bénéficier d'une telle ordonnance de protection. Lorsque l'étranger a porté plainte contre l'auteur des faits elle est renouvelée de plein droit pendant la durée de la procédure pénale afférente, y compris après l'expiration de l'ordonnance de protection. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 515-9 du code civil : " Lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection. ". Aux termes de l'article 515-11 du même code : " L'ordonnance de protection est délivrée, dans les meilleurs délais, par le juge aux affaires familiales, s'il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés (...). ". Aux termes de l'article 515-12 du même code : " Les mesures mentionnées à l'article 515-11 sont prises pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de l'ordonnance. Elles peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale (...). ".
5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la première délivrance de la carte de séjour temporaire qu'elle prévoit est en principe subordonnée au bénéfice effectif d'une ordonnance de protection dont, contrairement à ce que soutient Mme B..., les effets ne sont pas prolongés de plein droit par le dépôt d'une requête en divorce, l'article 515-12 précité du code civil ne prévoyant qu'une possibilité de prolongation des mesures antérieurement décidées. Au demeurant l'ordonnance de protection du 2 juin 2020 est postérieure à l'introduction par Mme B... de sa requête en divorce. Ainsi, Mme B..., dont l'époux était d'ailleurs reparti en Géorgie, ne bénéficiait plus depuis décembre 2020 des mesures décidées par l'ordonnance de protection du 2 juin 2020. Par ailleurs, il ressort du courriel du service du parquet du tribunal judiciaire de Dijon du 12 mai 2022, produit en défense en première instance par le préfet, que la plainte déposée par la requérante à l'encontre de son époux a été classée le 8 mars 2021. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or a méconnu l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle ne remplit pas les conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.
6. En troisième lieu, Mme B... est fondée à soutenir que la seule commission d'un vol à l'étalage le 27 février 2020 et une attitude agressive à l'encontre des forces de l'ordre lors de son interpellation, dont est résulté un rappel à la loi, ne caractérisent pas une menace pour l'ordre public justifiant le refus de titre de séjour en litige en application de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à supposer d'ailleurs que le préfet ait entendu se fonder sur ce texte en mentionnant l'existence d'une menace à l'ordre public. Il résulte toutefois de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus de titre de séjour en se fondant sur le motif, examiné au point 5, tiré de ce que l'intéressée ne remplissait pas les conditions énoncées à l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour.
7. En quatrième lieu, à supposer que la requérante reprenne en appel le moyen, soulevé en première instance, tiré de ce que le préfet de la Côte-d'Or a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en refusant de lui délivrer un titre de séjour, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.
8. En dernier lieu, à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, Mme B... reprend les moyens déjà soulevés en première instance, tirés de ce que les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaissent les article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ce dernier moyen n'étant d'ailleurs assorti d'aucune précision. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif dans son jugement.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 500 euros que le préfet de la Côte-d'Or demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.
La rapporteure,
C. VinetLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02100
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