Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Temax Immo a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes du 1er janvier 2015 au 30 octobre 2015, du 1er au 30 avril 2016 et du 1er au 28 février 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 1909152 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2022 et le 16 mars 2023, la SARL Temax Immo, représentée par Me Teissier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 avril 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la vente des biens se situant à Saint-Just-Saint-Rambert ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, dès lors qu'elle était bénéficiaire d'un permis d'aménager antérieur à l'acquisition du bien situé à Saint-Just-Saint-Rambert, les terrains issus de sa division conformément à ce permis d'aménager doivent être regardés comme ayant eu le caractère de terrains à bâtir lors de leur acquisition et comme n'ayant, par suite, pas changé de nature juridique entre l'achat et la revente, ce qui justifiait l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; la doctrine administrative, en particulier les réponses ministérielles Bussereau et Savary du 20 septembre 2016 et Raudière et Carré du 30 août 2016, vont en ce sens et elle peut s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- subsidiairement, les parcelles cadastrées AR 971 et AR 972 ont été acquises dans le cadre d'un échange et avaient la qualité de terrain à bâtir ; la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était ainsi applicable à minima pour la revente de ces parcelles.
Par des mémoires enregistrés le 16 décembre 2022 et le 20 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Texas Immo ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lagnier, représentant la SARL Temax Immo ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 octobre 2024, présentée par la SARL Temax Immo.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Temax Immo, qui exerce l'activité de marchand de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2018. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 9 novembre 2018, remis en cause l'application par la SARL Temax Immo du régime de taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge à la vente de terrains situés à Bard (Loire) et à Saint-Just-Saint-Rambert (Loire) entre 2015 et 2017. La SARL Temax Immo a, en conséquence, été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis d'intérêts de retard dont elle a demandé la décharge au tribunal administratif de Lyon. Elle relève appel du jugement rejetant sa demande en tant, seulement, qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux opérations de vente des biens situés route de Chambles à Saint-Just-Saint-Rambert.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. En vertu du I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Selon le 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".
3. Il résulte des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.
4. Il résulte de l'instruction que les trois biens situés route de Chambles à Saint-Just-Saint-Rambert, cédés par la SARL Temax Immo comme terrains à bâtir respectivement le 8 octobre 2015, le 15 avril 2016 et le 17 février 2017, sont constitués, en partie, de parcelles issues de la division d'une unique parcelle bâtie acquise le 24 avril 2015. La société requérante fait valoir que la société à laquelle elle s'est substituée lors de l'acquisition de ce bien avait obtenu un permis d'aménager autorisant une division du terrain en trois lots au maximum, et que ce permis d'aménager lui a été transféré par la suite. Elle en déduit que les lots détachés du terrain abritant la construction et vendus indépendamment, constituaient des terrains à bâtir dès l'acquisition. Toutefois, l'acte de vente du 24 avril 2015 décrit le bien vendu comme un tènement immobilier constitué d'une maison à usage d'habitation et d'un terrain clos, tous deux situés sur la parcelle AR 866, sans aucune référence à une future division parcellaire. Il ne fait référence à l'existence d'un permis d'aménagement que dans la partie portant sur les conditions suspensives et se borne à indiquer que ce permis n'est pas purgé de tout recours. Ainsi, il ne résulte pas des mentions de l'acte d'acquisition que le terrain acquis par la SARL Temax Immo aurait été constitué de plusieurs terrains à bâtir, d'une part, et d'un terrain supportant la construction, d'autre part. Le permis d'aménager produit à l'instance ne comprend d'ailleurs aucune référence à la division parcellaire à venir. La circonstance qu'une des trois opérations de revente ait porté à la fois sur une parcelle issue du terrain acquis le 24 avril 2015 et sur la parcelle AR 972, acquise le 6 mai 2015 dans le cadre d'un échange, et qui aurait possédé la qualification de terrain à bâtir, n'est pas davantage de nature à établir une identité juridique entre les bien acquis et les biens revendus, et alors au demeurant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prix d'acquisition des biens en cause aurait été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ou comporterait une rémanence de cette taxe. Ainsi, les opérations de cession en litige n'entraient pas dans le champ de l'article 268 du code général des impôts et la SARL Temax Immo ne pouvait appliquer aux opérations de revente déjà mentionnées le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...). ".
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut que la requérante n'entre pas dans les prévisions de la réponse ministérielle dite " de La Raudière ", au demeurant publiée le 30 août 2016, soit postérieurement aux cessions des 8 octobre 2015 et 15 avril 2016, selon laquelle lorsque la division parcellaire est antérieure à l'acte d'acquisition initial ou qu'un document d'arpentage a été établi pour les besoins de la cession, permettant d'identifier les différentes parcelles dans l'acte, la taxation sur la marge s'applique dès lors qu'aucun changement physique ou de qualification juridique des parcelles cédées n'est intervenu avant la revente.
7. En second lieu, si la réponse ministérielle dite " Bussereau ", publiée le 20 septembre 2016, soit également postérieurement aux cessions des 8 octobre 2015 et 15 avril 2016, précise que " lorsqu'un permis d'aménager faisant apparaître de manière précise les divisions envisagées a été obtenu préalablement à la cession, la TVA sur la marge s'applique dès lors qu'aucun changement physique ou de qualification juridique des parcelles cédées n'est intervenu avant la revente. ", le permis d'aménager produit dans l'instance, lequel, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, ne mentionne pas les divisions envisagées, ne les fait a fortiori pas apparaître de manière précise. Ainsi, la SARL Temax Immo n'est pas fondée à se prévaloir de cette interprétation formelle de la loi fiscale.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Temax Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Temax Immo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Temax Immo et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.
La rapporteure,
C. VinetLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01508
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