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17/10/2024 | FRANCE | N°24LY01173

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 17 octobre 2024, 24LY01173


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de l'arrêté du 3 août 2023 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour ou le réexamen de sa situation.



Par un jugement n° 2309032 du 30 janvier 2024, l

e tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 24 avril ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de l'arrêté du 3 août 2023 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour ou le réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2309032 du 30 janvier 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 avril 2024, M. B..., représenté par Me Fréry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté contesté ;

2°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à partir de cette notification et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros HT au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l'État.

Il soutient que :

- faute de motivation suffisante le jugement est irrégulier ;

- tout examen particulier de la demande fait défaut ; malgré l'aggravation de sa situation et l'absence de soins dans son pays d'origine, il a fait l'objet d'un refus de séjour alors qu'étant mineur, ses parents ont bénéficié d'autorisations provisoires de séjour ; la préfète s'est seulement appropriée l'avis du collège de médecins ;

- il y a violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; une prise en charge serait impossible au Kosovo ; le système de santé est défaillant ;

- l'article L. 435-1 du même code a été méconnu, et l'appréciation à laquelle s'est livrée la préfète est manifestement erronée ; il présente avec sa famille des éléments d'insertion ;

- l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre, n'est pas motivée, se trouve entachée d'une erreur de droit et méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est elle-même illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard, rapporteur ;

- et les observations de Me Tronquet, substituant Me Fréry, pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant kosovar né en 2004, dont les parents avaient obtenu au titre de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une autorisation provisoire de séjour valable du 11 avril 2022 au 10 octobre 2022 en raison de son état santé, relève appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Ain du 3 août 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement en particulier de l'article L. 425-9 du même code et portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec fixation du pays à destination.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...). / Si le collège des médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".

3. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour prendre la décision de refus de séjour contestée, la préfète de l'Ain s'est appropriée l'avis rendu le 27 juin 2023 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont il résulte que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale et qu'un défaut de soins pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard aux caractéristiques du système de santé kosovar, il peut y bénéficier effectivement d'une prise en charge appropriée, l'avis précisant que le requérant peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une polyradiculonévrite chronique qui induit, en particulier, un traitement lourd à base d'immunosuppresseurs et de corticoïdes administrés par des cures d'Imurel et de Prednisone, un générique du Cortancyl. Si le laboratoire BIOGARAN ne commercialise pas le Prednisone au Kosovo, il apparaît et n'est pas contesté qu'il est accessible auprès d'autres laboratoires et dans plusieurs dosages. En revanche, et comme l'admet le préfet, l'Imurel n'est pas commercialisé au Kosovo ni son générique, l'Azathioprine, rien au dossier ne permettant dire qu'un traitement de même nature, même non équivalent à celui reçu en France, mais approprié à l'état de santé de M. B..., serait cependant disponible au Kosovo. Il n'apparaît pas, à cet égard, qu'un des traitements de même classe anatomique que l'Imurel existant dans ce pays serait approprié au caractère très spécifique de la pathologie dont souffre l'intéressé. L'impossible guérison de cette pathologie, relevée par la préfète, alors que des traitements susceptibles d'en ralentir l'aggravation existent, ne fait pas a priori obstacle à sa prise en charge en France. Dans ces circonstances, et alors que l'administration d'un traitement adapté est indispensable à M. B..., le refus de titre opposé par la préfète apparaît ici entaché d'une erreur d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Ain du 3 août 2023.

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de changement dans la situation de l'intéressé, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros HT à verser au conseil de M. B..., sous réserve que ce conseil renonce à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 janvier 2024 et l'arrêté de la préfète de l'Ain du 3 août 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Ain de prendre les mesures prévues au point 7 du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera une somme de 1 500 euros HT au conseil de M. B..., sous réserve pour ce conseil de renoncer à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le président, rapporteur,

V-M. Picard

La présidente assesseure,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 24LY01173

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01173
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;24ly01173 ?
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