Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 février 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2304862 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2023, Mme A..., représenté par Me Rodrigues, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté litigieux ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le refus de titre ne repose pas sur un examen particulier de sa situation personnelle ;
- ses motifs sont entachés d'erreurs matérielles sur la filiation de deux enfants majeurs et le lieu de résidence de deux autres de ses enfants ;
- il a été pris au visa d'un avis caduc du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante libanaise née le 4 octobre 1966, entrée en France le 15 juin 2014 sous couvert d'un visa court séjour, a déposé une demande d'asile qui a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 23 février 2016. Elle a par la suite obtenu une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 8 février 2017 au 7 février 2018. Par un arrêté du 7 février 2023, la préfète du Rhône a refusé de renouveler ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... interjette appel du jugement du 10 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... résidait en France depuis neuf ans à la date de l'arrêté litigieux et que ce séjour était régulier depuis l'obtention de son premier titre de séjour le 8 février 2017. Elle se prévaut de la présence sur le territoire national de deux de ses enfants bénéficiant du statut de réfugié, qui l'ont hébergée et dont elle a besoin de l'aide en raison de son état de santé nécessitant, en outre, des soins dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ainsi que l'a relevé le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration. Alors que ses deux autres enfants, réfugiés en Allemagne, indiquent lui rendre visite régulièrement en France, elle fait valoir sans être contredite qu'elle ne dispose pas d'attaches au Liban après avoir vécu vingt-huit ans en Syrie à la suite de son mariage avec un ressortissant de ce pays dont elle a divorcé, et qu'elle serait ainsi isolée dans son pays d'origine. Enfin, elle justifie avoir fait preuve d'une bonne insertion professionnelle en France. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, et que cet arrêté doit être annulé.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
6. Dès lors qu'aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait ne résulte de l'instruction, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, au sens des dispositions précitées, que le préfet territorialement compétent délivre à Mme A... un titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Rodrigues, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce dernier d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2304862 du 10 octobre 2023 et l'arrêté du 7 février 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé d'admettre Mme A... au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à Mme A... un titre de séjour, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à Me Rodrigues d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique, sous réserve que cette dernière renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. SavouréLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°23LY03814