Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 mars 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302731 du 25 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Vernet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Rhône du 8 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen complet ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit puisqu'il résidait régulièrement en France au jour de sa demande et était donc en mesure de solliciter son changement de statut, auquel il aurait dû être fait droit ;
- faute pour la préfecture d'établir la fraude dont elle s'est prévalue et ayant séjourné régulièrement en France, il était en toute hypothèse dispensé de justifier d'un visa de long séjour et aurait dû se voir délivrer, par l'application des stipulations combinées des articles 9 et 7 b) de l'accord franco-algérien, le certificat de résidence algérien mention " salarié " sollicité ;
- il remplit les conditions d'admission exceptionnelle au séjour au regard de la circulaire du 28 novembre 2012 et le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation professionnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui la fonde ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision désignant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
La procédure a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée par une décision du 8 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- et les observations de Me Beligon représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 17 octobre 1981, est entré en France le 2 mars 2020 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valable du 1er mars au 27 août 2020, en qualité de conjoint d'une ressortissante française à la suite de son mariage célébré le 9 juin 2019 en Algérie. L'intéressé a ensuite bénéficié d'un certificat de résidence, valable du 19 février 2021 au 18 février 2022, sur le fondement de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien. Le 23 novembre 2022, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié " sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 8 mars 2023, la préfète du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 25 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus d'admission au séjour :
2. Aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) ". Si, en vertu de l'article 9 de l'accord franco-algérien, la première délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de salarié est subordonnée à la production, par le ressortissant algérien, d'un visa de longue durée, il en va différemment pour le ressortissant algérien déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, du certificat de résidence algérien dont il est titulaire.
3. Par ailleurs, si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré, il incombe à l'ensemble des autorités administratives de tirer, le cas échéant, toutes les conséquences légales de cet acte aussi longtemps qu'il n'y a pas été mis fin.
4. En l'espèce, pour refuser à l'appelant la délivrance sur le fondement des stipulations précitées du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, de son certificat de résidence en qualité de salarié, la préfète du Rhône s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'intéressé ne pouvait être regardé comme justifiant d'un visa de long séjour en application de ces dispositions ainsi que de celles de l'article 9 du même accord dès lors qu'il avait obtenu frauduleusement un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française en raison de l'absence de toute intention matrimoniale chez l'intéressé.
5. Toutefois, dès lors que la préfète du Rhône n'avait ni retiré ni abrogé le certificat de résidence de M. A..., dont celui-ci demandait le renouvellement par changement de statut, il revenait à cette autorité de tirer toutes les conséquences légales de ce titre, quand bien même elle le considère comme obtenu par fraude, compte tenu de ce que le mariage de l'intéressé avec son épouse ressortissante française le 9 juin 2019 en Algérie, a été contracté uniquement aux fins d'installation de M. A... sur le territoire français. Elle ne pouvait ainsi légalement se fonder sur le caractère frauduleux de ce titre pour en refuser le renouvellement par changement de statut. La décision de refus en litige, qui ne peut être regardée comme ayant par elle-même, implicitement mais nécessairement, retiré ou abrogé le titre de séjour de M. A..., est donc entachée d'une erreur de droit et doit être annulée pour ce motif, aucun des autres moyens de la requête n'étant mieux à même de régler le litige. L'illégalité ainsi relevée prive de leur base légale les autres décisions contenues dans le même arrêté, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixation du pays de renvoi.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui annule pour erreur de droit le refus de titre de séjour opposé à la demande de M. A..., n'implique pas nécessairement la délivrance de ce titre, mais seulement le réexamen de cette demande, au titre de la qualité de salarié sollicitée. Il est par conséquent enjoint à la préfète du Rhône de procéder à l'examen de cette demande et de prendre une nouvelle décision, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de faire droit aux conclusions de M. A... relatives aux frais de justice.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302731 du tribunal administratif de Lyon du 25 juillet 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète du Rhône du 8 mars 2023 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la situation de M. A... et de prendre une nouvelle décision sur cette situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et à la préfète du Rhône. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03813