Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions des 4 mai 2021 et 9 mai 2022 de la directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Isère en tant qu'elles lui ont retiré les fonctions de directrice d'école primaire pour les années scolaires 2021-2022 et 2022-2023, ensemble la décision du 23 juillet 2021 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à cette autorité de la réintégrer dans ces fonctions à compter des 1er septembre 2021 et 1er septembre 2022 et, au titre de chacune de ces deux années, de condamner l'État à l'indemniser des préjudices financiers subis du fait de la perte des indemnités afférentes à l'exercice de ces fonctions pour des montants respectifs de 381,87 et 395,26 euros par mois.
Par un jugement n° 2106362, 2203673 du 4 juillet 2023, le tribunal a fait droit aux conclusions à fin d'annulation de Mme B... (article 1er), condamné l'État à lui verser une somme de 2 669,51 euros (article 2), et rejeté le surplus de ses demandes (article 3).
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 septembre 2023 et 3 juillet 2024, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'annulation de Mme B... et qu'il a condamné l'État à lui verser une somme de 2 669,51 euros ;
2°) de rejeter les demandes de première instance de Mme B....
Il soutient que
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les décisions des 4 mai 2021 et 9 mai 2022 étaient entachées d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions, pour la première, de l'article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984, et pour la seconde, de l'article L. 612-3 du code général de la fonction publique ;
- les moyens soulevés par Mme B... à l'appui de son appel incident ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 4 décembre 2023 et 19 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Denis, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation des articles 2 et 3 du jugement attaqué :
- en portant la condamnation de l'État à lui verser une somme totale de 12 046,94 euros, dont 3 000 euros de préjudice moral, avec les intérêts et la capitalisation des intérêts, ou, en toute hypothèse, une somme dans la limite de l'indemnité demandée en première instance ;
- en enjoignant à la rectrice de l'académie de Grenoble de la réintégrer dans ses fonctions de directrice de l'école primaire de Fitilieu dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen soulevé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n'est pas fondé ;
- les décisions contestées des 4 mai 2021 et 9 mai 2022 ne sont pas suffisamment motivées ;
- elles sont entachées de vices de procédure au regard des dispositions de l'article 1-4 du décret n° 82-624 du 20 juillet 1982, n'ayant pas été précédées de l'avis de la commission administrative paritaire, et de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, faute de communication préalable de son dossier, ce qui l'a privée de garanties ;
- à titre incident, c'est à tort que les premiers juges ne lui ont pas alloué, au titre de la période en litige pendant laquelle elle avait été illégalement évincée de ses fonctions de directrice de l'école primaire de Fitilieu, un montant correspondant au versement de la nouvelle bonification indiciaire et de l'indemnité de sujétions spéciales des directeurs d'école auxquelles elle avait droit ; en l'espèce, elle avait donc droit au versement d'une somme de 712,76 euros au titre de la nouvelle bonification indiciaire et de 4 891,24 euros au titre de l'indemnité de sujétions spéciales ;
- c'est à tort que les premiers juges ne lui ont pas alloué, au titre de la période en litige, une somme totale de 3 442,94 correspondant à la bonification indiciaire, le montant de cette prime auquel elle avait droit ne pouvant être calculé au prorata de son temps de travail effectif ;
- elle a subi, du fait de l'illégalité des décisions contestées un préjudice moral, qu'il convient d'indemniser à hauteur de 3 000 euros ; en toute hypothèse, une somme doit lui être allouée au titre de ce préjudice dans la limite du montant de l'indemnité sollicitée en première instance ;
- elle a droit sur les sommes qui lui sont dues, aux intérêts et à la capitalisation des intérêts.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par Mme B... en tant qu'elles excèdent le montant total de l'indemnité demandée en première instance.
Par une ordonnance du 21 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 82-624 du 20 juillet 1982 ;
- le décret n° 83-644 du 8 juillet 1983 ;
- le décret n° 91-1229 du 6 décembre 1991 ;
- le décret n° 93-522 du 26 mars 1993 ;
- l'arrêté du 6 décembre 1991 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire dans les services du ministère de l'éducation nationale ;
- l'arrêté du 12 septembre 2008 fixant les taux annuels de l'indemnité de sujétions spéciales attribuée aux directeurs d'école et aux directeurs d'établissement spécialisé ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Denis, pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., titulaire du grade de professeur des écoles de classe normale, affectée depuis le 1er septembre 2015 au sein de l'école primaire de Fitilieu comprenant neuf classes, située sur le territoire de la commune des Abrets-en-Dauphiné, exerçait des fonctions de directrice de cette école. Elle a demandé, au titre de l'année scolaire 2021-2022, le bénéfice d'un temps partiel de droit pour une quotité horaire de 75 % d'un temps plein à la directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Isère qui, par une décision du 4 mai 2021, a fait droit à sa demande tout en lui retirant ses fonctions de directrice d'école à titre temporaire. L'administration a rejeté le 23 juillet 2021 le recours gracieux formé par Mme B... à l'encontre de cette dernière. La demande de Mme B... tendant, au titre de l'année scolaire 2022-2023, dans les mêmes conditions, à obtenir un temps partiel de droit pour une quotité horaire de 80 % a été rejetée par une décision du 9 mai 2022. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse relève appel du jugement du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a annulé les décisions des 4 mai 2021 et 9 mai 2022 en tant qu'elles retirent à Mme B... ses fonctions de directrice d'une école primaire, et la décision du 23 juillet 2021, et condamné l'État à lui verser une indemnité de 2 669,51 euros.
Sur l'appel principal :
2. Aux termes de l'article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 1er mars 2022 : " L'autorisation d'accomplir un travail à temps partiel, selon les quotités de 50 %, 60 %, 70 % et 80 %, est accordée de plein droit aux fonctionnaires à l'occasion de chaque naissance jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant ou de chaque adoption jusqu'à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de l'arrivée au foyer de l'enfant adopté. / (...). ". Aux termes de l'article L. 612-3 du code général de la fonction publique, en vigueur depuis le 1er mars 2022 : " L'autorisation d'accomplir un travail à temps partiel est accordée de plein droit au fonctionnaire selon une quotité de 50, 60, 70 ou 80 % : / 1° A l'occasion de chaque naissance, jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant ; / (...). ". Aux termes de l'article 1-4 du décret du 20 juillet 1982 fixant les modalités d'application pour les fonctionnaires de l'ordonnance n° 82-296 du 31 mars 1982 relative à l'exercice des fonctions à temps partiel : " Pour les personnels dont les fonctions comportent l'exercice de responsabilités ne pouvant par nature être partagées et de ce fait incompatibles avec un exercice à temps partiel, le bénéfice du temps partiel de droit est subordonné à une affectation dans d'autres fonctions conformes au statut du corps auquel ils appartiennent, après avis de la commission administrative paritaire compétente en cas de litige.".
3. Il résulte des dispositions précitées que le fonctionnaire bénéficie, de plein droit, de l'autorisation d'effectuer un service à mi-temps lors de la naissance de chacun de ses enfants. Toutefois, lorsque l'emploi occupé par l'intéressé comporte l'exercice de responsabilités qui, par nature, ne peuvent être partagées, l'autorité compétente peut subordonner le bénéfice d'un temps partiel à une affectation dans un nouvel emploi, après avis de la commission administrative paritaire, en cas de litige.
4. Pour prendre les décisions contestées, la directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Isère a estimé que les fonctions de directrice de l'école primaire de Fitilieu, relatives à une école comprenant neuf classes, ne pouvaient par nature être partagées, si bien que l'octroi d'un service à temps partiel à Mme B... faisait obstacle à ce qu'elle continue d'exercer de telles fonctions.
5. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exercice d'un temps partiel à une quotité de 75 % ou, annualisé, à 80 %, de droit pour l'intéressée eu égard aux raisons pour lesquelles il était demandé, était ici de nature à l'empêcher de continuer à exercer ses fonctions de directrice d'école. Il apparaît ainsi que l'intéressée a pu assurer de telles fonctions tout en bénéficiant depuis 2014 et jusqu'en 2021 de décharges de service à hauteur de 25 % ou 33 % pour l'exercice d'une activité syndicale qui, lorsqu'elle s'y consacrait, ne lui permettait pas d'exercer effectivement ces fonctions, notamment en étant présente au sein des locaux de l'école. A cet égard, l'académie de Grenoble a admis l'accomplissement par des professeurs des écoles exerçant par ailleurs des fonctions de directeur d'école primaire de missions de maître formateur auprès d'adultes, accessoires à de telles fonctions de direction. Rien, dans ces conditions, ne permet ainsi de dire que les fonctions de directeur d'école, telles qu'elles sont définies par le code de l'éducation, ne pourraient, par nature, être partagées. Dès lors, en prenant les décisions contestées la directrice académique des services de l'éducation nationale de l'Isère a méconnu les dispositions ci-dessus. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé ces décisions.
6. Par voie de conséquence de ce qui précède, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n'est pas davantage fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'État à verser à l'intéressée une somme de 2 669,51 euros.
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne les préjudices :
7. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
8. En premier lieu, aux termes de l'article 40 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, applicables jusqu'au 1er mars 2022 : " Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel perçoivent une fraction du traitement, de l'indemnité de résidence et des primes et indemnités de toutes natures afférentes soit au grade de l'agent et à l'échelon auquel il est parvenu, soit à l'emploi auquel il a été nommé. Cette fraction est égale au rapport entre la durée hebdomadaire du service effectué et la durée résultant des obligations hebdomadaires de service réglementairement fixées pour les agents de même grade exerçant à temps plein les mêmes fonctions dans l'administration ou le service concerné. / Toutefois, dans le cas de services représentant 80 ou 90 % du temps plein, cette fraction est égale respectivement aux six septièmes ou aux trente-deux trente-cinquièmes du traitement, des primes et indemnités mentionnés à l'alinéa précédent. / (...). ". Aux termes de l'article L. 612-5 du code général de la fonction publique, en vigueur à compter du 1er mars 2022 : " Le fonctionnaire autorisé à travailler à temps partiel perçoit une fraction du traitement, de l'indemnité de résidence ainsi que des primes et indemnités de toute nature afférentes soit à son grade et à son échelon, soit à l'emploi auquel il a été nommé. / Cette fraction est égale au rapport entre la durée hebdomadaire du service effectué et la durée résultant des obligations hebdomadaires de service réglementairement fixées pour les fonctionnaires de même grade exerçant à temps complet les mêmes fonctions dans l'administration ou le service concerné. / Pour les quotités égales à 80 ou 90 % du temps complet et par dérogation au second alinéa, cette fraction est égale respectivement aux six septièmes ou aux trente-deux trente-cinquièmes de la rémunération mentionnée au premier alinéa. ".
9. Il résulte des dispositions citées au point précédent que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que que c'est à tort que les premiers juges ne lui ont pas alloué, au titre de la bonification indiciaire pour la période en litige, une somme totale de 3 442,94 euros, dès lors que, comme l'a relevé le tribunal, le montant de cette prime auquel elle avait droit ne pouvait être calculé qu'au prorata de son temps de travail effectif.
10. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " I. - La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret (...). ". Aux termes de l'article 1er du décret du 26 mars 1993 relatif aux conditions de mise en œuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique de l'Etat : " La nouvelle bonification indiciaire est attachée à certains emplois comportant l'exercice d'une responsabilité ou d'une technicité particulière. Elle cesse d'être versée lorsque l'agent n'exerce plus les fonctions y ouvrant droit. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 décembre 1991 instituant la nouvelle bonification indiciaire dans les services du ministère de l'éducation nationale : " Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires du ministère de l'éducation nationale exerçant une des fonctions figurant en annexe au présent décret. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " La perception de la nouvelle bonification indiciaire est liée à l'exercice des fonctions y ouvrant droit. Elle ne peut se cumuler avec d'autres bonifications indiciaires d'une autre nature qui seraient éventuellement perçues par le fonctionnaire exerçant des fonctions ouvrant droit à la nouvelle bonification indiciaire prévue par le présent décret. / (...). ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " La nouvelle bonification indiciaire est versée aux fonctionnaires exerçant les fonctions y ouvrant droit soit à la date de publication du présent décret, soit ultérieurement, à compter de la date correspondant à la prise effective des fonctions. ". En vertu du VII de l'annexe à ce décret relative aux fonctions pouvant donner lieu au versement d'une nouvelle bonification indiciaire aux fonctionnaires du ministère de l'éducation nationale : " Fonctions exercées par les personnels enseignants : / (...) / -personnels enseignants du premier degré chargés des fonctions de directeur d'école ; / (...). ". Selon le tableau annexé à l'arrêté du 6 décembre 1991 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire dans les services du ministère de l'éducation nationale, les fonctions de directeur d'une école de neuf classes ouvrent droit à une nouvelle bonification indiciaire de neuf points.
11. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 8 juillet 1983 portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales aux directeurs d'école maternelle et élémentaire, aux maîtres directeurs et aux directeurs d'établissement spécialisé : " Une indemnité pour sujétions spéciales non soumises à retenue pour pension civile est allouée aux directeurs d'école primaire, élémentaire ou maternelle, et aux maîtres directeurs. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 12 septembre 2008 fixant les taux annuels de l'indemnité de sujétions spéciales attribuée aux directeurs d'école et aux directeurs d'établissement spécialisé, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2022 : " Les taux annuels de l'indemnité de sujétions spéciales allouée aux directeurs d'école et aux directeurs d'établissement spécialisé en application des dispositions du décret du 8 juillet 1983 susvisé sont fixés ainsi qu'il suit : / Nombre de classes de l'école / (...) De 4 à 9 classes / (...) / Taux annuels (en euros) / (...) / 2 445,62 / (...). ". Aux termes du même article dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2022 au 1er septembre 2023 : " Les taux annuels de l'indemnité de sujétions spéciales allouée aux directeurs d'école et = aux directeurs d'établissement spécialisé en application des dispositions du décret du 8 juillet 1983 susvisé sont fixés ainsi qu'il suit : / Nombre de classes de l'école / (...) De 4 à 9 classes / (...) / Taux annuels (en euros) / (...) / 2 670,62/ (...). ".
12. Le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et de l'indemnité de sujétions spéciales, qui ne sont pas seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liées à l'exercice effectif des fonctions, est attaché à l'emploi dont l'agent est titulaire. Dès lors, et compte tenu des principes rappelés au point 7 ci-dessus, l'illégalité des décisions contestées doit être regardée comme ayant privé Mme B... d'une chance sérieuse de percevoir ces indemnités, auxquelles elle avait droit en qualité de directrice de l'école primaire de Fitilieu.
13. Ainsi, pour ce qui concerne d'abord la nouvelle bonification indiciaire, et eu égard à la valeur mensuelle du point d'indice de 4,69 euros au 1er février 2017, de 4,85 euros au 1er juillet 2022, et de 4,92 euros au 1er juillet 2023, et compte tenu de la quotité de service que Mme B... aurait exercé pour la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2022, de 75 %, et pour la période du 1er septembre 2022 au 31 août 2023, de 80 %, elle justifie d'une perte de 382,05 euros pour la première période et de 420,048 euros pour la seconde.
14. Pour ce qui est ensuite de l'indemnité de sujétions spéciales, et compte tenu de son montant annuel prévu par l'article 1er de l'arrêté du 12 septembre 2008 dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2022, de 2 445,62 euros, et après cette date de 2 670,62 euros, comme de la quotité de service qu'elle aurait exercée pour la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2022, de 75 %, et pour la période du 1er septembre 2022 au 31 août 2023, de 80 %, elle justifie d'une perte de 1 946,763 euros pour la première période et de 2 136,576 euros pour la seconde. L'État doit donc être condamné à lui verser une somme de 4 083,339 euros à ce titre.
15. L'État doit donc être condamné à lui verser, au total, une somme de 712,76 euros au titre de la nouvelle bonification indiciaire, comme elle le demande, et de 4 083,339 euros pour l'indemnité de sujétions spéciales.
16. En troisième lieu, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.
17. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme B... en fixant son montant à 500 euros par année scolaire soit, globalement, 1 000 euros.
18. Il résulte de tout ce qui précède que l'État versera à Mme B... une somme totale de 8 465,609 euros, inférieure à l'indemnité de 9 325,56 euros qu'elle demandait globalement en première instance.
19. Par suite, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé les décisions litigieuses et condamné l'État à verser à l'intéressée une somme de 2 669,51 euros. Mme B... est en revanche fondée à demander que cette dernière somme soit portée à 8 465,609 euros.
En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
20. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal à compter de la date de réception de ses réclamations préalables par l'administration au titre des années scolaires 2021-2022 et 2022-2023 soit, respectivement, les 24 septembre 2021 et 28 février 2023.
21. Elle a également demandé la capitalisation des intérêts pour la première fois le 4 décembre 2023. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date pour les sommes dues au titre de l'année scolaire 2021-2022 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci, et du 29 février 2024 pour l'année scolaire 2022-2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
22. Les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint à la rectrice de l'académie de Grenoble de la réintégrer dans ses fonctions de directrice de l'école primaire de Fitilieu dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ne peuvent qu'être rejetées, le présent arrêt n'impliquant pas nécessairement qu'une décision en ce sens soit prise, les années scolaires visées par les décisions des 4 mai et 23 juillet 2021 et 9 mai 2022 étant désormais écoulées.
Sur les frais de l'instance :
23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État au profit de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est rejetée.
Article 2 : La somme que l'État a été condamné à verser à Mme B... est portée à 8 465,609 euros avec, dans les conditions prévues ci-dessus, les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts.
Article 3 : Les articles 2 et 3 du jugement du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt, sont réformés.
Article 4 : L'État versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'éducation nationale et à Mme A... B....
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
V-M. Picard La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02827
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