Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016, 2017 et 2018, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2101181 du 25 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 août 2023, 28 février et 25 mars 2024, M. B... A..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens, et mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- concernant les distributions résultant de la reconstitution de chiffres d'affaires, l'administration n'a pris en compte que les recettes de vente de véhicules d'occasion mais non les charges d'achat, d'entretien et de réparation de ces véhicules ;
- concernant les revenus distribués correspondant à des débits du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les comptes de la SASU Challenger Auto, la charge de la preuve incombe à l'administration ; il existe une double imposition de revenus distribués des sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé et celles figurant à son débit ; le compte courant d'associé demeurait créditeur lors des différents prélèvements à son bénéfice, en dépit des passifs fictifs écartés par l'administration à l'encontre de la SASU Challenger Auto ; l'article 109 1. 2° du code général des impôts n'est pas applicable aux revenus distribués en litige ; la substitution demandée par le ministre de l'article 111 a. à l'article 109 1. 2° du code général des impôts le priverait d'une garantie, en l'absence de possibilité de demander dans le délai de réclamation la restitution des impôts litigieux suite à un remboursement à la SASU Challenger Auto des sommes prélevées ; l'article 158 7 2° du code général des impôts n'est pas applicable aux revenus distribués imposés sur le fondement de l'article 111 a. de ce code ;
- les revenus distribués correspondant aux sommes en espèces qu'il a prélevées au préjudice de la SASU Challenger Auto, ne peuvent être fondés sur le a. de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que ces prélèvements sont définitifs.
Par des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2023, 20 mars et 9 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions relatives aux rémunérations et avantages occultes imposés sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts, sont irrecevables en l'absence de moyens ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, il y a lieu de substituer l'article 111 a. du code général des impôts à l'article 109 1. 2° de ce code pour les rehaussements se rapportant aux débits en compte courant d'associé.
Par ordonnance du 10 avril 2024, la clôture d'instruction, initialement fixée au 15 avril 2024, a été reportée au 29 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SASU Challenger Auto, dont M. A... était l'associé unique et le dirigeant et qui avait pour objet le commerce de véhicules automobiles d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2018. A l'issue de ce contrôle, la vérificatrice a, d'une part, après avoir rejeté la comptabilité, procédé à une reconstitution de ses chiffres d'affaires et réintégré dans ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 les omissions de recettes révélées par cette reconstitution et, d'autre part, remis en cause les sommes inscrites au crédit du compte courant de M. A... qu'elle a regardées comme des passifs injustifiés. En conséquence du contrôle de la SASU Challenger Auto, M. A... a été assujetti, au titre des années 2016, 2017 et 2018, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans ses revenus imposables à l'impôt sur le revenu, en premier lieu, des bénéfices distribués par la société correspondant aux minorations de recette que l'administration a imposés entre ses mains sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, en deuxième lieu, des sommes inscrites au débit de son compte courant, mises en évidence par la vérification de comptabilité, lesquelles ont été imposées sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code et, en troisième lieu, de prélèvements en espèces révélés par une reconstitution, effectuée au cours de la vérification de comptabilité, des comptes de caisse de la société des exercices clos en 2017 et 2018, que l'administration a imposés entre ses mains sur le fondement de l'article 111 a. du même code. Ces impositions supplémentaires, notifiées suivant la procédure contradictoire, ainsi que les contributions sociales corrélativement mises à la charge de M. A..., ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 juillet 2023 en tant seulement qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités résultant des chefs de rehaussements précités.
Sur les bénéfices distribués imposés sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts :
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la vérificatrice a procédé à une reconstitution de chiffres d'affaires de la SASU Challenger Auto au titre des exercices clos les 30 septembre 2016, 2017, 2018, en se fondant sur les cessions de véhicules identifiées à partir du livre de police et les factures non comptabilisées, sur les virements sur le compte bancaire ouvert auprès du Crédit Agricole par la SASU Challenger Auto, qui n'étaient pas justifiés, et sur les écritures d'opérations diverses comptabilisées par cette société au compte 70710000 " Vente VO/PA exo de TVA ", qui ont été reconnues par la société comme correspondant à des ventes. Les minorations de recettes révélées par le contrôle se sont élevées à, respectivement, 44 885 euros, 12 392 euros, 17 948 euros au titre de ces trois exercices. Les résultats imposables déclarés par la SASU Challenger Auto, qui tiennent compte des frais et charges engagés par cette société et comptabilisés dans les comptes de classe 6, ont été rehaussés du montant des recettes omises, lesquelles ont été imposées entre les mains de M. A... sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. Si M. A... soutient qu'il faut prendre en considération les charges d'achat, d'entretien et de réparation des véhicules dont les ventes n'ont pas été déclarées, la seule circonstance que l'administration a rehaussé les recettes de la SASU Challenger Auto n'entraîne pas par voie de conséquence que les charges devraient être augmentées d'autant. Le requérant ne fournit aucune précision, ni aucune justification dans le cadre de la présente instance, sur les charges supplémentaires qu'il y aurait lieu de prendre en compte pour le calcul des bénéfices. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant le montant des distributions imposées sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts.
Sur les revenus distribués imposés sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts :
4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".
5. L'administration a soumis à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées, les sommes inscrites au débit du compte courant d'associé de M. A... pour des montants totaux de 6 098 euros, 12 746 euros et 6 046 euros, au titre respectivement des années 2016, 2017 et 2018.
6. Il résulte de l'instruction que la SASU Challenger Auto a inscrit le 8 septembre 2015, au crédit du compte courant d'associé ouvert dans ses comptes au nom de M. A..., une somme de 24 000 euros comme correspondant à un prêt, des sommes d'un montant total de 19 415,87 euros, de 2 833,26 euros et de 2 788,92 euros, au titre respectivement des exercices clos en 2016, 2017 et 2018, par des écritures d'opérations diverses pour solde de comptes fournisseurs et que, comme il a été dit au point 1, la vérificatrice a remis en cause ces écritures en diminuant le passif de la société. M. A... n'a pas, pour autant, été imposé à raison des sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé mais seulement à raison des prélèvements inscrits au débit de son compte courant. Le moyen tiré d'une double imposition ne peut, dès lors, qu'être écarté.
7. Il est constant que la somme de 24 000 euros inscrite au crédit du compte courant de M. A... correspond à un prêt consenti à la SASU Challenger Auto par un tiers et non par M. A.... De plus, il n'est pas contesté que M. A... a déclaré, au cours de la vérification de comptabilité de la SASU Challenger Auto, qu'il n'était pas en mesure de régler personnellement les sommes dues à des fournisseurs et le requérant n'a apporté au cours de ce contrôle aucun justificatif établissant qu'il aurait pris personnellement en charge le paiement de fournisseurs de la société. Enfin, il résulte de la proposition de rectification adressée à la SASU Challenger Auto, jointe à la proposition de rectification destinée à M. A..., que la vérificatrice a estimé que l'inscription des sommes précitées de 24 000 euros, 19 415,87 euros, 2 833,26 euros et de 2 788,92 euros, au crédit du compte courant d'associé avait permis à M. A... de procéder aux prélèvements comptabilisés au débit de ce compte. Le requérant ne prouve pas, en se bornant à faire valoir qu'il est interdit qu'un compte courant d'associé soit débiteur, que d'autres sommes que celles-ci ont été portées de manière justifiée au crédit du compte courant d'associé. Ainsi, les sommes inscrites au débit du compte courant d'associé, qui correspondent à des prélèvements par le requérant, ne peuvent être considérées comme la contrepartie de dettes contractées par la SASU Challenger Auto à l'égard de M. A....
8. Les sommes de 6 098 euros, 12 746 euros et 6 046 euros, portées au débit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... dans les écritures de la SASU Challenger Auto, dont les libellés indiquent d'ailleurs qu'elles ont été prélevées par chèques, retraits en espèces ou virements ont été mises à la disposition de l'intéressé, au sens du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts, qui est applicable. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de base légale, présentée à titre subsidiaire par le ministre, tendant au maintien de l'imposition sur le fondement de l'article 111 a du code général des impôts, que c'est à bon droit que l'administration a imposé ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées.
Sur les revenus distribués imposés sur le fondement de l'article 111 a du code général des impôts :
9. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que la SASU Challenger Auto, qui perçoit de nombreux paiements en espèces, ne tient pas dans sa comptabilité de compte 53 " caisse ", que ses recettes en espèces ne sont pas totalement déposées sur le compte bancaire de la société ouvert auprès du Crédit Agricole, que la vérificatrice a alors reconstitué le compte caisse au titre des exercices clos les 30 septembre 2017 et 2018, à partir, d'une part, des encaissements indiqués sur les factures présentées et le livre de police, et, d'autre part, des remises espèces en banque et du remboursement en espèces par la SASU Challenger Auto d'un prêt auprès d'un particulier, et qu'il en est résulté des soldes du compte caisse inexpliqués à concurrence des sommes de 5 772 euros et 8 723 euros au titre respectivement des années civiles 2017 et 2018. M. A... reconnaît lui-même dans ses écritures d'appel qu'il a prélevé les sommes précitées de 5 772 euros et 8 723 euros à des fins personnelles. Ainsi ces sommes, mises par la SASU Challenger Auto à la disposition de son associé et dont l'intéressé n'établit, en tout état de cause, pas qu'elles lui seraient définitivement acquises sont réputées être des revenus distribués imposables en vertu des dispositions précitées.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir du ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en ce qui concerne ces impositions. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02768