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17/10/2024 | FRANCE | N°23LY02611

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 17 octobre 2024, 23LY02611


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 13 février 2020 par laquelle la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice a refusé de renouveler son détachement sur un emploi fonctionnel et l'arrêté du 24 février 2020 portant réintégration dans son corps d'origine.



Par un jugement n° 2002295 du 4 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour





Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 août 2023 et 12 avril 2024, Mme C..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 13 février 2020 par laquelle la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice a refusé de renouveler son détachement sur un emploi fonctionnel et l'arrêté du 24 février 2020 portant réintégration dans son corps d'origine.

Par un jugement n° 2002295 du 4 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 août 2023 et 12 avril 2024, Mme C..., représentée par Me Morlat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au ministre de la justice de la réintégrer dans son poste précédent, et de reconstituer sa carrière, dans le mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal s'est contredit dès lors qu'il a admis que la décision du 13 février 2020 avait été prise en considération de la personne mais qu'elle n'avait pas à être précédée d'une procédure contradictoire ;

- les premiers juges ont exercé un contrôle restreint sur le bien-fondé de la décision du 13 février 2020 alors qu'ils devaient exercer un contrôle normal ;

En ce qui concerne la décision du 13 février 2020 portant refus de renouvellement de détachement sur un emploi fonctionnel :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle a reçu une convocation le 11 février pour l'entretien du 13 février 2020 en méconnaissance de la circulaire du 9 juillet 2018 relative aux statuts d'emploi des directeurs fonctionnels de la protection judiciaire de la jeunesse ; elle n'a pas pu préparer cet entretien en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et n'a pu consulter son dossier que le 9 septembre 2020, soit sept mois après la décision attaquée ;

- la décision méconnaît la procédure prévue par le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions, quant aux délais dans lesquels l'organisme d'accueil doit formuler son souhait sur le renouvellement du détachement ;

- la décision est entachée d'erreur de fait concernant les motifs de la décision attaquée ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

En ce qui concerne la décision du 24 février 2020 portant réintégration dans son corps d'origine :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son détachement ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 avril 2024, l'instruction a été close au 29 avril 2024.

Mme C... a produit un mémoire après clôture, enregistré le 27 septembre 2024, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État ;

- le décret n° 2013-298 du 9 avril 2013 relatif aux statuts d'emplois de directeur fonctionnel de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- le décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

- la circulaire du 9 juillet 2018 relative aux statuts d'emploi des directeurs fonctionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (n° JUSF1820750C) ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Morlat, pour Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., fonctionnaire d'état appartenant au corps des directeurs des services de la protection judiciaire de la jeunesse, a été détachée le 11 avril 2016, sur un emploi fonctionnel du 2ème groupe, pour exercer les fonctions de directrice territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse Drôme-Ardèche (DTPJJ), pour une durée de quatre ans, dont le terme était fixé au 11 avril 2020. Le 6 janvier 2020, elle a sollicité le renouvellement de ce détachement. Par une décision du 13 février 2020, sa demande a été rejetée par la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice. Par arrêté du 24 février 2020, le ministre de la justice l'a alors réintégrée dans son corps d'origine à compter du 11 avril 2020. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de ces deux décisions des 13 et 24 février 2020. Par un jugement du 4 juillet 2023, dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer d'une part sur la régularité de la décision des premiers juges et d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait dénaturé les pièces du dossier et les faits de l'espèce et commis une erreur de qualification juridique de ces faits sont inopérants et ne peuvent donc qu'être écartés.

3. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité des décisions des 13 et 24 février 2020 :

En ce qui concerne le moyen commun à ces deux décisions :

4. Le moyen tiré de l'incompétence des auteurs des décisions contestées doit être rejeté par les mêmes motifs que ceux adoptés par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision du 13 février 2020 portant refus de renouvellement du détachement :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) ; (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

6. Un agent dont le détachement arrive à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant refus de renouvellement aurait été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt du service ou pour des motifs disciplinaires, elle n'avait pas à être motivée. Le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".

8. Un agent dont le détachement arrive à échéance n'a en principe aucun droit au renouvellement de celui-ci. Alors même qu'elle serait fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur le comportement de l'intéressé, la décision de ne pas procéder à un tel renouvellement n'est pas, sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire, ce qui n'est pas le cas ici, au nombre des décisions devant être soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable, en particulier en application de l'article L. 121-1 ci-dessus. Si le paragraphe II article E de la circulaire du 9 juillet 2018 relative aux statuts d'emploi des directeurs fonctionnels de la protection judiciaire de la jeunesse précise que les " agents sollicitant un renouvellement de leur emploi fonctionnel sont désormais reçu en entretien par leur N+1 ", aucun texte ne fixe les conditions dans lesquelles un tel entretien doit se tenir, notamment les formes ou les délais de convocation. Dès lors, si Mme C... a été reçue en entretien par son supérieur hiérarchique direct le 13 juin 2020, soit le jour où a été prise la décision, notifiée par la suite, de ne pas la renouveler dans son poste, une telle circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 22 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 : " Trois mois au moins avant l'expiration du détachement de longue durée, le fonctionnaire fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement du détachement ou de réintégrer son corps d'origine. /Deux mois au moins avant le terme de la même période, l'administration ou l'organisme d'accueil fait connaître au fonctionnaire concerné et à son administration d'origine sa décision de renouveler ou non le détachement ou, le cas échéant, sa proposition d'intégration. / A l'expiration du détachement, dans le cas où il n'est pas renouvelé par l'administration ou l'organisme d'accueil pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice des fonctions, le fonctionnaire est réintégré immédiatement et au besoin en surnombre dans son corps d'origine, par arrêté du ministre intéressé, et affecté à un emploi correspondant à son grade. (...). ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le 6 janvier 2020, Mme C... a sollicité le renouvellement de son détachement, qui arrivait à échéance le 11 avril 2020, soit plus de trois mois plus tard. L'arrêté du 24 février 2020 porte réintégration dans le corps d'origine à compter du 11 avril 2020, le jour d'expiration du détachement. Si la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a refusé sa demande le 13 février 2020, soit deux mois moins deux jours avant le terme de la période de détachement, la méconnaissance du délai imparti par les dispositions précitées, qui n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure, est demeurée, compte tenu de son amplitude très limitée, sans incidence sur la régularité de la décision contestée.

11. En quatrième lieu, Mme C... soutient que la décision attaquée serait entachée d'erreurs de fait quant à sa manière de servir. D'une part, la requérante expose de nombreux arguments en réponse au courrier du 3 février 2020 adressé par le directeur interrégional à la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, qui ne constituait toutefois qu'un avis. Si la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse vise les éléments ainsi transmis aux termes de sa décision, elle n'a pas entendu en reprendre le détail. La décision se fonde sur des manquements constatés dans plusieurs missions attendues d'une directrice territoriale, notamment une difficulté à porter un projet et à le défendre, une absence d'engagement sur les dossiers territoriaux suivie d'une posture de contestation voire d'obstruction de la décision hiérarchique et des prises de positions au sein du territoire mettant en difficulté le portage des projets. Il est constant que le poste de directeur territorial Drôme-Ardèche de la protection judiciaire de la jeunesse est un poste exigeant, marqué par une forte tension dans la gestion des ressources humaines. S'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a régulièrement fait remonter à sa hiérarchie les difficultés rencontrées par les services, elle n'a formulé que peu de propositions pour les résoudre. Elle ne fournit pas d'éléments permettant d'apprécier concrètement son implication. Ainsi, les éléments apportés par la requérante, aussi précis et circonstanciés qu'ils soient, ne suffisent pas à démontrer que la décision serait entachée d'erreurs de faits ou manifeste d'appréciation.

12. En dernier lieu, la requérante soutient que la décision portant refus de renouveler son détachement révèle une sanction déguisée et un détournement de pouvoir. Toutefois, Mme C... n'apporte aucun élément probant au soutien d'un tel moyen. Si elle indique des difficultés de communication avec sa hiérarchie, des blocages et de la distance, difficultés que son supérieur hiérarchique admet, aucun des éléments du dossier ne laisse apparaître un " acharnement " sur sa personne. La seule circonstance que ses évaluations lui ont été communiquées tardivement n'est pas de nature à révéler une stratégie visant à la discréditer. Aucun lien probant ne peut être établi entre la décision contestée et le fait que le directeur interrégional aurait exercé les mêmes fonctions que la requérante de septembre 2010 à août 2011. Ainsi, aucun élément versé au dossier ne permet d'établir que la décision de non-renouvellement du détachement de Mme C... aurait été prise dans un but étranger à l'intérêt du service, et le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit donc être écarté.

En ce qui concerne la décision du 24 février 2020 portant réintégration dans le corps d'origine :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de détachement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant réintégration dans le corps d'origine.

14. En second lieu, l'arrêté portant réintégration dans son corps d'origine d'un fonctionnaire d'État dont le détachement est arrivé à échéance et n'a pas été renouvelé n'entre pas au nombre des décisions qui doivent être motivées au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré d'un défaut de motivation doit donc être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la justice, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

I. BoffyLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02611

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02611
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement - Conditions du détachement.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement - Réintégration.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : MORLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;23ly02611 ?
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