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17/10/2024 | FRANCE | N°23LY02293

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 17 octobre 2024, 23LY02293


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL OPV Construction a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2005882 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoir

e, enregistrés les 11 juillet 2023 et 21 février 2024, la SARL OPV Construction, représentée par Me Daly, demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL OPV Construction a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2005882 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2023 et 21 février 2024, la SARL OPV Construction, représentée par Me Daly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge totale, ou à titre subsidiaire, partielle, de cette imposition et de ces pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation et de dénaturation de la proposition de rectification et de la décision de rejet de sa réclamation ;

- concernant l'insuffisance d'actif, le prix de vente du terrain convenu entre le vendeur et l'acquéreur était de 1 000 000 euros, et le prix fixé à concurrence de la somme de 1 100 000 euros dans l'acte de vente résulte d'une erreur de plume de la part du notaire ; en outre, l'administration a méconnu les principes de confiance légitime et de sécurité juridique en retenant à la fois un prix d'acquisition de 1 100 000 euros et le caractère excessif de ce prix eu égard à la valeur vénale de la parcelle afin de remettre en cause pour partie la provision pour dépréciation de stock ;

- concernant la provision pour dépréciation de stock, l'administration a fondé le rehaussement, dans sa proposition de rectification et sa décision de rejet de la réclamation préalable, sur un acte anormal de gestion déterminé en référence au seul risque manifestement excessif qu'elle aurait pris ; le panel de cinq ventes de terrains à bâtir utilisé par l'administration n'est pas homogène ; seul le terme de comparaison n° 3 de cet échantillon peut être retenu, débouchant sur une valeur vénale de 865 500 euros, et les quatre autres ventes de parcelles à bâtir doivent être écartées pour déterminer la valeur vénale de son terrain ; l'opération immobilière projetée sur la parcelle acquise le 30 décembre 2013 est comparable à d'autres opérations réalisées en référence au nombre de mètres carrés construits ; la perte de valeur de sa parcelle ne résulte que de son déclassement en zone A agricole, qui est indépendant de sa volonté, et cette perte de valeur n'est pas définitive ; il n'existe pas d'écart significatif entre la parcelle à évaluer et le terme de comparaison n° 3 ; la seule existence d'un lien de parenté est insuffisante à caractériser des liens d'intérêts ; son projet de construction immobilière sur la parcelle acquise le 30 décembre 2013 permettait de dégager une marge de 11 % ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée.

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL OPV Construction, qui exerçait une activité de promotion immobilière à La Clusaz (Haute-Savoie) et avait pour associé unique et gérant M. B... C..., a acquis le 30 décembre 2013, auprès de M. A... C..., une parcelle de terrain à bâtir située à La Clusaz, cadastrée section A n° 3465, d'une superficie de 1 500 m², au prix stipulé par l'acte notarié de 1 100 000 euros. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, au terme de laquelle la vérificatrice a, d'une part, procédé à un rehaussement de son actif net de 100 000 euros au motif que le bien avait été porté en comptabilité pour un prix de revient de 1 000 000 euros, et, d'autre part, partiellement remis en cause la provision pour dépréciation de stock comptabilisée au titre de cette parcelle à hauteur de la différence entre le prix d'acquisition et sa valeur vénale dissimulant, selon elle, une libéralité consentie au vendeur. En conséquence de ces rectifications opérées en application de la procédure contradictoire, la SARL OPV Construction a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2016, assortie d'intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts s'agissant de la reprise partielle de la provision pour dépréciation de stock. La SARL OPV Construction relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de cette imposition et de ces pénalités.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur tous les arguments de la SARL OPV Construction, a indiqué aux points 4, 5 et 6 de son jugement, de manière suffisamment circonstanciée, les motifs l'ayant conduit à confirmer le rehaussement pour insuffisance d'actif et à écarter les moyens de la société requérante tirés de ce que l'administration ne pouvait se fonder sur le risque excessif, de ce que les éléments constitutifs d'un acte anormal de gestion n'étaient pas établis et de ce que les ventes de terrains à bâtir utilisées par l'administration pour déterminer la valeur vénale de la parcelle n'étaient pas comparables. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé doit être écarté.

4. En second lieu, la SARL OPV Construction soutient que le tribunal administratif a commis une dénaturation de la proposition de rectification et de la décision de rejet de sa réclamation. Un tel moyen ne relève pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'insuffisance d'actif :

5. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. (...) ". Aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III du même code : " 1. Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient, qui s'entend : a. Pour les biens acquis à titre onéreux, du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus (...) ".

6. Au cours de la vérification de comptabilité, l'administration a constaté que la parcelle de terrain, située à La Clusaz et cadastrée section A n° 3465, acquise par la SARL OPV Construction en 2013 auprès de M. A... C... avait été inscrite à l'actif de l'entreprise pour un montant de 1 000 000 euros alors que sa valeur d'acquisition, telle qu'elle ressortait de l'acte notarié, était de 1 100 000 euros. Elle a imposé l'écart de prix, soit 100 000 euros, en tant que minoration d'actif, au titre de l'exercice clos en 2016. Il résulte toutefois des dispositions de l'article 38-2 du code général des impôts que la sous-évaluation d'un élément d'actif acquis à titre onéreux ne peut avoir une incidence sur les résultats de l'acquéreur que si cette sous-évaluation résulte d'une intention libérale. En l'espèce, il résulte de la proposition de rectification que la SARL OPV Construction a acquitté un prix de 1 000 000 euros, par trois chèques de 50 000 euros, 150 000 euros, 60 000 euros, ainsi que par inscription d'une somme totale de 740 000 euros au crédit de comptes courants d'associés ouverts au nom de M. A... C... dans la comptabilité des SAS Hôtel Beauregard, SCI Myosotis, SARL PVG. L'administration n'établit pas, ni même ne soutient, que la comptabilisation de la parcelle à un prix de 1 000 000 euros résulterait d'une intention de M. A... C..., d'octroyer, et de la SARL OPV Construction de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. Dans ces conditions, la SARL OPV Construction est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans son résultat imposable la somme de 100 000 euros au titre de l'exercice clos en 2016.

En ce qui concerne la provision pour dépréciation de stock :

7. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes de l'article 39 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée notamment à la condition que les pertes ou charges tenues pour probables se rattachent à des opérations relevant d'une gestion financière et commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

8. Le prix de revient d'un élément d'actif n'est opposable à l'administration, en particulier pour la constitution d'une provision pour dépréciation, que dans la mesure où la décision d'acquérir cet élément d'actif, lorsqu'elle a été prise, ainsi que le prix alors consenti au vendeur, peuvent être regardés comme se rattachant à une gestion commerciale normale. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette opération constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que la société qui a consenti cet avantage n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

9. La valeur vénale d'un bien doit être estimée en se référant au prix qui aurait pu être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande à la date où l'acquisition est intervenue. Lorsque l'administration procède à l'évaluation de la valeur vénale d'un immeuble, elle doit se référer à des transactions portant sur l'immeuble même ou sur des immeubles similaires situés à proximité de celui-ci et intervenues à une date proche de celle du fait générateur de l'impôt.

10. Il résulte de l'instruction que la parcelle de terrain à bâtir cadastrée section A n° 3465 d'une superficie de 1 500 m², située à La Clusaz, dans le lotissement de la Graillère, acquise par la SARL OPV Construction le 30 décembre 2013, disposait, lors de son acquisition, d'un coefficient d'occupation des sols de 0,08 avec une surface de plancher limitée à 120 m². La société requérante a constitué, le 31 décembre 2016, une provision pour dépréciation de cette parcelle en raison du projet de classement du terrain en zone A agricole, non constructible, à concurrence de 998 931,50 euros correspondant à la différence entre le prix de revient de la parcelle, frais d'acquisition compris, de 1 001 741,50 euros auquel ont été ajoutés les frais d'honoraires de géomètre et de sondage de 4 690 euros et la valeur vénale au 31 décembre 2016 de 5 euros / m², soit une valeur totale de 7 500 euros pour une superficie de 1 500 m². La vérificatrice a toutefois estimé que la valeur vénale de la parcelle au 30 décembre 2013 n'était pas de 667 euros au m², correspondant au prix de 1 000 000 euros effectivement versé au vendeur, mais de 465 euros au m², valeur déterminée sur la base de cinq acquisitions par une entreprise de promotion immobilière ou un marchand de biens, en 2011, 2012 et 2013, et avant le 30 décembre 2013, de terrains à bâtir situés dans la même section cadastrale que la parcelle en cause et affectés d'un coefficient d'occupation des sols compris entre 0,20 et 0,30 pour quatre d'entre eux. Elle a remis en cause la déduction de la provision à hauteur de 302 500 euros pour le montant excédant la valeur vénale de la parcelle à la date de l'acquisition (soit 1 000 000 euros - (1 500 m² x 465 euros du m² = 697 500 euros) au motif que la surévaluation du prix était constitutive d'une libéralité au vendeur caractérisant un acte anormal de gestion.

11. En premier lieu, d'une part, la moyenne des prix au m² de 465 euros de l'échantillon de ventes de terrains à bâtir pris en considération par l'administration est proche de la médiane de ce panel de 425 euros, et l'écart-type du prix au mètre carré est faible de sorte que l'échantillon est homogène. D'autre part, la SARL OPV Construction soutient que seul le terme de comparaison n° 3 utilisé par l'administration, d'une superficie de 1 300 m² et d'un prix de 577 euros / m², peut être retenu pour déterminer la valeur vénale de sa parcelle au 30 décembre 2013. Toutefois, les termes de comparaison n° 1, 2 et 4 doivent être retenus. En effet, les circonstances que la parcelle n° 2 soit d'une superficie de 4 996 m², et soit dotée d'un coefficient d'occupation des sols de 0,30, ont pour effet d'augmenter sa valeur vénale par rapport à celle de la parcelle de la société requérante. Les trois parcelles n° 1, 2 et 4 font partie, à l'instar du terrain de la SARL OPV Construction, de la même section cadastrale A de la commune de La Clusaz. Si la parcelle n° 2 est plus éloignée du centre-ville que le terrain de la société requérante, cet éloignement est compensé par la vue ainsi que par une superficie et un coefficient d'occupation des sols plus importants. Si la société requérante soutient que la parcelle n° 1, située en fond de vallée, ne bénéficie pas d'un ensoleillement et d'une vue comparables, cet inconvénient est compensé par sa proximité avec le centre-ville de La Clusaz, des commerces et du départ des remontées mécaniques et par le bénéfice d'un coefficient d'occupation des sols de 0,20. Si la SARL OPV Construction allègue que la parcelle n° 4 se trouve aussi en fond de vallée, à proximité d'une route passante et dans un lieu peu dégagé, ces inconvénients sont compensés par sa situation en centre-ville et par le bénéfice d'un coefficient d'occupation des sols de 0,29. Si la société requérante fait valoir que sa parcelle et celle n° 3 ont des valeurs assez proches, respectivement de 667 euros / m² et de 577 euros / m², en raison de leur proximité géographique, avec toutefois une position plus favorable pour son terrain, ces parcelles ne sont pas comparables car dotées respectivement de coefficients d'occupation des sols de 0,08 et de 0,30 à l'avantage du terrain n° 3. Si la société requérante soutient que l'opération immobilière projetée sur la parcelle acquise le 30 décembre 2013 est comparable à d'autres opérations réalisées en référence au nombre de mètres carrés construits, il résulte des termes de comparaison utilisés par l'administration qu'elle a acquis le 26 septembre 2013 le terrain n° 4, d'une superficie de 1 364 m² bénéficiant d'un coefficient d'occupation des sols de 0,29, pour une somme de seulement 425 euros / m², et elle ne produit pas son prix / surface de plancher. Enfin, si la SARL OPV Construction fait valoir que la dépréciation de la parcelle résulte du classement du terrain en zone A agricole, non constructible, par le nouveau plan local d'urbanisme de La Clusaz du 6 avril 2017, qui est indépendant de sa volonté, ce moyen est inopérant dès lors que la provision n'a été rejetée qu'à hauteur de la différence entre le prix versé et sa valeur vénale lors de l'acquisition et qu'elle a été admise pour la part correspondant à la dépréciation de la valeur vénale consécutive au nouveau classement. En revanche, la SARL OPV Construction soutient à juste titre que le terrain à bâtir n° 5 auquel la vérificatrice s'est référée ne peut être admis étant donné que sa superficie de 83 m² est très inférieure à celle de 1 500 m² de la parcelle en cause, que son coefficient d'occupation des sols est inconnu et que la surface de plancher initialement prévue pour le terrain de la société requérante pouvait aller jusqu'à 120 m². Il en résulte qu'il y a lieu d'écarter de l'échantillon de ventes de terrains à bâtir la parcelle n° 5 et que le prix moyen au mètre carré des terrains retenus comme termes de comparaison doit être porté de 465 à 475 euros. La valeur vénale d'acquisition du terrain doit être fixée à 712 500 euros (475 euros x 1 500 m²). Il en résulte que l'écart de 287 500 euros entre la valeur vénale de la parcelle de 475 euros au m² et son prix d'acquisition de 667 euros au m² est significatif.

12. En deuxième lieu, eu égard à la communauté d'intérêt entre la SARL OPV Construction et le vendeur de la parcelle cadastrée section A n° 3465, qui est le père du gérant et associé unique de la société, l'intention libérale est présumée. Si la société requérante soutient que son projet de construction immobilière sur la parcelle acquise le 30 décembre 2013 devait lui permettre de dégager une marge de 11 %, elle ne produit aucun élément de nature à justifier cette allégation.

13. En troisième lieu, enfin la SARL OPV Construction soutient que l'administration a fondé le rehaussement, dans sa proposition de rectification et sa décision de rejet de la réclamation, sur un acte anormal de gestion déterminé en référence au seul risque manifestement excessif qu'elle aurait pris. Il résulte toutefois de la proposition de rectification du 8 février 2019 que l'administration s'est fondée sur l'écart significatif entre le prix payé par la société requérante pour l'acquisition de la parcelle cadastrée section A n° 3465 et sa valeur vénale au 30 décembre 2013 et sur l'intention libérale présumée en raison des liens d'intérêts unissant la SARL OPV Construction et le vendeur du terrain, afin de caractériser un acte anormal de gestion. Si, par ses considérations sur le risque excessif pris par la SARL OPV Construction et sur la faisabilité du projet de construction immobilière, la vérificatrice s'est prononcée sur l'opportunité de décisions de gestion de l'entreprise alors qu'il lui appartenait seulement d'apprécier si le prix payé pour le bien en cause relevait d'une gestion commerciale normale au regard de son seul intérêt propre, les autres éléments qu'elle a relevés établissent l'existence d'une libéralité au profit du vendeur caractérisant un acte anormal de gestion de la part de la société. Au demeurant, le fait que la décision rejetant la réclamation contentieuse d'un contribuable fasse état d'un motif qui serait erroné est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition.

14. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, dans la limite d'un montant de 287 500 euros, que la cession a été consentie à la SARL OPV Construction pour un prix délibérément majoré, soit dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale. Les conséquences de cette opération ne peuvent, dès lors, pas être prises en compte dans leur intégralité pour la détermination de ses résultats imposables. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a, à hauteur, de ce montant réintégré la provision pour dépréciation de stock dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2016.

Sur la pénalité :

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

16. Pour justifier la majoration pour manquement délibéré appliquée à la remise en cause partielle de la provision pour dépréciation de stock, l'administration relève que la SARL OPV Construction, qui exerce une activité de promotion immobilière, connaît le marché immobilier de La Clusaz, qu'elle a acquis auprès de tiers, quelques mois ou quelques jours auparavant, des terrains à bâtir situés sur cette commune moyennant un prix notablement inférieur à celui de la parcelle cadastrée section A n° 3465, que l'écart entre le prix versé pour cette parcelle et sa valeur vénale est significatif, et que le vendeur de ladite parcelle est le père du gérant de la société requérante. Ce faisant, l'administration établit, ainsi qu'il lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'intention délibérée de la SARL OPV Construction d'éluder l'impôt justifiant la pénalité appliquée.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL OPV Construction est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'exercice clos en 2016 à raison, d'une part, de la minoration d'actif de 100 000 euros relative à l'acquisition de la parcelle de terrain cadastrée section A n° 3465 à La Clusaz, et d'autre part, de la provision pour dépréciation de stock comptabilisée dans la limite d'une valeur vénale de 465 euros / m².

Sur les frais liés au litige :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SARL OPV Construction au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La base imposable à l'impôt sur les sociétés de la SARL OPV Construction au titre de l'exercice clos en 2016 est réduite d'un montant de 100 000 euros.

Article 2 : La SARL OPV Construction est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que des pénalités y afférentes, à concurrence de la réduction en base énoncée à l'article 1er.

Article 3 : La provision pour dépréciation de la parcelle de terrain cadastrée section A n° 3465 à La Clusaz comptabilisée au titre de l'exercice clos en 2016 est calculée sur la base d'un prix au m² de 475 euros.

Article 4 : La SARL OPV Construction est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que des pénalités y afférentes, à concurrence de la réduction en base énoncée à l'article 3.

Article 5 : Le jugement n° 2005882 du 11 mai 2023 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera à la SARL OPV Construction une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL OPV Construction et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02293


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