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17/10/2024 | FRANCE | N°23LY00012

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 17 octobre 2024, 23LY00012


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. C... B... et Mme E... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 29 juillet 2022 par lesquels le préfet du Rhône leur a respectivement refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de six mois e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... et Mme E... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 29 juillet 2022 par lesquels le préfet du Rhône leur a respectivement refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de six mois et d'enjoindre à cette autorité, sous astreinte, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de réexaminer leur situation.

Par un jugement n° 2206108, 2206109 du 2 décembre 2022, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Sabatier, demandent à la cour, chacun pour ce qui le concerne :

1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de leur délivrer chacun un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de réexaminer leur situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au profit de leur conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les décisions portant refus de titre de séjour sont entachées d'un défaut d'examen préalable réel et sérieux ; elles sont entachées d'un vice de procédure, le préfet n'ayant pas examiné leurs demandes au titre de la " vie privée et familiale " au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elles sont entachées d'erreurs de fait ; elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-23 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elles sont entachées d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code précité ; ils sont fondés à se prévaloir à ce titre des énonciations de l'article 2.1.1 de la circulaire du 28 novembre 2012 s'agissant de l'application de ces dispositions ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des refus de titres de séjour ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 16 de cette même convention ;

- les décisions fixant un délai de départ volontaire sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des refus de titres de séjour et des obligations de quitter le territoire français ;

- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des refus de titres de séjour et des obligations de quitter le territoire français ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant interdiction de retour sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elles sont entachées, tant dans leur principe que leur durée, d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du même code.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 14 juin 2023 le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle A... et Mme B....

Par une ordonnance du 12 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport A... Chassagne, premier conseiller ;

- et les observations de Me Guillaume, substituant Me Sabatier, pour M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants de la République d'Albanie, nés respectivement les 25 août 1964 et 5 juin 1974 à Tropoje, déclarent être entrés en France en décembre 2015 avec deux de leurs enfants mineurs, nés les 19 février 2002 et 13 octobre 2004. Leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile le 25 novembre 2016. Le préfet du Rhône, par des arrêtés du 19 janvier 2017, devenus définitifs, leur a notamment fait obligation de quitter le territoire français. M. et Mme B... ont demandé, le 29 janvier 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au préfet du Rhône qui, par des arrêtés du 29 juillet 2022, leur a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de six mois. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté leurs demandes respectives d'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, les moyens déjà soulevés en première instance, tirés de ce que les décisions portant refus de délivrance de titres de séjour seraient entachées d'erreurs de fait, méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que, avec les obligations de quitter le territoire français et les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français, violeraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de ce que les décisions fixant le pays de renvoi méconnaîtraient les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce que les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français seraient entachées tant dans leur principe que leur durée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du même code, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter alors, en toute hypothèse, que la régularisation de la situation des enfants A... et Mme B... du fait de la délivrance de titres de séjour postérieurement aux décisions en litige est sans incidence, en l'espèce, sur l'appréciation de leur propre situation et la légalité de ces décisions.

3. En deuxième lieu, les erreurs de fait invoquées par M. et Mme B... ne ressortent pas, comme cela vient d'être dit, des pièces du dossier. En toute hypothèse, il n'apparaît, au vu de l'ensemble des éléments du dossier, que le préfet n'aurait pas, en prenant les refus de titres de séjour en litige, procédé à un examen préalable réel et sérieux de la situation des intéressés. Les moyens tirés du défaut d'un tel examen ne peuvent donc être retenus.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soi opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".

5. D'une part, si M. et Mme B... soutiennent que les décisions portant refus de titres de séjour seraient entachées d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir examiné leurs demandes au titre de la " vie privée et familiale " au regard des dispositions ci-dessus, il en ressort toutefois qu'il a explicitement relevé, après un examen de la situation des intéressés, que celle-ci ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. D'ailleurs, le préfet a procédé à cet examen après avoir évoqué de manière circonstanciée la vie privée et familiale des intéressés. Par suite, les moyens manquent en fait et doivent donc être écartés.

6. D'autre part, le préfet a relevé notamment que le seul fait de disposer d'une promesse d'embauche ne constituait pas un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées. Par suite, et en admettant même que les autres motifs retenus par cette autorité, tirés de ce que pour le métier d'agent d'entretien, ils ne justifiaient pas d'une expérience professionnelle en France ou à l'étranger ni de diplômes, que les intéressés ne démontraient pas que le signataire de leurs promesses d'embauche aurait recherché en vain une personne susceptible d'occuper l'emploi en cause et que ces promesses seraient irrégulières, seraient entachés d'erreurs de fait ou de droit, ce seul motif, traduisant la vérification globale, par le préfet, de l'existence éventuelle de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, ce dernier a ainsi pu légalement prendre ces décisions au regard de l'article L. 435-1. L'appréciation à laquelle s'est livré le préfet au vu de l'ensemble de leur situation, et compte tenu de leur vie privée et familiale en France, appréciée à la date des décisions contestées, n'apparaît enfin procéder d'aucune erreur manifeste.

7. En quatrième lieu, si la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, toutefois, les intéressés ne peuvent faire valoir aucun droit au bénéfice de ces mesures de faveur et ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, en toute hypothèse, M. et Mme B... ne sauraient utilement se prévaloir des énonciations de l'article 2.1.1 de cette circulaire s'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 435-1 précité.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 16 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2 s'agissant des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les moyens tirés de ce que les obligations de quitter le territoire français en litige méconnaîtraient les stipulations de l'article 16 de cette dernière convention ne sauraient être admis.

10. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas illégales par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titres de séjour. Les décisions fixant un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi, ne sont pas davantage illégales par voie de conséquence de l'illégalité des refus de titres de séjour et des obligations de quitter le territoire français, pas plus que les décisions portant interdiction de retour par voie de conséquence de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français. Les moyens doivent donc être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Leur requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête A... et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., Mme E... D... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le rapporteur,

J. ChassagneLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00012

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00012
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;23ly00012 ?
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