Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le compte rendu d'entretien professionnel pour 2020 qui lui a été notifié le 2 avril 2021.
Par un jugement n° 2107202 du 31 mai 2022, le tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 juillet 2022 et 11 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions de M. B... à fin d'annulation du compte rendu d'entretien professionnel (CREP) mentionné plus haut.
Il soutient que :
- en application des dispositions de l'article 27 du décret n° 85-989 du 16 septembre 1985 relatif aux agents détachés et de la circulaire du ministère de la fonction publique du 23 avril 2012, l'administration n'a pas commis d'irrégularité en ne convoquant pas M. B..., qui se trouvait en situation de détachement pendant l'intégralité de la campagne 2021 d'évaluation pour l'année 2020 ;
- M. B... n'a été privé d'aucune garantie par l'absence d'un tel entretien qui n'avait aucun caractère obligatoire, alors que sa tenue n'aurait eu aucune influence sur le déroulement de sa carrière, puisqu'il conservait l'évaluation établie au titre de l'année précédant le détachement ;
- le compte rendu d'entretien professionnel n'est entaché ni d'erreur manifeste d'appréciation ni d'aucune discrimination syndicale.
Par des mémoires enregistrés les 7 avril et 8 juin 2023, ce dernier non communiqué, M. A... B..., représenté par Me Grenier, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure conduisant à la décision n'a pas été régulière en ce qu'aucun entretien professionnel ne lui a été proposé, le privant ainsi du caractère contradictoire de la procédure et d'une garantie ;
- il n'a été détaché qu'au 1er septembre 2020 et le ministre avait loisir de procéder à l'entretien d'évaluation professionnelle avant cette date ; l'instruction sur l'entretien professionnel de la DGFIP précise que les agents détachés pour effectuer un stage dans une école ne sont pas évalués si la période de stage excède cent quatre-vingts jours pour l'année concernée, ce qui n'était pas son cas ; les dispositions règlementaires citées par le ministre ne peuvent trouver à s'appliquer puisqu'elles sont contraires à la loi et la circulaire du 23 avril 2012 n'a pas de valeur règlementaire ;
- la commission administrative paritaire locale réunie le 30 juin 2021 était irrégulièrement composée ;
- le compte rendu est entaché d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation sur sa manière de servir ;
- il révèle une sanction déguisée et une discrimination syndicale.
Par une ordonnance du 11 mai 2023, l'instruction a été close au 8 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
-- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
-- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... était contrôleur principal des finances publiques. Il était affecté à la direction du contrôle fiscal (DIRCOFI) de la région Centre Est, située à Lyon, et exerçait des fonctions de rédacteur à la division des affaires juridiques. Ayant réussi le concours d'inspecteur des finances publiques, il a été détaché à compter du 1er septembre 2020 dans ce corps pour effectuer sa scolarité à l'école nationale des finances publiques (ENFIP) de Clermont-Ferrand. Il aurait reçu le 8 avril 2021 par voie postale le compte rendu de son entretien professionnel (CREP) pour 2020, qu'il a contesté par la voie hiérarchique, puis en saisissant la commission administrative paritaire locale (CAPL), laquelle s'est réunie le 30 juin 2021. Il a demandé l'annulation du compte rendu tel qu'il résulte des modifications apportées à l'issue de ces recours. Par un jugement du 31 mai 2022, dont le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel, le tribunal administratif de Lyon, faisant droit à sa demande, a annulé le CREP litigieux.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose : " La valeur professionnelle des fonctionnaires fait l'objet d'une appréciation qui se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte rendu qui leur est communiqué. " ; aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. / La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ". Enfin, aux termes de l'article 27 du décret du 16 septembre 1985 : " Le fonctionnaire bénéficiant d'un détachement de longue durée est évalué dans les conditions prévues à l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et bénéficie d'un entretien professionnel conduit par le supérieur hiérarchique direct dont il dépend dans son organisme d'accueil.(...) /Pour l'appréciation de la valeur professionnelle du fonctionnaire détaché pour accomplir une période de scolarité préalable à la titularisation dans un emploi permanent de l'État, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public à caractère administratif dépendant de l'État ou d'une collectivité territoriale, ou pour suivre un cycle de préparation à un concours donnant accès à l'un de ces emplois, il est tenu compte du compte rendu de l'entretien professionnel établi l'année précédant son détachement. Le cas échéant, le fonctionnaire ainsi détaché conserve la note qui lui a été attribuée l'année précédant son détachement. (...) ".
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. Il résulte des dispositions précitées que l'évaluation d'un fonctionnaire est normalement fondée sur un entretien professionnel avec son supérieur hiérarchique direct. Il en va autrement dans le cas où, notamment, le fonctionnaire est détaché pour accomplir une période de scolarité préalable à la titularisation. Dans une telle hypothèse, durant le temps de son détachement, il conserve le bénéfice du compte rendu de l'entretien professionnel établi pour l'année précédant ce détachement, et le cas échant, de la note qui lui a été attribuée au titre de cette année. Ces dispositions ne dispensent cependant pas l'administration d'origine du fonctionnaire détaché, si le détachement survient en cours d'année, de la tenue d'un entretien pour la partie de l'année antérieure à celui-ci, un tel entretien constituant une garantie liée au caractère contradictoire de l'évaluation professionnelle. En l'espèce, et alors que M. B... était en détachement à l'école nationale des finances publiques (ENFIP) de Clermont-Ferrand depuis le 1er septembre 2020, son administration d'origine a procédé, au cours de l'année 2021, à son évaluation professionnelle au titre de l'année 2020, sans le recevoir en entretien avant l'établissement du CREP contesté, le privant ainsi d'une garantie.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de M. B.... Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 2 : L'État versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
I. BoffyLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02347
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