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17/10/2024 | FRANCE | N°22LY01539

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 17 octobre 2024, 22LY01539


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Chassieu à lui verser la somme de 172 475,09 euros outre intérêts de droit, capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait de ses accidents de service.



Par jugement n° 2007184 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Chassieu à verser à Mme B... la somme de 44 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Chassieu à lui verser la somme de 172 475,09 euros outre intérêts de droit, capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait de ses accidents de service.

Par jugement n° 2007184 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Chassieu à verser à Mme B... la somme de 44 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2020, capitalisés au 12 juin 2021, ainsi que la somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 mai 2022 et un mémoire enregistré le 21 septembre 2023, la commune de Chassieu, représentée par la société d'avocats Reflex Droit Public, demande à la cour :

1°) le cas échéant, après avoir ordonné une expertise avant-dire droit, d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne à verser 44 000 euros, subsidiairement, de limiter sa condamnation à 10 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a prononcé une condamnation au-delà de ce qui était demandé par la demanderesse ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas ordonné d'expertise avant-dire droit ;

- le taux de déficit fonctionnel de 30 % retenu par le tribunal inclut une part consécutive à un accident domestique non imputable au service ;

- le taux de déficit fonctionnel imputable au service n'excède pas 10 % ;

- le tribunal a indemnisé à hauteur de 4 000 euros un préjudice spécifique pour souffrances endurées alors que ce préjudice est couvert par l'indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel et n'est d'ailleurs pas justifié ;

Par mémoire enregistré le 17 juillet 2023, Mme B..., représenté par Me Duca, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune de Chassieu la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens contestant la régularité du jugement ne sont pas fondés ;

- les moyens retenus par le tribunal sont fondés ;

Par ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2023 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code civil ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Psilakis, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bonicatto, représentant la commune de Chassieu ;

Vu la note en délibéré présentée par la commune de Chassieu le 4 octobre 2024 ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., alors adjointe technique principale de deuxième classe exerçant les fonctions d'agent d'entretien de la commune de Chassieu, a été victime d'un accident de service le 28 novembre 2011, lui causant un traumatisme de l'épaule droite qui a entrainé une incapacité permanente partielle (IPP) de 10 % avec une consolidation au 15 octobre 2015 et à la suite duquel elle a été reconnue inapte définitivement à ces fonctions. Reclassée le 4 juillet 2016 comme agent d'accueil et d'équipement à la médiathèque, elle a été exposée à un second accident de service le 17 mars 2017 ayant causé une rechute des douleurs. Son état a conduit la commission de réforme à proposer le 22 janvier 2019 de retenir une consolidation au 21 novembre 2018, de maintenir un taux d'IPP de 10 % et à ce que les arrêts à venir à compter de la date de consolidation soit pris en charge au titre de la maladie ordinaire. A la suite de cet avis, par deux arrêtés du 28 janvier 2019, le maire de Chassieu a placé l'intéressée en congé maladie ordinaire du 22 novembre 2018 au 31 janvier 2019 et reconnu l'imputabilité au service des arrêts de travail produits pendant la période du 17 mars 2017 au 21 novembre 2018. Après que Mme B... s'est de nouveau blessée à l'épaule à son domicile le 26 avril 2019, la commission de réforme a émis l'avis le 5 novembre 2019 de la mettre à la retraite pour invalidité imputable au service en raison de l'incapacité permanente, définitive et absolue à exercer toute fonction, même en reclassement, en lui reconnaissant un taux d'IPP imputable au service de 30 % suite à une aggravation. Par un arrêté du 13 novembre 2019, elle a été placée en disponibilité d'office à compter du 22 novembre 2019 avant d'être admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er décembre 2019 par un arrêté du 12 mars 2020.

2. Saisi d'une demande indemnitaire par Mme B..., le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Chassieu à verser à cette dernière la somme de 40 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent résultant de son accident de service, évalué à 30 %, ainsi que la somme de 4 000 euros au titre des souffrances endurées. La commune de Chassieu, qui estime que l'indemnisation de ces préjudices doit être limitée à 10 000 euros, relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, si la commune de Chassieu soutient que le montant de la condamnation excède le chiffrage fait par l'intéressée du préjudice qu'elle invoquait au titre du déficit fonctionnel permanent, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement, alors au demeurant que le montant total de la condamnation n'excède pas le montant total demandé devant les premiers juges, tous préjudices confondus.

4. En deuxième lieu, pour succincte qu'elle soit, la motivation du jugement quant à la somme allouée au titre des souffrances endurées est suffisante, compte tenu de la nature de ce préjudice.

5. En troisième lieu, s'il appartient au juge de compléter son information en procédant le cas échéant aux mesures d'instruction qu'il estime nécessaires, en l'espèce, le tribunal disposait au dossier des éléments nécessaires pour se prononcer sur le recours dont il était saisi, malgré les appréciations divergentes que pouvaient comporter certaines de ces pièces quant à l'état de santé de l'intéressée. Ainsi, il n'a pas statué irrégulièrement en s'abstenant d'ordonner au préalable la réalisation d'une expertise.

Sur le fond :

6. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. Toutefois, dans la mesure où elle a vocation à réparer la part de préjudice non couverte par la rente d'invalidité, elle-même fixée en fonction du taux d'invalidité, cette indemnisation complémentaire doit nécessairement être fixée en fonction de ce taux, représentant l'incapacité rattachable aux conséquences des accidents de service.

7. En premier lieu, il n'est pas contesté que Mme B... a obtenu une rente correspondant à un taux d'invalidité de 30 %, conformément au dernier avis exprimé par la commission de réforme à l'issue de sa séance du 5 novembre 2019, admettant une aggravation de son état de santé. Par conséquent, les premiers juges ne pouvaient que retenir ce taux pour évaluer les préjudices personnels et les préjudices patrimoniaux de toute nature que n'indemnisait pas cette rente. Ainsi, la commune de Chassieu ne peut utilement soutenir qu'en retenant un taux d'invalidité de 30 % pour évaluer le déficit fonctionnel permanent de l'intéressée, lequel résulte de l'attribution d'une rente définitivement acquise à l'intéressée, le tribunal aurait indument intégré les conséquences d'un accident domestique étranger au service.

8. En deuxième lieu, Mme B... fait état devant la cour de douleurs nocturnes endurées avant la consolidation de son état et de la souffrance psychique liée à la perte d'autonomie. Il y a lieu de retenir à ce titre, comme le tribunal, une évaluation de ce préjudice à hauteur de 4 000 euros, distinct du déficit fonctionnel permanent.

9. Quand bien-même l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent excède le montant exposé devant les premiers juges, le tribunal, dont le montant total de la condamnation qu'il a prononcée est resté inférieur au montant total des conclusions indemnitaires présentées devant lui, ne peut être regardé comme ayant statué au-delà de ce qui lui était demandé.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de procéder à une expertise, que la commune de Chassieu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de Mme B... à hauteur de 44 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Chassieu. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 2 000 euros à Mme B..., en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Chassieu, est rejetée.

Article 2 : La commune de Chassieu versera à Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chassieu et à Mme B....

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

M. Bertrand Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le rapporteur,

B. SavouréLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01539
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-04-05 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Modalités de la réparation. - Caractère forfaitaire de la pension.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : REFLEX DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22ly01539 ?
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