Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2023 par lequel la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un premier titre de séjour et fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné l'Angola comme pays de destination.
Par un jugement n° 2306585 du 9 janvier 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 février 2024, M. B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté contesté ;
2°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme et L. 423-23 du code de l'entrée ont été méconnus ; il est entré en France en 2017, où il réside depuis lors avec ses quatre enfants, dont un majeur et un né sur le territoire, tous scolarisés, son épouse, décédée en 2021, ayant été inhumée en France ; ses autorisations provisoires de séjour ont été renouvelées malgré le décès de son épouse ; il travaille, ses missions d'intérim étant renouvelées ; sa compagne réside en France depuis plus de dix années et ses enfants, nés en France, ont vocation à devenir Français ; il parle français, a son logement, n'est pas une menace pour l'ordre public ; il est intégré ;
- il y a violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- une erreur manifeste a été commise dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il fait valoir des circonstances particulières ; la circonstance qu'il remplit les critères de la circulaire en date du 28 novembre 2012 constitue, combinée avec les autres éléments de sa vie privée et familiale, des circonstances exceptionnelles ;
- il entre dans le champ d'application des dispositions de la circulaire en date du 28 novembre 2012 ;
- il y a une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus contesté sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence ; elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire comme celle fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des décisions refusant le titre de séjour et faisant obligation de quitter le territoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 27 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard, président ;
- et les observations de Me Sabatier, substituant Me Bescou, pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant angolais né en 1975 et entré en France en 2017 d'après ses déclarations, a fait l'objet d'un refus d'asile, confirmé en dernier lieu le 8 octobre 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un jugement du 9 janvier 2024 dont il a saisi la cour, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète du Rhône du 5 juillet 2023 qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
2. A la date du refus contesté, M. B... était en France depuis six ans. Sa femme, qui l'accompagnait, est décédée d'une longue maladie le 19 mai 2021, étant inhumée sur le territoire. Trois de leurs enfants, nés en 2003, 2011 et 2014, sont arrivés en France avec leurs parents, le quatrième étant né à Lyon en 2018. L'aîné est désormais majeur. Ils poursuivent des études et une scolarité normale. M. B... prend seul en charge leur entretien et leur éducation. Il a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour pendant près de deux ans après le décès de son épouse. Il maîtrise la langue française, dispose d'un logement et occupe un emploi d'opérateur de commande dans le cadre de missions d'intérim, subvenant aux besoins de sa famille. Son actuelle compagne est en France depuis plus de dix années, ses enfants nés sur le territoire ayant vocation à devenir français. Même s'il n'a réellement commencé à travailler, et de manière épisodique, qu'à partir d'août 2022, et que les autorisations provisoires de séjour dont il a bénéficié étaient principalement justifiées par la situation d'accompagnant de sa femme, décédée en cours d'instruction de sa demande de titre, il apparaît inséré et ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Dans ces circonstances particulières, et compte tenu de la situation et des conditions de séjour de l'intéressé et de ses enfants, le refus de séjour opposé par la préfète du Rhône apparaît ici procéder d'une erreur manifeste d'appréciation. M. B... est donc fondé à en demander l'annulation ainsi que du surplus de l'arrêté contesté.
3. Il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la préfète du Rhône du 5 juillet 2023.
4. En l'absence de tout changement allégué dans les circonstances de fait ou de droit, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu de lui faire injonction d'y procéder, dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
5. Il y a lieu, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me Bescou, avocat de M. B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 janvier 2024 et l'arrêté de la préfète du Rhône du 5 juillet 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.
Article 3 : L'État versera à Me Bescou, avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros dans les conditions prévues ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le président, rapporteur,
V-M. Picard
La présidente assesseure,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00367
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