Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301663 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 5 février 2024, M. B... C..., représenté par Me Si Hassen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle est entachée d'erreurs de fait et de défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur de droit dans l'application du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Le préfet de la Côte-d'Or, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, né le 8 juillet 1993, entré régulièrement le 29 juin 2021 en Serbie sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa valable du 24 juin au 10 juillet 2021, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er septembre 2021 selon ses déclarations. Il s'est marié le 30 juillet 2022 avec une ressortissante portugaise, née en France, et il a reconnu, le 12 juillet 2022, le troisième enfant de son épouse, qui a la nationalité française. M. C... a demandé début 2023 la délivrance d'un certificat de résidence. Par arrêté du 11 mai 2023, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêt :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. Il ressort de l'arrêté attaqué que M. C... a présenté une demande de certificat de résidence sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour rejeter cette demande, le préfet s'est fondé sur les motifs que M. C... et son épouse n'exercent aucune activité professionnelle, que le couple perçoit essentiellement des prestations sociales, que ce couple ne dispose ainsi pas de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, conditions qui s'appliquent au conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne. En opposant à M. C..., pour rejeter sa demande, une condition que l'article 6 5) de l'accord franco-algérien ne prévoit pas, le préfet de la Côte-d'Or a entaché d'une erreur de droit sa décision de refus de titre de séjour, qui doit être, pour ce motif, annulée.
4. L'annulation du refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions prises sur leur fondement. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours doit être annulée. Il en va de même de la décision fixant le pays de renvoi.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".
7. L'annulation, par le présent arrêt, de l'arrêté du 11 mai 2023 implique seulement que la demande de titre de séjour soit réexaminée. Il y a lieu, ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la demande de certificat de résidence de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. M. C... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 500 euros à Me Si Hassen, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2301663 du tribunal administratif de Dijon du 14 décembre 2023 et l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 11 mai 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la demande de certificat de résidence de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Si Hassen, avocate de M. C..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00314