Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2305152 du 21 novembre 2023 le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Dachary, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'incompétence ; il méconnaît les article L. 435-3, L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; la préfète a méconnu l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur de fait et un défaut d'examen de sa situation en considérant que son identité n'était pas établie ; il appartenait à l'administration de l'inviter à compléter son dossier en application de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement.
La préfète du Rhône à qui la requête a été communiquée n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy ;
- et les observations de Me Dachary, pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être né le 6 avril 2001 et être entré en France en juillet 2017. L'intéressé a sollicité auprès des services de la préfecture, en juillet 2020, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 mai 2023, la préfète du Rhône a opposé un refus à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. M. B... reprend en appel son moyen de première instance tirés de l'incompétence du signataire de l'acte. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs du jugement attaqué.
3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...). ".
4. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. À l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 7139 du 12 juillet 2017 et un extrait de registre de transcription tenant lieu d'acte de naissance n° 6293 du 26 juillet 2017. Pour remettre en cause l'authenticité de ces documents, le préfet s'est appuyé sur un rapport technique du 24 novembre 2020 émanant d'un analyste en fraude documentaire dont il résulte que le jugement supplétif et l'extrait du registre de l'état civil sont des documents non sécurisés au niveau du support, qui n'ont pas fait l'objet d'une double légalisation. Il relève en particulier des irrégularités formelles résultant du défaut de légalisation par les autorités guinéennes en France et une incohérence tenant à l'absence de mention dans ces documents du décès de la mère de M. B..., dont l'intéressé se prévaut par ailleurs. En outre, par un jugement du 17 novembre 2017, le juge des enfants a relevé que le parcours décrit par M. B... était émaillé d'incohérences et a prescrit une expertise osseuse dont les conclusions, datées du 19 février 2018, indiquent que M. B... " est un sujet dont l'âge est supérieur à 21 ans, avec un maximum de 35 ans ". M. B... qui, pour l'essentiel, se contente d'affirmer que le mode d'impression ne serait pas de nature à vicier les documents, n'apporte aucun élément contredisant les motifs d'irrégularité retenus et ne conteste pas davantage sérieusement les conclusions de l'expertise osseuse. La carte d'identité consulaire que l'intéressé a produite ne saurait suffire, dans ce contexte, à justifier de son identité. Si le tribunal correctionnel de Lyon a rendu un jugement d'incompétence du 28 février 2022, indiquant que la présomption de régularité formelle du jugement supplétif d'acte de naissance et de l'extrait des registres de l'état civil portant transcription n'était pas remise en cause, cette décision ne saurait suffire à établir la validité de ces documents. Dans ces conditions, et quand bien même le jugement supplétif et l'acte de transcription ont été légalisés, sans d'ailleurs que la régularité de cette légalisation soit établie, la préfète du Rhône a pu légalement estimer, sans solliciter des autorités guinéennes une vérification sur le fondement des dispositions de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015, que les éléments en sa possession étaient suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les actes d'état civil fournis par le requérant. Par suite, et alors que la préfète du Rhône pouvait refuser de lui octroyer un titre de séjour pour ce seul motif, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour aurait été prise en méconnaissance des articles L. 435-3 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs des premiers juges le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
9. Si M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2017, de l'obtention d'un CAP de maçon en 2020 et de son embauche en qualité d'aide-maçon à temps complet, en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2023, rien ne fait obstacle à la poursuite de son parcours professionnel en Guinée, alors que, célibataire et sans attaches familiales en France, il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où réside notamment son père. L'arrêté contesté n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ces moyens doivent être écartés. Il n'est enfin entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
10. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, il n'apparaît pas que M. B... justifierait de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 précitées pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou " salarié ".
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. B... doit être écarté.
13. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'erreur manifeste d'appréciation par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français opposés à M. B... doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Dès lors, la requête de M. B... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
I. BoffyLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03956
kc