Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 25 mai 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2300333 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Marcel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de l'Isère du 25 mai 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation après délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour litigieux n'est pas suffisamment motivé ;
- il méconnaît l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut d'avoir été précédé d'une consultation de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2023.
Par ordonnance du 13 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 25 mai 2022 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., le préfet de l'Isère a précisément énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Par suite, Mme B..., qui n'apporte aucune autre précision à l'appui de ce moyen, n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse n'est pas suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, aux termes, d'une part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. Mme B..., ressortissante nigériane née en 1983, est, d'après ses déclarations, entrée, en dernier lieu, sur le territoire français au mois d'octobre 2011. Si elle se prévaut ainsi d'un séjour de plus de dix années en France, elle ne produit aucune pièce démontrant la réalité de sa présence sur le territoire français avant le mois de septembre 2014, date de scolarisation de l'aînée de ses enfants. En outre, elle y a toujours résidé en situation irrégulière, les titres de séjour qu'elle a pu obtenir lui ayant été délivrés en exécution de jugements par la suite annulés en appel et fondés sur une reconnaissance de paternité de son deuxième enfant, depuis reconnue frauduleuse et annulée par la juridiction judiciaire. Par ailleurs, Mme B... ne peut se prévaloir d'aucune attache privée ou familiale effective en France, la cour ayant rejeté par un arrêt de ce jour le recours formé par son conjoint, également de nationalité nigériane, à l'encontre de la mesure d'éloignement dont il fait lui-même l'objet. Les seules circonstances que ses deux premiers enfants suivent leur scolarité en France et que l'un d'eux y est suivi par un orthophoniste ne sauraient suffire à démontrer qu'ils ne pourront poursuivre leur scolarité hors de France. Mme B... ne démontre pas davantage être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu, à tout le moins, jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et où demeurent, d'après une mention non contestée de l'arrêté litigieux, un de ses enfants, sa mère et sa fratrie. Enfin, par la seule activité professionnelle, au demeurant limitée, dont elle se prévaut et eu égard aux conditions dans lesquelles les titres de séjour qui lui ont permis d'exercer cette activité lui ont été délivrés, elle ne peut se prévaloir d'aucune intégration particulière. Dans ces circonstances, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Isère a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions citées au point 3.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Ainsi qu'il a été indiqué au point 4 du présent arrêt, Mme B... ne démontre pas qu'il existerait un obstacle à ce que ses enfants poursuivent leur scolarité et à ce que leur cellule familiale se reconstitue hors de France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. En quatrième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 4 et 6, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B..., en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-7, (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour (...) ".
9. N'ayant pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de cet article, à supposer qu'elle ait entendu le faire en invoquant sa présence depuis plus de dix ans sur le territoire français. Par ailleurs, ne démontrant pas remplir effectivement les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du même code, elle n'est pas fondée à reprocher au préfet de l'Isère de ne pas avoir précédé le refus litigieux d'une consultation de la commission du titre de séjour. Le moyen tiré du défaut de consultation de cette commission doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour litigieux doit être écarté.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et qu'elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la fixation du pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse doit être écarté.
13. En second lieu, en se bornant à invoquer son installation sur le territoire français, Mme B... n'invoque aucune circonstance tendant à démontrer qu'elle serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en est de même de celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, dépourvu de toute autre précision, dont cette décision serait entachée.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
15. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03071