Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Expertise Poteaux Sécurité (E.P.S.) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2016, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2000696 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juillet 2023 et 14 février 2024, la SARL E.P.S., représentée par Me Crosnier-Martel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la jonction de sa requête avec celle de M. et Mme B... ;
3°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur ses conclusions de jonction de sa demande et de celle de son gérant et de l'épouse de ce dernier ; la demande de jonction était justifiée ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu à ses arguments concernant la taxe sur la valeur ajoutée collectée ;
- la proposition de rectification du 17 novembre 2017 méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales pour l'avantage en nature ;
- concernant la taxe sur la valeur ajoutée collectée, la méthode de reconstitution de chiffre d'affaires du vérificateur est viciée et entraîne des incohérences ; il était préférable de recourir à une méthode basée sur la prise en compte de chaque opération, de chaque facture et des relevés bancaires ;
- il n'y a pas lieu de retenir une incidence des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur l'impôt sur les sociétés en raison du caractère infondé des rappels de cette taxe ;
- concernant l'avantage en nature, l'administration a méconnu le principe de légalité des délits et des peines, garanti par le Conseil constitutionnel et par l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'administration n'a pas démontré le caractère excessif de la rémunération du gérant ; son gérant n'a pas indiqué, lors de la vérification de comptabilité, avoir utilisé les véhicules à des fins personnelles à hauteur de 50 % de leur usage total, et ce pourcentage est excessif ;
- les paragraphes 220 et 240 de la documentation administrative référencée BOI-RSA-BASE-20-20 sont opposables à l'administration ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée ; l'administration a méconnu les principes de personnalisation des peines, de proportionnalité des peines à l'infraction sanctionnée, ainsi que la règle non bis in idem.
Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions sont irrecevables pour la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation en l'absence de moyens à son encontre ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me Joubert, représentant la SARL Expertise Poteaux Sécurité ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Expertise Poteaux Sécurité (E.P.S.), dont le siège social est situé à Chavanod (Haute-Savoie), qui avait pour activité principale l'entretien et l'expertise en matière de poteaux de téléphonie appartenant notamment à la société Orange, et pour associé majoritaire et gérant M. C... B..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2016. Au terme de ce contrôle, le vérificateur a procédé, en application de la procédure contradictoire, au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée collectée non déclarée au titre de la période vérifiée, remis en cause la taxe déduite par anticipation, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, rehaussé les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des trois exercices du montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et réintégré dans ces résultats les charges correspondant à l'utilisation à titre privé de véhicules appartenant à la société regardées comme un avantage en nature non déductible. En conséquence de ce contrôle, l'administration a mis à la charge de la SARL E.P.S. ces compléments de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période précitée par avis de mise en recouvrement du 31 mai 2019 et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 assorties des intérêts de retard, et la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. La SARL E.P.S. relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en se prononçant par deux jugements distincts sur les demandes dont l'avaient saisi, d'une part, la SARL E.P.S., et d'autre part, son gérant et l'épouse de celui-ci, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre explicitement à la demande de jonction formulée par la société requérante, a implicitement mais nécessairement rejeté ses conclusions tendant à la jonction de ces instances. En n'usant pas de son pouvoir de joindre les affaires en cause, quand bien même la société avait demandé la jonction, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
3. En second lieu, le tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui de la demande, a répondu au point 3. de son jugement, de manière suffisamment motivée, au moyen de la SARL E.P.S. tiré du mal-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée. Par suite, la SARL E.P.S. n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités.
Sur la taxe sur la valeur ajoutée nette due :
4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire (...) ". Aux termes du 2. de l'article 269 de ce code : " La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services (...) lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ".
5. D'une part, la SARL E.P.S., qui exerce une activité de prestations de services, devait ainsi déclarer dans son chiffre d'affaires en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les sommes effectivement encaissées. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a déterminé une insuffisance de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée brute à concurrence de la somme de 63 567 euros au titre de la période du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2016, par une méthode fondée sur le montant comptabilisé en produits au cours de chaque exercice, auquel ont été ajoutées les créances clients existantes au début de chaque exercice et les éventuelles avances clients en fin d'exercice, et auquel ont été déduites les créances clients existant en fin d'exercice et les éventuelles avances constatées en début d'exercice. Il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué les chiffres d'affaires TTC en appliquant les différents taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable. La SARL E.P.S. ne conteste pas que la somme de 63 566,18 euros inscrite dans le compte 445800 de sa comptabilité au 31 décembre 2016, sous l'intitulé " taxe sur la valeur ajoutée à régulariser ", correspond à de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à régulariser, et cette somme est quasi-identique à celle de l'insuffisance reconstituée de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée. La société requérante ne soulève aucune erreur pouvant entacher les différents éléments, notamment les encaissements, de la méthode de reconstitution de chiffres d'affaires utilisée par le vérificateur. Si les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont de seulement 1 965 euros et 517 euros au titre respectivement des exercices clos en 2014 et 2016, le montant total de taxe sur la valeur ajoutée non déclaré et reconstitué par l'administration est conforme à celui retenu par la société requérante dans le compte 445800 de sa comptabilité au 31 décembre 2016.
6. D'autre part, si la SARL E.P.S. soutient qu'il aurait fallu recourir à une méthode basée sur la prise en compte des ventes individuellement, facture par facture, et des relevés de banque, elle ne conteste pas l'absence de continuité du chemin de révision comptable entre les factures de vente ou d'achat et les écritures comptables, ni l'existence d'écritures comptables comportant pour numéro de pièce un " X " et de centralisations d'écritures de recettes. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a procédé à un rehaussement de la taxe sur la valeur ajoutée collectée d'un montant de 63 567 euros pour la période du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2016.
Sur l'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
7. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
8. La proposition de rectification du 17 novembre 2017 vise les articles 39 1. 1°, 54 bis et 54 quater du code général des impôts, et elle précise les motifs des rehaussements fondés sur l'existence d'avantages en nature correspondant à l'utilisation privative de véhicules de la société requérante par son gérant, qui n'ont pas été déclarés par celle-ci, ainsi que les montants de ces rehaussements, les impositions et exercices concernés. A supposer même que l'administration aurait modifié au cours de l'instance devant le tribunal administratif le motif de rehaussements en abandonnant celui tiré de ce que l'avantage en nature a porté la rémunération du gérant à un niveau excessif, cette circonstance est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
9. En premier lieu, le vérificateur a réintégré les rappels de taxe sur la valeur ajoutée aux résultats des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Il résulte des points 5 et 6 du présent arrêt que la société requérante n'est pas fondée à contester cette réintégration.
10. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ". Aux termes de l'article 54 bis de ce code : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel. ". Aux termes de l'article 54 quater de ce code : " Les entreprises sont tenues de fournir, à l'appui de la déclaration de leurs résultats de chaque exercice, le relevé détaillé des catégories de dépenses visées au 5 de l'article 39, lorsqu'elles dépassent un certain montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances, ainsi que le relevé détaillé des dépenses mentionnées au troisième alinéa de l'article 238 A et déduites pour l'établissement de leur impôt. ". Aux termes du 3. de l'article 223 du même code : " Les personnes morales et associations passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues aux mêmes obligations que celles prévues aux articles 54 bis et 54 quater. ".
11. Il résulte de l'instruction que la SARL E.P.S. a comptabilisé des frais de location annuelle, d'entretien, de carburant et d'assurance, se rapportant à deux véhicules qui sont mis à la disposition de son gérant à des fins professionnelles et personnelles, notamment pour ses trajets entre son domicile et le lieu de travail, dans les comptes n° 612 " redevances de crédit-bail ", n° 615 " entretien et réparations " et dans les comptes libellés " carburant " et " assurance ". L'administration a remis en cause la déduction du résultat fiscal de ces charges à hauteur de 50 % pour l'utilisation privée de ces véhicules par le gérant en l'absence de comptabilisation explicite de cet avantage en nature par la société requérante.
12. Les dépenses exposées pour les besoins du déplacement du salarié ou du dirigeant depuis son domicile vers le lieu où il exerce ses fonctions ont la nature d'une dépense personnelle de ce dernier. S'il est loisible à l'employeur d'en assurer la prise en charge, celle-ci, sous réserve qu'elle ne conduise pas à porter la rémunération à un niveau excessif, a la nature, pour le salarié ou le dirigeant, d'un avantage en nature taxable entre ses mains dans la catégorie des traitements et salaires ou en application de l'article 62 du code général des impôts. Symétriquement, elle constitue, sous la même réserve, une charge déductible des bénéfices de l'employeur. Ce traitement fiscal est toutefois subordonné à la condition que les avantages en nature ainsi accordés par la société à son personnel, y compris ses dirigeants soient, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts, inscrits explicitement comme tels en comptabilité. A défaut, ils constituent des avantages occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non déductibles des bénéfices de la société.
13. La SARL E.P.S. soutient que les dispositions précitées de l'article 54 bis du code général des impôts prévoient seulement une obligation déclarative des avantages en nature, qu'il n'existe aucune disposition prévoyant la sanction de la non-comptabilisation distincte des avantages en nature par la réintégration de ces dépenses dans le résultat fiscal à l'exception de l'article 39 précité du même code en cas notamment de rémunération excessive, et que l'administration a alors méconnu le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, qui est également garanti par l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'administration n'a fait que procéder au rehaussement du résultat fiscal de la société requérante, sans faire usage d'un pouvoir de sanction ayant le caractère d'une punition. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté.
14. Il résulte de la proposition de rectification du 17 novembre 2017 que le gérant de la SARL E.P.S. a déclaré lors du débat oral et contradictoire ayant eu lieu au cours de la vérification de comptabilité, qu'il a utilisé les deux véhicules à des fins personnelles à hauteur de 50 % et à des fins professionnelles pour les 50 % restant. La SARL E.P.S. ne démontre pas que l'utilisation privative des véhicules à hauteur de 50 % est erronée, en se limitant à des déclarations selon lesquelles ce pourcentage ne peut correspondre à la pratique d'un chef d'entreprise, qui a des chantiers sur tout le territoire français, et son gérant ne réside qu'à moins de dix kilomètres de son lieu de travail. De plus, la société requérante ne peut se prévaloir de l'immobilisation d'un des deux véhicules en dépôt vente qui a déjà été prise en considération lors de la réponse aux observations du contribuable.
15. Dès lors que le gérant de la SARL E.P.S. a utilisé deux véhicules loués par cette société à des fins personnelles, que l'avantage en nature octroyé au gérant n'a pas été comptabilisé comme tel sous une forme explicite par la société requérante, et que ladite société n'a pas déclaré cet avantage en nature sur le relevé détaillé des frais généraux, l'administration n'avait pas à rechercher si cet avantage en nature avait eu pour effet de porter la rémunération globale du gérant à un niveau excessif.
16. D'autre part, la SARL E.P.S., qui n'a pas déclaré l'avantage en nature précité, ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 220 et 240 de la documentation administrative référencée BOI-RSA-BASE-20-20, qui ne sont applicables qu'en cas d'option de l'employeur.
Sur les majorations :
17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
18. Pour établir le caractère délibéré des manquements constatés, l'administration a notamment relevé, d'une part, que la SARL E.P.S. a minoré ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée collectée à hauteur de 63 567 euros sur l'ensemble de la période du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2016, qu'elle avait identifié cette taxe à régulariser dans le compte n° 445800 de sa comptabilité, et, d'autre part, que la SARL E.P.S. n'a pas déclaré l'avantage en nature octroyé à son gérant au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, qu'elle ne pouvait ignorer que les avantages en nature devaient être inscrits explicitement dans sa comptabilité et dans le relevé détaillé des frais généraux, étant donné qu'elle a acquis son fonds de commerce auprès de la société REA.IMMO, dont le gérant était le même que celui de la société requérante, qui a fait l'objet de rehaussements antérieurement à ceux de la société requérante, pour également des avantages en nature non déclarés. Dans ces conditions, l'administration établit l'intention délibérée de la société requérante d'éluder une partie des impositions dont elle était redevable, justifiant l'application des majorations pour manquement délibéré, et elle n'a pas méconnu le principe de personnalité des peines.
19. Le contrôle exercé par le juge de l'impôt, pour chaque majoration prononcée, est limité à un plein contrôle sur les faits invoqués, manquement par manquement, et sur la qualification retenue par l'administration. Il n'appartient donc pas au juge de contrôler la proportionnalité du montant de la majoration contestée devant lui. Le moyen tiré de ce que le montant de la majoration infligée à la société requérante serait disproportionné doit être ainsi écarté comme inopérant.
20. La SARL E.P.S. soutient que l'administration, qui a appliqué la pénalité de 40 % pour manquement délibéré à son encontre, mais également à l'encontre du foyer fiscal constitué de son gérant et de son épouse, pour les avantages en nature non déclarés, a méconnu la règle non bis in idem. Toutefois, l'administration a appliqué cette majoration à deux contribuables distincts et pour des impositions différentes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la règle non bis in idem doit être écarté.
21. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SARL E.P.S. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Expertise Poteaux Sécurité (E.P.S.) est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Expertise Poteaux Sécurité (E.P.S.) et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02258