Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge de l'obligation qui lui a été notifiée par la mise en demeure tenant lieu de commandement du 19 novembre 2021 de payer la somme de 23 408,11 euros se rapportant à des impositions à l'impôt sur le revenu et à la taxe d'habitation dues par son père, décédé, augmentées de frais et majorations.
Par un jugement n° 2200971 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2023 et le 2 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Pizzolato, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de lui accorder la décharge de l'obligation de payer cette somme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- sa réclamation est recevable contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;
- à l'exception de la taxe d'habitation des années 2017 et 2018 et de l'impôt sur le revenu des années 2015, 2016 et 2017, les dettes relatives aux impositions sont prescrites ;
- en refusant de lui octroyer le sursis de paiement demandé, l'administration a méconnu l'article L. 277 du livre des procédures fiscales et commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 2 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président-rapporteur,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me Pizzolato, représentant M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., décédé le 2 juin 2018, était redevable de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 1997, 1998 et 1999, de cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 et d'impositions à la taxe d'habitation au titre des années 2009, 2010, 2013, 2015, 2016 et 2017. Le 19 novembre 2021, le comptable chargé du recouvrement de la dette fiscale de l'intéressé a délivré à l'encontre de M. C... B..., en qualité d'héritier de son père, une mise en demeure tenant lieu de commandement pour avoir paiement d'une somme de 23 408 euros correspondant à sa quote-part successorale des dettes fiscales non acquittées. Le 21 décembre 2021, M. B... a présenté une réclamation tendant à l'annulation de cet acte de poursuites que le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté a rejetée par une décision du 2 février 2022. M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon, après avoir regardé la demande d'annulation de cet acte dont il était saisi comme tendant à la décharge de l'obligation de payer les dettes fiscales visées par l'acte de poursuites notifié à M. B..., l'a rejetée.
Sur les conclusions relatives à la taxe d'habitation :
2. Aux termes du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort " sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ".
3. Il résulte de ces dispositions que les conclusions de M. B... tendant à la décharge de l'obligation de payer les impositions à la taxe d'habitation dues au titre des années 2009, 2010, 2013, 2015, 2016 et 2018 ne peuvent faire l'objet d'un appel. Par suite, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les conclusions de M. B... dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 mai 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande relative à l'obligation de payer les impositions à la taxe d'habitation dues au titre des années 2009, 2010, 2013, 2015, 2016 et 2018.
Sur les conclusions relatives à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
5. Aux termes de l'article R. 611-7 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".
6. Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge informe les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative cité ci-dessus, que sa décision est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, cette information non plus que la communication des observations reçues sur ce moyen relevé n'ont pas par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction sauf si le juge y est tenu lorsque ces observations contiennent l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire et dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction.
7. Si M. B... entend soutenir que le jugement est irrégulier faute d'avoir répondu à ses arguments tendant à établir la recevabilité de sa réclamation, le tribunal administratif de Dijon s'est prononcé sur ce moyen, relevé d'office, dont il a averti les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative après avoir communiqué les observations de l'administration et du demandeur en première instance sans qu'il résulte de l'instruction qu'il ait été tenu de la rouvrir.
En ce qui concerne la prescription de l'action en recouvrement :
8. M. B... soutient que les impositions à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales mises en recouvrement avant le 4 mars 2016 sont atteintes par la prescription.
9. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ". Aux termes de l'article L. 281-1 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites (...) ". Aux termes de l'article R. 281-1 de ce livre : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 (...) font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service compétent (...) ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, selon le cas, dans un délai de deux mois à partir de la notification : / a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; / b) (...) de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; / c) (...) du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée ".
10. Lorsque le redevable d'une imposition se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui ne porte pas sur l'obligation de payer mais qui a trait à l'exigibilité de l'impôt. La prescription de l'action en recouvrement doit, en application du c de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, être invoquée à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration compétente dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir. Le contribuable qui a invoqué un moyen, dans sa contestation régulièrement formée dirigée contre le premier acte de poursuite lui permettant de le soulever, est recevable à invoquer ce même moyen à l'encontre des actes de poursuite ultérieurs tant que le litige relatif au premier acte est encore pendant.
11. Il résulte de l'instruction que, préalablement à la mise en demeure valant commandement du 19 novembre 2021, le comptable public a notifié à M. C... B... deux saisies administratives à tiers détenteur du 9 juin 2021 pour avoir paiement notamment des dettes d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux des années 1997, 1998 et 1999, de la dette d'impôt sur le revenu de l'année 2013 et de la dette d'impôt sur le revenu de l'année 2014. Ces actes de poursuites sont parvenus à M. B... au plus tard le 21 juin 2021, date de la lettre qu'il a adressée à l'administration pour contester ces poursuites. Par une lettre du 3 septembre 2021 adressée à l'administration, le conseil de M. B... a soutenu que l'action en recouvrement du comptable était prescrite en vertu de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales. Par une lettre du 7 septembre 2021 adressée au conseil de M. B..., à laquelle était jointe un bordereau de situation, le responsable du service des impôts des particuliers de Dijon a indiqué qu'en sa qualité d'héritier ayant accepté la succession, l'intéressé était redevable des dettes dues par le défunt à concurrence de la somme de 23 408 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que cette lettre du 7 septembre 2021, qui, eu égard à sa teneur, doit être regardée comme valant rejet de la réclamation formée par M. B... contre les saisies administratives à tiers détenteur du 9 juin 2021, était accompagnée de la mention des voies et délais de recours. Elle n'a donc pas fait courir à l'encontre de l'intéressé le délai de deux mois imparti par les dispositions précitées pour saisir le juge. Dans ces conditions, et alors même qu'il n'avait pas contesté ce rejet au contentieux, M. B... était encore recevable à soulever, le moyen tiré de la prescription au soutien de sa contestation dirigée contre la mise en demeure tenant lieu de commandement du 19 novembre 2021. C'est donc à tort que, pour écarter le moyen de M. B... tiré de la prescription des impositions à impôt sur le revenu et aux contributions sociales, le tribunal administratif de Dijon a retenu, en le relevant d'office, que, faute d'avoir présenté une réclamation dans le délai de deux mois de la notification des saisies administratives à tiers détenteur, n'était plus recevable à invoquer la prescription de l'action en recouvrement dans sa réclamation du 21 décembre 2021.
12. Il résulte de l'instruction que les impositions des années 1997, 1998 et 1999, mises en recouvrement le 30 avril 2002, ont été incluses dans deux plans de règlement échelonné des dettes fiscales convenus entre l'administration et M. D... B... en 2004 et en 2010. Le délai de prescription du recouvrement de ces impositions, qui a été interrompu par la conclusion de ces plans, n'a pas couru pendant leur exécution, laquelle s'est poursuivie jusqu'au 16 mai 2018, date à laquelle a été effectué le dernier des 273 versements du contribuable. La mise en demeure tenant lieu de commandement du 19 novembre 2021 a été notifiée à M. B... avant l'expiration du nouveau délai de quatre ans dont disposait le comptable pour poursuivre le recouvrement de sa créance à compter du dernier versement, délai, qui, au demeurant, avait déjà été interrompu par la notification à l'intéressé de saisies administratives à tiers détenteur du 2 juin 2021 quand bien même elles se sont révélées infructueuses. La dette fiscale relative à ces impositions n'était donc pas éteinte par l'effet de la prescription à la date de notification de l'acte de poursuites.
13. En revanche, pour les impositions des années 2013 et 2014 mises en recouvrement, respectivement, le 31 juillet 2014 et le 30 juillet 2015, si le ministre fait état, pour la première fois devant la cour, des poursuites diligentées à l'encontre de M. D... B... au moyen de deux commandements, neuf mises en demeure et cinquante-quatre saisies administratives à tiers détenteur, il ne résulte d'aucune des pièces versées à l'instance qu'un de ces actes a été régulièrement notifié à l'intéressé dans le délai de quatre ans à compter de leur mise en recouvrement. En l'absence de tout acte interruptif de prescription dans ce délai, la prescription prévue à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales était donc acquise à M. B... pour ces impositions.
En ce qui concerne l'autre moyen invoqué ;
14. Il ne résulte d'aucune disposition du livre des procédures fiscales, et notamment pas de celles relatives au contentieux du recouvrement codifiées aux articles L. 281 à L. 283 et R. 281-1 à R. 283-1, que les contestations relatives au recouvrement des créances de nature fiscale auraient, par elles-mêmes, pour effet de suspendre la mise en œuvre de l'action en recouvrement, une telle suspension ne pouvant être obtenue qu'au moyen d'une demande expresse de sursis de paiement formée en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions au soutien de la réclamation contentieuse présentée contre les mesures de poursuites qui relèvent non d'un contentieux d'assiette mais d'un contentieux de recouvrement.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge de l'obligation, qui lui a notifiée par la mise en demeure tenant lieu de commandement du 19 novembre 2021, de payer les impositions à l'impôt sur le revenu des années 2013 et 2014.
Sur les frais liés au litige :
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de M. B... et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. B... relatives à l'obligation, qui lui a été notifiée par la mise en demeure valant commandement du 19 novembre 2021, de payer les impositions à la taxe d'habitation, sont transmises au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.
Article 2 : M. B... est déchargé de l'obligation, qui lui a été notifiée par cette mise en demeure, de payer les impositions à l'impôt sur le revenu des années 2013 et 2014.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
D. Pruvost
Le président-assesseur,
X. Haïli
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02189