Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme N'nesta A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 29 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2208816 du 23 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Robin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du 29 juillet 2022 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle a été prise sans examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La préfète du Rhône à laquelle la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- et les observations de Me Lulé, substituant Me Robin, pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 14 mai 1994, est entrée en France, selon ses déclarations, au mois d'octobre 2018. Après le rejet définitif de sa demande d'asile le 5 janvier 2021, elle a sollicité, le 6 octobre suivant, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 juillet 2022, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Mme A... relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur le refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".
3. Mme A... est atteinte d'une hépatite B et d'une stéatohépatite non-alcoolique avec une fibrose au niveau du foie, qui nécessite un traitement par Viread ainsi qu'un suivi régulier. Ni les certificats médicaux qu'elle produit, notamment ceux datés des 8 septembre 2022 et 15 mars 2023, qui indiquent en des termes généraux que ce traitement ne serait pas disponible en Guinée, ni les articles de presse et les rapports émanant d'organisations non gouvernementales qui font état de manière générale des importantes difficultés rencontrées par le système de santé guinéen, ni les attestations de certains fabricants de Viread ou de son générique indiquant qu'ils ne commercialisent pas ce médicament en Guinée ne suffisent à remettre en cause l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont le préfet s'est approprié les termes, selon lequel un traitement approprié est disponible en Guinée. Au contraire, il ressort de la liste des médicaments essentiels de l'année 2021 produite par la requérante, que le ténofovir, la substance active du Viread, est disponible en Guinée. Les éléments généraux qu'elle produit ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier, compte tenu de son coût, d'un tel traitement à Boké, ville dont elle est originaire. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de lui accorder un titre de séjour méconnaîtrait l'article L. 425-9.
4. Mme A... reprend en appel les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal de les écarter.
Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours :
5. Compte tenu de ce qui précède, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours serait illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
6. Il n'apparaît pas qu'elle aurait été prise sans examen particulier de sa situation.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, le préfet n'a pas méconnu le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Compte tenu de ce qui précède, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ".
10. Eu égard à ce qui a été indiqué précédemment sur la disponibilité des soins dont Mme A... a besoin en Guinée, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou aurait été prise en violation des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme N'nesta A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01889
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