Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Paint Building European Ltd a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2005445 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2023 et 5 avril 2024, la société Paint Building European Ltd, représentée par la SELAS Abocap Conseil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens tirés de l'absence de preuve par l'administration de l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité au siège social à Londres, et d'une erreur de sa part d'absence de déclarations auprès des autorités françaises ;
- l'administration a méconnu l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en l'absence d'envoi et de réception de l'avis de vérification de comptabilité à son siège social à Londres ;
- les paragraphes 20 et 30 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-20-10, et 50 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-20-20, sont opposables à l'administration ;
- l'existence d'un établissement stable en France n'a pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
- l'administration a méconnu l'article L. 52 du livre des procédures fiscales en ne respectant pas le délai de trois mois pour procéder à la vérification de comptabilité ;
- la procédure de taxation d'office est irrégulière ; la mise en demeure de déposer des déclarations d'impôt sur les sociétés devait être précédée d'une notification l'informant qu'elle devait être regardée comme disposant d'un établissement stable imposable en France ; la mise en demeure est dépourvue de fondement dès lors que le vérificateur a conclu à l'existence d'un établissement stable en France exerçant une activité occulte avant même le débat oral et contradictoire devant avoir lieu au cours de la vérification de comptabilité ;
- elle ne dispose pas d'établissement stable en France ;
- elle n'a pas exercé d'activité occulte en France ;
- le paragraphe 20 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-10-70 est opposable à l'administration ;
- le droit de reprise de l'administration, s'agissant de l'imposition établie au titre de l'exercice clos en 2015, était expiré ;
- la pénalité de 80 % n'est pas motivée ;
- cette majoration est infondée.
Par des mémoires, enregistrés les 15 décembre 2023 et 2 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 mai 2024, la clôture d'instruction, initialement fixée au 13 mai 2024, a été reportée au 3 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Paint Building European Ltd, société de droit anglais ayant son siège social à Londres, constituée le 8 mai 2014, qui avait pour dirigeant M. B..., domicilié en France à Valence (Drôme) et pour objet social la réalisation de travaux de plâtrerie et de peinture, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle le vérificateur, ayant estimé qu'elle disposait d'un établissement stable en France à partir duquel était exercée une activité occulte, a, en application des articles L. 66-2° et L. 68-3° du livre des procédures fiscales, procédé à la taxation d'office de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des années 2015, 2016 et 2017. Les cotisations d'impôt sur les sociétés établies au titre des années 2015, 2016 et 2017 mises en recouvrement le 30 septembre 2019 ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte. La société Paint Building European Ltd relève appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, le tribunal administratif de Grenoble a répondu, au point 4 de son jugement, que la société Paint Building European Ltd avait bien reçu un avis de vérification de comptabilité. D'autre part, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui de la demande, a répondu aux points 13 et 14 de son jugement, de manière suffisamment motivée, au moyen de la société requérante tiré d'une erreur d'absence de déclarations auprès des autorités françaises. Par suite, la société Paint Building European Ltd n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités.
Sur le principe de l'imposition en France et l'existence d'une activité occulte :
3. En premier lieu, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
4. Aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
5. Aux termes du 1 de l'article 7 de la convention du 19 juin 2008 conclue entre la France et le Royaume-Uni : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; (...) 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l'intermédiaire d'une installation fixe d'affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe. (...) ".
6. D'une part, il résulte du registre des " compagnies house " tenu au Royaume-Uni que la société Paint Building European Ltd faisait partie, aux dates du 31 mai 2015, 2016 et 2017, des " dormant account ", entreprises qui ne font pas de transaction significative dans ce pays. Il résulte également de ce registre que la société Paint Building European Ltd a déclaré auprès des autorités britanniques, aux dates des 7 mai 2014, 3 juin 2015 et 14 juin 2016, une " adresse de service " en France à Valence (Drôme) au domicile de M. B.... Elle ne conteste d'ailleurs pas que son dirigeant a déclaré au vérificateur n'être allé qu'une seule fois à Londres en 2014 ou 2015 et il est constant que M. B..., qui ne connaissait pas l'adresse de la banque auprès de laquelle aurait été ouvert le compte bancaire de la société, ni le numéro de ce compte, n'a produit ni carte bancaire, ni relevé de compte au nom de la société au cours du contrôle. Il résulte de l'instruction que la société Paint Building European Ltd n'a eu, au cours de la période vérifiée, qu'un seul client, l'entreprise Sanjuan, dont le siège social était situé à Valence, avec laquelle elle était liée par un contrat de sous-traitance rédigé en langue française et que les chantiers réalisés pour cette entreprise étaient tous situés sur le territoire français, principalement dans le département de la Drôme. Il résulte de la proposition de rectification que le matériel professionnel nécessaire à l'activité de la société requérante se trouvait sur ces chantiers et que le dirigeant de la société requérante a déclaré que les matériaux étaient fournis par le donneur d'ordre se trouvant en France, que les fournisseurs étaient situés en France, qu'il s'occupait des relations avec les fournisseurs et le client, notamment de la facturation, ainsi que du suivi des travaux sur place. Si la société Paint Building European Ltd soutient avoir eu une activité commerciale au Royaume-Uni, elle n'en justifie pas en se bornant à faire état d'une seule déclaration fiscale portant sur la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 établie par un cabinet comptable de Londres le 16 septembre 2019, soit après la vérification de comptabilité, de bons de commande de l'entreprise Sanjuan mentionnant son adresse au Royaume-Uni et de factures portant un numéro de téléphone britannique alors qu'il est constant qu'elle ne disposait pas d'une ligne active à Londres. Par suite, la société Paint Building European Ltd doit être regardée comme ayant exploité une entreprise en France au sens des dispositions précitées du I de l'article 209 du code général des impôts. Il en résulte que les bénéfices tirés de cette activité sont imposables à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française.
7. D'autre part, les éléments relevés au point précédent permettent de regarder la société Paint Building European Ltd comme ayant disposé, au cours des années d'imposition en litige et pour l'exercice de son activité, d'une installation fixe d'affaires caractérisant un établissement stable en France au sens et pour l'application des stipulations précitées de la convention fiscale conclue entre la France et le Royaume-Uni.
8. En second lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ".
9. D'une part, il résulte des dispositions précitées que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
10. La société Paint Building European Ltd n'a déposé au titre des exercices litigieux aucune des déclarations qu'elle était tenue de souscrire en matière d'impôt sur les sociétés du fait de son activité imposable en France et n'a pas davantage fait connaître cette activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Ainsi qu'il a été dit, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante aurait déclaré aux autorités britanniques, pour l'impôt sur les sociétés, les revenus tirés de l'activité de son établissement en France, au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 mai 2017. Si la société Paint Building European Ltd produit une déclaration pour l'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 établie par un cabinet comptable de Londres, elle ne démontre, en tout état de cause, pas l'avoir effectivement envoyée aux autorités fiscales du Royaume-Uni. Par suite, la société Paint Building European Ltd doit être regardée comme ayant entendu dissimuler l'activité qu'elle exerçait en France par l'intermédiaire de son établissement stable et n'établit pas avoir commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit pas acquittée de son obligation de déclarer en France l'impôt sur les sociétés afférent aux prestations correspondantes.
11. D'autre part, la société Paint Building European Ltd ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 20 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-10-70, qui ne vise que les centres des formalités des entreprises en France et non un registre étranger du commerce et des sociétés.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
12. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité (...) ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'avis de vérification de comptabilité doit être adressé au contribuable lui-même. Dans le cas d'une société étrangère, cet avis doit être adressé, en principe, au lieu de son siège à l'étranger.
13. Il résulte de l'instruction que, si le vérificateur a envoyé par lettre recommandée internationale l'avis de vérification de comptabilité du 28 mars 2019 au siège social à Londres de la société Paint Building European Ltd, l'administration ne produit aucune pièce établissant qu'il en a été accusé réception. Il résulte toutefois de l'instruction que M. B..., dirigeant de cette société, a reçu un avis de vérification le 1er avril 2019 à son domicile personnel à Valence en France. Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, l'administration a pu, sans entacher la procédure d'irrégularité au regard des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, adresser à M. B..., l'avis de vérification de comptabilité destiné à la société requérante.
14. D'autre part, la société Paint Building European Ltd n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 20 et 30 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-20-10, et 50 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-20-20, qui ont trait à la procédure d'imposition et ne contiennent aucune interprétation d'un texte fiscal au sens de cet article.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ".
16. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
17. Il n'est pas contesté par la société Paint Building European Ltd que la vérification de comptabilité a eu lieu dans les locaux de l'établissement stable en France situé au domicile de son dirigeant. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a rencontré M. B... à trois reprises, les 6 et 23 mai et le 18 juillet 2019, au cours du contrôle. Il résulte de la proposition de rectification et des propres écritures en appel de la société requérante que cette dernière a fait l'objet de nombreuses questions sur les éléments pouvant laisser penser à l'existence d'un établissement stable sur le territoire français, qu'elle a apporté des réponses et elle ne démontre pas que le vérificateur se serait refusé à un échange sur cette question. Si la proposition de rectification mentionne que seuls les points concernant la reconstitution des chiffres d'affaires sur la base des factures de ventes de la société Sanjuan, et l'admission de charges à concurrence de 30 % des chiffres d'affaires reconstitués, ont fait l'objet d'échanges approfondis, il ne résulte pas de cette mention qu'aucun débat oral et contradictoire n'aurait eu lieu sur l'existence d'un établissement stable en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la garantie tenant à la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur doit être écarté.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 7° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169. (...) ".
19. Il résulte des points 10 et 11 du présent arrêt que la société Paint Building European Ltd s'est livrée à une activité occulte en France. Par suite, elle ne peut utilement soutenir que le vérificateur a méconnu les dispositions précitées.
20. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ". Aux termes de l'article L. 68 de ce livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° (...) de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169. (...) ".
21. Il résulte des points 10 et 11 du présent arrêt que la société Paint Building European Ltd s'est livrée à une activité occulte en France. Par suite, à supposer même que la mise en demeure du 28 mars 2019 serait irrégulière, cette circonstance serait sans incidence sur la régularité de la procédure en l'absence de nécessité d'une mise en demeure. Au demeurant, les dispositions précitées ne subordonnent pas la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office à l'impôt sur les sociétés à l'envoi, préalablement à celui d'une mise en demeure de déposer les déclarations, d'une notification informant le contribuable des motifs justifiant qu'il soit regardé comme une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de taxation d'office, en ses deux branches, doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
22. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. (...) ".
23. Il résulte des points 10 et 11 du présent arrêt que la société Paint Building European Ltd s'est livrée à une activité occulte en France. Par suite, le moyen tiré de la prescription du droit de reprise de l'administration s'agissant de l'imposition établie au titre de l'année 2015 doit être écarté.
Sur les pénalités :
24. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) ".
25. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration (...) ".
26. La proposition de rectification a suffisamment motivé en droit et en fait la majoration de 80 %. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
27. En second lieu, il résulte du 1. de l'article 1728 du code général des impôts que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
28. Il résulte des points 6, 10 et 11 du présent arrêt que la société Paint Building European Ltd exerçait une activité occulte en France par un établissement stable, qu'elle n'a pas souscrit en France de déclarations de résultat pour l'impôt sur les sociétés des années 2015, 2016 et 2017 et qu'elle n'invoque aucune erreur. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 80 % aux impositions en cause.
29. Il résulte de ce qui précède que la société Paint Building European Ltd n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Paint Building European Ltd est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Paint Building European Ltd et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01842