Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300579 du 2 février 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, M. B..., représenté par Me Royon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, en le munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour sous huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au profit de son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ; elles sont entachées d'un vice de procédure au regard du droit d'être entendu constituant un principe général du droit de l'Union européenne ; elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de la Loire qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 2 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 5 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant de la République de Pologne né le 4 décembre 1979 à Debica, est entré en France en 1996, selon ses déclarations, afin d'y rejoindre sa mère. La préfète de la Loire, par un arrêté du 24 janvier 2023, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, le moyen déjà soulevé en première instance, tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée, doit être écarté par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
3. En deuxième lieu, et en toute hypothèse, l'arrêté contesté, en ce qu'il fixe le pays de destination mentionne les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, faisant notamment référence à la nationalité de l'intéressé et à l'article L. 261-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout en relevant que rien ne l'empêche de poursuivre sa vie familiale dans son pays d'origine. Il est donc suffisamment motivé sur ce point. Le moyen ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
5. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
6. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
7. Il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire en litige, prise sur le fondement du 1° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... a été entendu par les services de la police aux frontières de Lyon le 16 janvier 2023 sans l'assistance d'un interprète, l'intéressé comprenant la langue française. Selon le procès-verbal rédigé par un agent de police judiciaire, il a ainsi pu s'exprimer oralement, notamment sur son identité, la possession d'un passeport, son parcours depuis son arrivée sur le territoire français et les conditions de son séjour, plus précisément sur sa situation familiale et administrative et ses moyens de subsistance. De plus, il a été précisément appelé à formuler des observations au cas où le préfet de la Loire prendrait à son encontre, en particulier, une mesure d'éloignement, et à fournir toute observation qu'il aurait estimé utile de porter à la connaissance de cette autorité sur ce point ou d'ajouter tout autre élément. M. B... a donc été mis à même par l'administration, préalablement à cette décision, de présenter des observations orales. Si l'intéressé n'a pas été placé en situation de présenter des observations écrites, rien ne permet de dire qu'il aurait alors disposé d'informations pertinentes le concernant qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la décision contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'intervention de cette décision. Par suite, il n'apparaît pas avoir été privé du droit d'être entendu. Le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit donc être écarté, tout comme, en toute hypothèse, celui dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...). ". Aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. ".
9. M. B... se prévaut de sa durée de résidence sur le territoire français depuis l'âge de seize ans, de ce qu'il n'a plus de liens avec son pays d'origine et de ce qu'il justifie d'une insertion personnelle et professionnelle sur le territoire français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si M. B... réside en France depuis, non pas 1996 comme il l'affirme, mais depuis 2005, il y demeure cependant célibataire et sans enfant. Si sa mère demeure à Toulon, il n'apparaît pas qu'il entretiendrait avec elle des liens intenses, alors qu'il réside à Saint-Etienne depuis plusieurs années. Il n'apparaît pas davantage que M. B... pourrait se prévaloir d'une insertion sur le plan personnel d'une particulière intensité, pas plus que sur le plan professionnel, dès lors qu'il n'a travaillé que de manière peu régulière en 2005, 2007 et de 2010 à 2016, puis de manière un peu plus suivie seulement en 2019 et 2021, et qu'il justifie seulement du suivi d'une formation en 2014 et en 2022 lors de son incarcération. D'ailleurs, l'intéressé a été condamné par le tribunal correctionnel de Privas par jugement du 2 septembre 2021 à une peine de douze mois d'emprisonnement, dont quatre avec sursis, pour des faits, commis en récidive, de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique. Par suite, l'obligation de quitter le territoire en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Aucune méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ne saurait être retenue. Pour les mêmes motifs elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
10. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen doit donc être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
J. ChassagneLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01612
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