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03/10/2024 | FRANCE | N°23LY00720

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 03 octobre 2024, 23LY00720


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. D... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 et des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2108483 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et des mémoire

s, enregistrés le 24 février 2023, le 22 février 2024 et 17 juin 2024, ce dernier non communiqué, M. et Mme A..., représentés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2108483 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 février 2023, le 22 février 2024 et 17 juin 2024, ce dernier non communiqué, M. et Mme A..., représentés par Me Tournoud, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors, d'une part, que la réclamation a été présentée avant le 14 juin 2021, date d'expiration du délai de réclamation en application de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, l'article 111 c du code général des impôts étant inapplicable à leur situation et le service ne démontrant pas l'appréhension par M. A... des revenus distribués par l'EURL Velvet café ;

- la procédure d'imposition conduite à l'égard de l'EURL Velvet café est irrégulière.

Par des mémoires, enregistrés le 25 septembre 2023 et le 13 mars 2024, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt n° 21LY02083 de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 mai 2023 s'opposant à ce que le juge se prononce sur des moyens qui, tout en étant nouveaux, sont fondés sur la même cause juridique que ceux déjà jugés ;

- la réclamation présentée par les intéressés le 4 juin 2021 est tardive ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 31 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juin 2024.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'arrêt n° 21LY02083 de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 mai 2023 ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pruvost, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Velvet café, qui exploitait un café-bar-restaurant à Grenoble et dont M. A... était le gérant et l'unique associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016, à l'issue de laquelle le vérificateur, après avoir écarté la comptabilité présentée comme étant non probante, a procédé à une reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats. En conséquence de la rectification de ses résultats, la société a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. A la suite d'un contrôle sur pièces, M. et Mme A... ont, selon la procédure contradictoire, été assujettis, au titre des années 2014 à 2016, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant, d'une part, de la réintégration dans leurs bases imposables à l'impôt sur le revenu des omissions de recettes que l'administration a regardées comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, et, d'autre part, de la remise en cause de frais réels que Mme A... avait déduits des traitements et salaires perçus ces mêmes années ainsi que d'une pension alimentaire versée au père de M. A... au titre des années 2015 et 2016. Le 7 juin 2021, M. et Mme A... ont saisi l'administration d'une réclamation tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes. Ils relèvent appel du jugement du 29 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge pour tardiveté de la réclamation.

Sur la fin de non-recevoir du ministre :

2. L'exception de chose jugée concerne le fond du droit et ne constitue pas une fin de non-recevoir qui rendrait irrecevable l'appel formé contre un jugement. La fin de non-recevoir du ministre fondée sur l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt n° 21LY02083 de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 mai 2023 ne peut dès lors qu'être rejetée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 169 de ce livre : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

4. Il résulte des dispositions précitées qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expire, s'agissant de l'impôt sur le revenu, le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée. La notification postérieure de la mise en recouvrement des impositions en cause n'a pas d'incidence sur ce délai.

5. Aux termes de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 : " I. - Sont suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 23 août 2020 inclus et ne courent qu'à compter de cette dernière date, s'agissant de ceux qui auraient commencé à courir pendant la période précitée, les délais : / 1° Accordés à l'administration pour réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition et appliquer les intérêts de retard et les sanctions en application des articles L. 168 à L. 189 du livre des procédures fiscales ou de l'article 354 du code des douanes lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020 ; (...). ".

6. Ces dispositions qui prévoient la suspension du délai de prescription doivent être regardées comme autorisant symétriquement la suspension du délai de forclusion des actions visant à la contestation des impositions ayant bénéficié de la suspension du délai de reprise.

7. Il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires en litige ont donné lieu à une proposition de rectification du 13 novembre 2017. En application des deux premiers alinéas du I de l'article 10 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, l'administration a bénéficié, du fait de la suspension intervenue du 12 mars au 23 août 2010, d'une prorogation du délai de reprise qui expirait le 31 décembre 2020, jusqu'au 14 juin 2021. Symétriquement, le délai spécial prévu à l'article R. 196-3 du même livre dont bénéficiaient les requérants pour contester les rectifications en litige expirait également à la date du 14 juin 2021. Ainsi, et sans que l'administration puisse utilement faire valoir que les impositions en litige ont été mises en recouvrement le 30 avril 2018, la réclamation introduite par M. et Mme A..., le 7 juin 2021 n'était pas tardive. Par suite, ceux-ci sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande comme tardive et par suite irrecevable en application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Il résulte de ce qui précède que le jugement est irrégulier et doit être annulé.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

9. Par un arrêt n° 21LY02083 du 11 mai 2023, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, à concurrence d'un montant total de 36 906 euros correspondant aux dégrèvements prononcés par décisions du directeur départemental des finances publiques de l'Isère du 4 et du 26 janvier 2023 en ce qui concerne les contributions sociales établies au titre des années 2014, 2015 et 2016 et les pénalités, a rejeté le surplus des conclusions de M. et Mme A... tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de ces années et des pénalités correspondantes. Par une décision n° 475888 du 13 novembre 2023, le Conseil d'Etat a donné acte du désistement de M. et Mme A... du pourvoi formé contre cet arrêt.

10. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition, de la catégorie et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

11. Si M. et Mme A... soutiennent que la proposition de rectification du 13 novembre 2017 qui leur a été adressée est insuffisamment motivée, ils se bornent à faire valoir, à l'appui de ce moyen relatif à la régularité de la procédure suivie pour établir les impositions, que l'article 111 c du code général des impôts est inapplicable à leur situation. Pour le reste, la proposition de rectification qui a été adressée à M. et Mme A... mentionne les impositions et les années concernées, cite le texte servant de base légale aux rectifications et donne le montant en bases des rectifications envisagées. Elle expose de façon suffisamment précise les motifs des rehaussements et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prescrite par les dispositions précitées. Par suite, ce moyen ne peut être qu'écarté.

12. Par ailleurs, eu égard à l'identité des parties, de l'objet de la demande de M. et Mme A... et des motifs de l'arrêt de la cour du 11 mai 2023, l'autorité de chose jugée attachée aux motifs de cet arrêt devenu définitif fait obstacle à ce qu'ils soulèvent à nouveau une contestation relative au bien-fondé des impositions et invoquent le moyen nouveau tiré du défaut de base légale de l'imposition à l'impôt sur le revenu établi au titre des années en litige qui se rattache aux mêmes causes juridiques que celles soulevées dans l'instance précédente.

13. Il en résulte que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions et pénalités visées ci-dessus.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice des requérants.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2108483 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.

Le président-rapporteur,

D. Pruvost

Le président-assesseur,

X. Haïli

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00720


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00720
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

01-04-04-02 Actes législatifs et administratifs. - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit. - Chose jugée. - Chose jugée par le juge administratif.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;23ly00720 ?
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