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03/10/2024 | FRANCE | N°23LY00717

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 03 octobre 2024, 23LY00717


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



L'EURL Velvet Café a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1729 H du code général des imp

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Par un jugement n° 2108484 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Gren...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Velvet Café a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1729 H du code général des impôts.

Par un jugement n° 2108484 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 février 2023, le 22 février 2024, et le 17 juin 2024, ce dernier non communiqué, l'EURL Velvet Café, représentée par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, de ces pénalités et de l'amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors, d'une part, que la réclamation a été présentée avant le 14 juin 2021, date d'expiration du délai de réclamation en application de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et, d'autre part, que le défaut de mention du délai de droit commun sur l'avis de mise en recouvrement a fait obstacle à son opposabilité ;

- le défaut de conservation des données comptables ne caractérise pas l'opposition à convention fiscale contrôle de nature à justifier le recours à la procédure d'évaluation d'office et l'absence de saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de sorte que la procédure d'imposition suivie est irrégulière ;

- l'arrêt n° 21LY02057 du 11 mai 2023 de la cour n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée dès lors que la requête a été introduite avant cette décision qui ne porte pas sur l'impôt sur les sociétés établi au titre de l'exercice clos en 2014 ;

- étant une société de personne, elle n'était pas soumise à l'imposition à l'impôt sur les sociétés entre le 14 novembre 2005, date de la réunion des parts entre les mains de M. A..., et le 21 juin 2018.

Par des mémoires, enregistrés le 25 septembre 2023 et le 13 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt n° 21LY02057 de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 mai 2023 s'opposant à ce que le juge se prononce sur des moyens qui, tout en étant nouveaux, sont fondés sur la même cause juridique que ceux déjà jugés ;

- les conclusions relatives aux impositions et à l'amende déchargées par l'arrêt n° 21LY02057 sont sans objet ;

- la réclamation présentée par la société le 4 juin 2021 est tardive ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2024.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'arrêt n° 21LY02057 de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 mai 2023 ;

- la décision n° 475889 du Conseil d'Etat du 13 novembre 2023.

Vu :

- l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pruvost, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Velvet Café, qui exploitait un fonds de commerce de café-bar-restaurant à Grenoble, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016 à l'issue de laquelle le vérificateur a rejeté la comptabilité présentée comme irrégulière et non probante et procédé à la reconstitution des recettes et de ses résultats. En conséquence de ce contrôle, l'EURL Velvet Café a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée ainsi qu'à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices couvert par cette période, lesquels ont été établis en application de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à la mise en œuvre du contrôle fiscal dans les conditions prévues au I et au II de l'article 47 A. L'EURL Velvet Café s'est vu également infliger l'amende prévue à l'article 1729 H du code général des impôts pour un montant de 10 000 euros. Le 4 juin 2021, l'EURL Velvet Café a saisi l'administration d'une réclamation tendant à la décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et de l'amende. Elle relève appel du jugement du 29 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge pour tardiveté de la réclamation.

Sur l'étendue du litige :

2. Par un arrêt n° 21LY02057 du 11 mai 2023, postérieur à l'introduction de la présente requête, la présente cour a prononcé la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à l'EURL Velvet Café au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016, de la cotisation d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'exercice 2014, des pénalités afférentes à ces impositions et, à concurrence de 5 000 euros, de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 H du code général des impôts. En exécution de cet arrêt, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé, à concurrence d'un montant total de 71 732 euros, le dégrèvement partiel de ces impositions, des pénalités et de l'amende par une décision du 17 juillet 2023. Les conclusions de la présente requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir du ministre :

3. L'exception de chose jugée concerne le fond du droit et ne constitue pas une fin de non-recevoir qui rendrait irrecevable l'appel formé contre un jugement. La fin de non-recevoir du ministre fondée sur l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt n° 21LY02057 de la présente du 11 mai 2023 ne peut dès lors qu'être rejetée.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

4. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble, faisant droit à la fin de non-recevoir opposée par l'administration, a rejeté comme irrecevable la demande de l'EURL Velvet au motif que sa réclamation était tardive.

5. Aux termes de l'article R. 196-3 du même du livre, " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 169 de ce livre, " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

6. Il résulte des dispositions précitées qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expire, s'agissant de l'impôt sur le revenu, le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée. La notification postérieure de la mise en recouvrement des impositions en cause n'a pas d'incidence sur ce délai

7. Aux termes de l'article 10 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 : " I.- Sont suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 23 août 2020 inclus et ne courent qu'à compter de cette dernière date, s'agissant de ceux qui auraient commencé à courir pendant la période précitée, les délais : / 1° Accordés à l'administration pour réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition et appliquer les intérêts de retard et les sanctions en application des articles L. 168 à L. 189 du livre des procédures fiscales ou de l'article 354 du code des douanes lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020 ; (...). ".

8. Ces dispositions qui prévoient la suspension du délai de prescription doivent être regardées comme autorisant symétriquement la suspension du délai de forclusion des actions visant à la contestation des impositions ayant bénéficié de la suspension du délai de reprise.

9. Il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires en litige ont donné lieu à une proposition de rectification du 13 novembre 2017. En application des deux premiers alinéas du I de l'article 10 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, l'administration a bénéficié, du fait de la suspension intervenue du 12 mars au 23 août 2010, d'une prorogation du délai de reprise qui expirait le 31 décembre 2020, jusqu'au 14 juin 2021. Symétriquement, le délai spécial prévu à l'article R. 196-3 du même livre dont bénéficiait la société requérante pour contester les rectifications en litige expirait également à la date du 14 juin 2021. Ainsi, et sans que l'administration puisse utilement faire valoir que les impositions en litige ont fait l'objet d'avis de mise en recouvrement le 30 mars 2018, la réclamation introduite par l'EURL Velvet Café, le 4 juin 2021 n'était pas tardive. Par suite, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande comme tardive et par suite irrecevable en application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Il résulte de ce qui précède que le jugement est irrégulier, en tant qu'il a statué sur les impositions maintenues à la charge de l'EURL Velvet Café par l'arrêt n° 21LY02057 de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 mai 2023, doit être annulé.

10. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'EURL Velvet Café devant le tribunal administratif de Grenoble relative aux impositions, pénalités et amende maintenues à sa charge.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition et le bien-fondé des impositions :

11. L'arrêt n° 21LY02057 de la cour prononçant la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à l'EURL Velvet Café au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 septembre 2016, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'exercice 2014, des pénalités afférentes à ces impositions et, à concurrence de 5 000 euros, de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1729 H du code général des impôts, a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de ses exercices clos en 2015 et 2016 et des pénalités correspondantes. Par une décision n° 475889 du 13 novembre 2023, le Conseil d'Etat a donné acte du désistement de l'EURL Velvet Café de son pourvoi contre cet arrêt. Eu égard à l'identité des parties, de l'objet de la demande de l'EURL Velvet Café et des motifs de l'arrêt de la cour du 11 mai 2023, l'autorité de chose jugée attachée aux motifs de cet arrêt devenu définitif fait obstacle à ce qu'elle soulève à nouveau une contestation relative à la procédure d'imposition et invoque le moyen nouveau tiré du défaut de base légale de l'imposition à l'impôt sur les sociétés établi au titre de l'exercice clos en 2015 qui se rattache aux mêmes causes juridiques que celles soulevées dans l'instance précédente.

12. Il suit de là que l'EURL Velvet Café n'est pas fondée à demander la décharge du surplus des impositions et pénalités visées ci-dessus.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la société requérante.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence d'un montant de 71 732 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l'EURL Velvet Café.

Article 2 : Le jugement n° 2108484 du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2022 est annulé en tant qu'il a statué sur les impositions et pénalités à concurrence du montant cité à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de l'EURL Velvet Café présentée devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Velvet Café et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.

Le président-rapporteur,

D. Pruvost

Le président-assesseur,

X. Haïli

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00717
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

01-04-04-02 Actes législatifs et administratifs. - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit. - Chose jugée. - Chose jugée par le juge administratif.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;23ly00717 ?
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