Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
1°) de condamner la commune de Mauriac à lui verser la somme de 129 331,91 euros ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Mauriac la somme de 3 168 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par jugement n° 1902501 du 16 juin 2022, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 10 mai 2023, M. A..., représenté par la société d'avocats Seban Auvergne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Mauriac à lui verser la somme demandée en première instance ;
3°) de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les fins de non-recevoir présentées en première instance doivent être écartées ;
- le maire de Mauriac a commis une carence fautive dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- le maire de Mauriac a commis un détournement de pouvoir ;
- la responsabilité de la commune de Mauriac peut être engagée sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques ;
- Il a subi des préjudices à concurrence de la somme demandée.
Par mémoires enregistrés le 29 septembre 2022 et le 27 juin 2023, la commune de Mauriac, représentée par Me Maisonneuve, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que :
- la demande de première instance était irrecevable, faute de liaison du contentieux et faute d'intérêt à agir du requérant ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 27 juin 2023 an application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Christine Psilakis, rapporteure publique ;
- les observations de M. A..., et celle de Me Maisonneuve pour la commune de Mauriac.
Considérant ce qui suit :
1. La société La Tablée, dont M. A... était associé unique et gérant, a acquis le 20 septembre 2013, un fonds de commerce de restaurant-bar doté d'une salle de danse à Mauriac. A l'issue de la visite périodique organisée le 20 février 2014, la commission de sécurité a émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement en raison des risques d'incendie et de l'insuffisance des moyens de secours propre à les prévenir. Après avoir invité M. A... à réaliser les travaux de mise en conformité, le maire a autorisé l'exploitation provisoire de l'établissement jusqu'au 30 septembre 2014, par arrêté du 3 mars 2014. La visite de contrôle effectuée le 7 octobre 2014 s'étant traduite par le maintien d'un avis défavorable, le maire de Mauriac a décidé de fermer l'établissement, par arrêté du 31 octobre 2014. Après le placement en liquidation judiciaire de la société La Tablée, le 18 novembre 2014, son mandataire liquidateur a saisi le tribunal de grande instance d'Aurillac d'une action en annulation de la vente pour dol. Par jugement du 4 septembre 2017, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Riom du 15 mai 2019, ce tribunal a fait droit à sa demande et condamné le vendeur à la restitution du prix de vente du fonds soit 62 500 euros ainsi qu'à verser à l'acquéreur la somme de 15 724 euros à titre de dommages et intérêts.
2. Estimant que la situation avait pour origine une carence fautive du maire et une rupture d'égalité devant les charges publiques, M. A... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande de condamnation de la commune à lui verser la somme de 129 331,91 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. M. A... interjette appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la responsabilité pour faute :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation, alors en vigueur : " (...) dans le cadre de leurs compétences respectives, le maire ou le représentant de l'Etat dans le département peuvent par arrêté, pris après avis de la commission de sécurité compétente, ordonner la fermeture des établissements recevant du public en infraction avec les règles de sécurité propres à ce type d'établissement, jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité ". Aux termes de l'article R. 123-27 du même code, alors en vigueur : " Le maire assure, en ce qui le concerne, l'exécution des dispositions du présent chapitre ". Par ailleurs, il résulte de l'article R. 123-35 du même code que la commission consultative départementale de la sécurité civile ou la sous-commission constituée en application de l'article R. 123-37 assiste le maire dans l'application des mesures de police et de surveillance qu'il est appelé à prendre en vue d'assurer la protection contre l'incendie et la panique dans les établissements et qu'elle est chargée notamment de procéder, soit de sa propre initiative, soit à la demande du maire, à des contrôles périodiques ou inopinés sur l'observation des dispositions réglementaires.
4. Selon le tableau établi par l'article GE 4 de l'arrêté du 25 juin 1980 susvisé, les établissements de 3e catégorie de type N (restaurant) et P (piste de danse), doivent faire l'objet d'une visite périodique de cette commission, respectivement tous les cinq et trois ans.
5. M. A..., qui soutient que le maire de Mauriac a commis une faute en n'exerçant pas à l'égard du précédent exploitant son pouvoir de police de fermeture des établissements recevant du public, fait valoir qu'il ressortait déjà d'un compte rendu de la commission de sécurité du 23 février 1994 que le local utilisé comme salle de restaurant était un ancien entrepôt de matériel électrique reconverti sans qu'aucune demande de permis de construire ni autorisation d'aménagement ait été présentée. Il expose qu'après que le maire a rappelé aux gérants qu'ils devaient effectuer les travaux prescrits dans le délai de trois mois, aucune suite n'a été donnée à l'absence de travaux propres à remédier à la situation malgré deux nouvelles visites effectuées le 6 juillet 1994 et 8 août 1994 qui n'ont donné lieu à un avis favorable que " sous réserve de la réalisation impérative des prescriptions dans un délai de dix jours ", puis accordé un nouveau délai de trois mois. Il ajoute que de nouveaux avis défavorables à la poursuite de l'activité de salle de danse ont été rendus le 30 décembre 1996 et le 12 février 2002 et qu'à la suite de cette dernière visite, le maire s'est borné à saisir le sous-préfet d'un courrier lui indiquant que des travaux avaient été effectués et faisant état des déclarations des gérants suivant lesquelles une alarme incendie serait posée par un électricien qui avait établi un devis. Par ailleurs, s'il est vrai que la commission a émis un avis favorable le 30 juin 1997, puis de nouveaux avis favorables le 24 décembre 2004 et le 25 avril 2009, il en ressort que ceux-ci étaient assortis de très nombreuses demandes de mise aux normes de sécurité qui, pour la plupart, n'ont pas été réalisées.
6. Au regard de ces éléments et compte tenu de la présence d'un représentant du maire parmi les membres de la commission, ce dernier ne pouvait ignorer qu'en dépit des avis formellement favorables à la poursuite de son activité, l'établissement en cause ne respectait pas les normes de sécurité attendues d'un tel établissement. En outre, comme le relève le requérant, cet établissement recevant du public de 3e catégorie de type P (piste de danse) aurait dû faire l'objet d'une visite périodique tous les trois ans, de sorte qu'un contrôle supplémentaire aurait dû avoir lieu dès 2012 et non seulement en 2014, postérieurement à l'acquisition du fonds par la société La Tablée. M. A... établit donc que le maire de Mauriac a commis une faute en ne faisant pas usage plus précocement de son pouvoir de police.
7. Toutefois, alors que les préjudices invoqués par M. A... résultent du comportement dolosif du vendeur du fonds de commerce, qui a dissimulé les non conformités dont était affecté le fonds de commerce et l'a cédé en toute connaissance de cause, ce qui a d'ailleurs donné lieu au versement d'indemnités extracontractuelles à l'actif de la liquidation de la société La Tablée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, la faute commise par le maire de Mauriac ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme ayant été la cause directe des préjudices invoqués par ce dernier.
Sur le surplus des moyens :
8. Les préjudices invoqués par M. A... résultent de l'application de la législation relative aux règles propres à garantir sécurité des établissements recevant du public. Ils n'excèdent pas les aléas inhérents à l'activité en cause et ne revêtent pas un caractère anormal et spécial justifiant leur indemnisation sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques.
9. Le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mauriac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par la commune de Mauriac en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Mauriac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et à la commune de Mauriac.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. SavouréLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet du Cantal en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02227