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25/09/2024 | FRANCE | N°23LY03931

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 25 septembre 2024, 23LY03931


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 15 septembre 2021 et du 31 mars 2022 par lesquelles le directeur général des Hospices civils de Lyon (HCL) a prononcé sa suspension de fonctions, respectivement à compter du 15 septembre 2021 et du 28 septembre 2021, ensemble la décision implicite de rejet née le 19 janvier 2022 du silence conservé sur son recours gracieux, et d'enjoindre aux HCL de régulariser sa situation administrative et financi

re à compter du 15 septembre 2021.

Par un jugement n° 2202019 du 30 octobre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 15 septembre 2021 et du 31 mars 2022 par lesquelles le directeur général des Hospices civils de Lyon (HCL) a prononcé sa suspension de fonctions, respectivement à compter du 15 septembre 2021 et du 28 septembre 2021, ensemble la décision implicite de rejet née le 19 janvier 2022 du silence conservé sur son recours gracieux, et d'enjoindre aux HCL de régulariser sa situation administrative et financière à compter du 15 septembre 2021.

Par un jugement n° 2202019 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... dirigées contre la décision du directeur général des HCL du 15 septembre 2021 et contre la décision portant rejet du recours gracieux formé à son encontre, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Terrasson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 octobre 2023 ;

2°) d'annuler les décisions précitées de suspension des 15 septembre 2021 et 31 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre aux Hospices civils de Lyon de lui verser la rémunération à laquelle elle a droit, à titre principal, à compter du 15 septembre 2021, à titre subsidiaire, à compter du 31 mars 2022, et à titre très subsidiaire pour la période du 15 septembre 2021 au 31 mars 2022, d'assimiler sa période d'absence du service à compter de ces dates à une période de travail effectif pour la détermination de la durée de ses congés payés ainsi que pour ses droits acquis au titre de son ancienneté et de prendre en compte cette même période au titre de son avancement, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge des HCL une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a prononcé à tort un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 15 septembre 2021 ;

- la décision du 31 mars 2022 est entachée d'une rétroactivité illégale ;

- sa suspension de fonctions est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un entretien et d'une procédure destinée à examiner sa situation, révélant l'erreur de droit commise par l'autorité administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mai 2024, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Prouvez, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,

- et les observations de Me Litzler, représentant les Hospices civils de Lyon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., conductrice ambulancière employée par les Hospices civils de Lyon (HCL), a fait l'objet d'une décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur général de cet établissement a prononcé sa suspension de fonctions à compter du même jour au motif qu'elle ne justifiait pas de la régularité de sa situation au regard de son obligation de vaccination contre la covid-19 résultant de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Le recours qu'elle a présenté le 19 novembre 2021 contre cette décision a été implicitement rejeté. Par une nouvelle décision du 31 mars 2022, le directeur général des HCL a retiré la décision du 15 septembre 2021 et prononcé la suspension de l'intéressée à compter du 28 septembre 2021, afin de tenir compte de ses congés pour la période courant du 15 au 27 septembre 2021. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision du directeur général des HCL du 15 septembre 2021 et contre la décision portant rejet du recours gracieux formé à son encontre, a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 31 mars 2022.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.

3. Par une décision du 15 septembre 2021, le directeur général des HCL a prononcé la suspension de fonctions de Mme A... à compter du même jour. Il est cependant constant que celle-ci a été en congés pour la période courant du 15 au 27 septembre 2021, ainsi qu'elle en a fait état dans le recours gracieux qu'elle a formé le 19 novembre 2021. Aussi, par une décision du 31 mars 2022, intervenue au cours de l'instance introduite devant le tribunal administratif de Lyon le 16 mars 2022 dirigée contre la décision du 15 septembre 2021, le directeur général des HCL a, par l'article 1er de cette décision, annulé et remplacé la décision du 15 septembre 2021, a prononcé la suspension de l'intéressée et a fixé une nouvelle date d'entrée en vigueur de cette mesure, correspondant au terme de sa période de congés. Ce retrait, dès lors qu'il fait droit à la demande de Mme A... et porte sur une décision qui lui était défavorable, a acquis un caractère définitif. Dans ces conditions, en application des principes rappelés au point précédent, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 15 septembre 2021 ont perdu leur objet et il n'y a plus lieu d'y statuer. Par suite, le tribunal a pu à bon droit retenir qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cette première décision et de la décision portant rejet du recours gracieux. Le jugement n'est ainsi pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, si en principe, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir, l'administration peut déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision, afin de placer l'agent dans une situation régulière ou de remédier à une illégalité.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision du 31 mars 2022 a reporté la date d'entrée en vigueur de la suspension décidée le 15 septembre 2021 au 28 septembre suivant, en raison des congés dont la requérante bénéficiait jusqu'à cette date, et a régularisé sur ce point la décision initiale. Par suite, et alors que l'administration a l'obligation, par dérogation au principe général de non-rétroactivité des actes administratifs, de placer à tout moment le fonctionnaire dans une situation régulière, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 31 mars 2022 serait entachée d'une rétroactivité illégale.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 susvisée : " I. - (...) B - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. (...). III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (...). Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. D'une part, s'il ne ressort pas des termes des décisions attaquées que Mme A... aurait été reçue à un entretien au cours duquel les conséquences du non-respect de ses obligations au regard de la loi du 5 août 2021 lui auraient été rappelées, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'employeur que l'information préalable prévue par le III de l'article 14 de cette loi doive prendre la forme d'un entretien avec l'agent concerné. D'autre part, il ressort tant du courrier relatif à l'obligation vaccinale des agents des HCL du 12 août 2021 que de celui du 6 septembre 2021 qui lui a été personnellement adressé, ainsi que des courriels des 6 et 19 août et 8 septembre 2021, que les HCL ont précisé les conséquences qu'impliquait la non-conformité à l'obligation vaccinale sur la poursuite de l'activité professionnelle de Mme A.... Si ces courriers ne rappelaient pas les modalités de régularisation possibles des situations des agents s'exposant à cette suspension, il est constant que la requérante a précisément demandé la régularisation de sa situation par le recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 15 septembre 2021. Dans ces conditions, et dès lors que cette demande a d'ailleurs été accueillie, Mme A..., qui doit être regardée comme ayant été dûment informée, n'a pas été effectivement privée d'une garantie. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ayant précédé la décision du 31 mars 2022 doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à la décision du 15 septembre 2021 et la décision portant rejet de son recours gracieux, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des HCL, qui ne sont pas la partie perdante à la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme A....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et aux Hospices civils de Lyon.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2024.

La rapporteure,

Emilie Felmy

Le président,

Jean-Yves TallecLe greffier en chef,

Cédric Gomez

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03931


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03931
Date de la décision : 25/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-01-01-02 Santé publique. - Protection générale de la santé publique. - Police et réglementation sanitaire. - Lutte contre les épidémies.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-25;23ly03931 ?
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