Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 septembre 2021 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon (HCL) a prononcé sa suspension de fonctions à compter du lendemain, et d'enjoindre aux HCL de rétablir sa rémunération à compter du 15 septembre 2021.
Par un jugement n° 2201228 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 6 juin 2024, Mme B..., représentée par Me Petreto, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision précitée de suspension du 14 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre aux Hospices civils de Lyon de rétablir sa rémunération à compter du 15 septembre 2021 ;
4°) de mettre à la charge des HCL une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise en violation des dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 dès lors qu'elle a été édictée avant le 15 septembre 2021 ;
- elle a été prise l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédée d'un entretien ;
- l'information prévue par la loi ne lui a pas été donnée ;
- l'obligation de vaccination ne pouvait légalement lui être opposée compte tenu de la nature de ses fonctions et de leur exercice en télétravail.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 7 mai et 19 août 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Prouvez, concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- et les observations de Me Litzler, représentant les Hospices civils de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., praticien attaché employée par les Hospices civils de Lyon (HCL), a fait l'objet d'une décision du 14 septembre 2021 par laquelle le directeur général de cet établissement a prononcé sa suspension de fonctions à compter du lendemain, au motif qu'elle ne justifiait pas de la régularité de sa situation au regard de son obligation de vaccination contre la covid-19 résultant de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I / (...). / II. - Un décret (...) fixe les éléments permettant d'établir un certificat de statut vaccinal pour les personnes mentionnées au même I et les modalités de présentation de ce certificat sous une forme ne permettant d'identifier que la nature de celui-ci et la satisfaction aux critères requis. Il détermine également les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 et le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. / III. - Le I ne s'applique pas aux personnes chargées de l'exécution d'une tâche ponctuelle au sein des locaux dans lesquels les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4° du même I exercent ou travaillent (...) ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12 (...) ; / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication (...) ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. - (...) B.- A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 (...). / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (...) ".
3. En adoptant le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021 pour l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique à l'exception de celles qui n'y effectuent qu'une tâche ponctuelle, le législateur a entendu garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger la santé des personnes qui y étaient hospitalisées. Il en résulte que l'obligation vaccinale prévue par les dispositions du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 citées au point précédent s'impose à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, quel que soit l'emplacement des locaux en question et que cette personne ait ou non des activités de soins et soit ou non en contact avec des patients ou des professionnels de santé.
4. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret du 11 février 2016 visé ci-dessus relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d'affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Il peut être dérogé aux conditions fixées à l'article 3 : / 1° Pour une durée de six mois maximum, à la demande des agents dont l'état de santé ou le handicap le justifient et après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail ; cette dérogation est renouvelable, après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail (...) ".
5. Si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui exerce une partie seulement de ses fonctions en télétravail et qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19, une telle mesure ne peut être prise à l'égard d'un agent qui, en raison de son état de santé, exerce ses fonctions exclusivement en télétravail en vertu des dispositions du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, citées au point précédent. Par suite, Mme B..., qui relève du 1° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 et exerçait, à la date de la décision attaquée, l'intégralité de ses missions en télétravail, n'était pas soumise à l'obligation vaccinale contre la covid-19. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit commise par les HCL doit être accueilli.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'annulation de la décision attaquée implique que les HCL replacent Mme B... dans une situation régulière pour la période relative à l'exercice de ses fonctions en télétravail exclusif à compter de la date de la décision portant suspension, soit le 15 septembre 2021 jusqu'au terme de cette période, et lui verse les rémunérations dont elle a été privée pendant cette période. Il y a lieu d'enjoindre au centre hospitalier de procéder à ce placement et à ce versement, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu de mettre à la charge des HCL une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 octobre 2023 et la décision du 14 septembre 2021 du directeur général des Hospices civils de Lyon sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint aux Hospices civils de Lyon, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de placer Mme B... dans une situation administrative régulière et lui verser les rémunérations dont elle a été privée à compter du 15 septembre 2021 jusqu'au terme de la période durant laquelle elle a exercé ses fonctions exclusivement en télétravail.
Article 3 : Les Hospices civils de Lyon verseront à Mme B... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et aux Hospices civils de Lyon.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
Le greffier en chef,
Cédric Gomez
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03848