Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 10 février 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2301962 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Borges de Deus Correia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de l'Isère du 10 février 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il ne pourra financer le traitement requis par son état de santé et par celui de son épouse en cas de retour dans leur pays d'origine ;
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur d'appréciation, quant à l'état de santé de son épouse ;
- l'arrêté litigieux méconnaît le principe de bonne administration et le droit d'être entendu préalablement et n'a pas été précédé d'un examen sérieux, compte tenu de l'absence de réponse à sa demande d'entretien préalable ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, privés de ressources en Macédoine, lui et son épouse, qui ne peut être privée de traitement sans conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne pourraient effectivement bénéficier du traitement requis par leur état de santé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 4 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 10 février 2023 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il résulte du dossier de première instance que la circonstance que les époux B... ne pourront financer le traitement requis par leur état de santé en cas de retour dans leur pays d'origine était invoquée comme argument à l'appui des moyens tirés de la méconnaissance des articles " 611-3 " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ces moyens ont été examinés par les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments invoqués à leur appui. Par suite, M. B... n'est pas fondé à leur reprocher une omission à statuer.
3. En second lieu, l'erreur d'appréciation dont les premiers juges auraient, d'après M. B..., entaché leur jugement, notamment quant à l'état de santé de son épouse, n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé de ce jugement et demeure sans incidence sur sa régularité.
Sur le fond du litige :
4. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union et le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Néanmoins, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, le préfet doit être regardé comme mettant en œuvre le droit de l'Union européenne. Il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration. Il résulte notamment de ce principe le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre. Ce droit se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. En outre, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
5. Pour soutenir que son droit à être préalablement entendu a été méconnu, M. B... fait valoir qu'à défaut d'avoir obtenu un entretien, il a été privé de la possibilité d'apporter des précisions quant à son état de santé et à celui de son épouse. Toutefois, il n'apporte aucune précision sur les éléments médicaux qu'il aurait ainsi entendu faire valoir, alors que, par son courrier du 29 novembre 2022, il a porté à la connaissance de l'administration les difficultés financières dont il se prévaut dans la présente instance. Il ne fait valoir aucun autre élément propre à établir que la procédure administrative aurait abouti à un résultat différent après un tel entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être préalablement entendu, de même que ceux, dépourvus de toute autre précision, tirés de la méconnaissance du principe de bonne administration et d'un défaut d'examen individualisé, doivent être écartés.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
7. Si, pour soutenir que l'arrêté litigieux méconnaît ces dispositions, M. B... fait valoir qu'il ne pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour en Macédoine, y étant dépourvu de ressources, il ne l'établit pas à défaut de démontrer que ni lui, ni son épouse, laquelle a été, à sa demande, reconnue travailleuse handicapée et donc apte à exercer une activité professionnelle, et orientée vers le marché du travail, ne seraient en capacité d'exercer une activité, ni que cet Etat ne serait pas doté d'un système de sécurité sociale susceptible de le prendre en charge. Par ailleurs, l'arrêté litigieux n'ayant pas pour objet de refuser la délivrance d'un titre de séjour et de faire obligation de quitter le territoire français à son épouse, il ne peut utilement soutenir que l'état de santé de celle-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doivent être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
9. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
N. Vanduynslaeger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03322