Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
Par deux requêtes, M. A... et Mme B... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de ces mesures d'éloignement.
Par jugement nos 2208628-2208629 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a joint et rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Paquet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet du Rhône du 9 novembre 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé, puis une carte de séjour, subsidiairement, de réexaminer leur situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur avocate de la somme de 1 500 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle avant de rejeter leurs demandes de titre de séjour ;
- le refus de titre de séjour opposé à Mme A... a été adopté au terme d'une procédure irrégulière, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'ayant pas été émis lors d'une délibération collégiale, en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le refus de titre de séjour opposé à Mme A... méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les refus de titre de séjour litigieux méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ils sont entachés d'erreurs manifestes d'appréciation ;
- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les obligations de quitter le territoire français litigieuses n'ont pas été précédées d'un examen de leurs situations particulières ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'erreurs manifestes d'appréciation ;
- celle opposée à Mme A... méconnaît l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire sont illégales en raison de l'illégalité des précédentes décisions ;
- les décisions fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des précédentes décisions ;
- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 9 novembre 2022 rejetant leurs demandes de titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement.
Sur les refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des refus de titre de séjour litigieux, qui mentionnent l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles ils se fondent, que le préfet du Rhône, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances caractérisant la situation personnelle des intéressés, a, contrairement à ce que prétendent M. et Mme A..., préalablement procédé à un examen de leurs situations particulières. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté, sans que ne puissent être utilement invoquées à son appui les prétendues erreurs d'appréciation dont cet examen serait entaché.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour opposé à Mme A... n'aurait pas été précédé d'une délibération collégiale des médecins de l'OFII en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 8 et 9 de leur jugement.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
5. Pour rejeter la demande présentée par Mme A... en raison de son état de santé, le préfet du Rhône a suivi l'avis du collège des médecins de l'OFII du 30 septembre 2021, selon lequel si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, au vu de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé albanais. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est porteuse d'une extrasystolie ventriculaire à l'origine d'une cardiopathie rythmique, qui nécessite un traitement composé de Bisoprolol et de Valsartan, et souffre de dépression, pour laquelle lui sont prescrits du Seresta et du Sertraline. Ni la liste énumérant les traitements commercialisés en Albanie dont elle se prévaut, dépourvue de toute garantie de complétude et d'exhaustivité et au demeurant démentie par une version antérieure produite par le préfet du Rhône sur laquelle figurent les médicaments prescrits ou des équivalents, ni les certificats médicaux dont elle se prévaut, pour la plupart muets à cet égard, ne permettent d'établir l'indisponibilité en Albanie des traitements ainsi prescrits. Par ailleurs, les seuls certificats délivrés par le médecin généraliste qui la suit pour dépression ne permettent pas d'établir que cette pathologie aurait pour origine des évènements traumatiques vécus dans son pays d'origine, lesquels ne sont corroborés par aucun commencement de preuve, et qu'elle ferait dès lors obstacle à ce qu'elle puisse être utilement prise en charge dans ce pays. Ainsi, les pièces dont Mme A... se prévaut ne permettent pas de contredire l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions citées au point 4.
6. En quatrième lieu, Mme A... n'établit pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a pas été examiné d'office par le préfet du Rhône. Par suite, à supposer qu'elle ait entendu soulever un tel moyen, elle ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour contester le refus de titre de séjour qui lui a été opposé.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
8. M. et Mme A..., ressortissants albanais nés respectivement le 25 août 1979 et le 23 mars 1984, sont entrés le 26 octobre 2018 sur le territoire français où ils n'ont été autorisés à résider que provisoirement, le temps de l'examen de leurs demandes d'asile et de titres de séjour. A l'exception du frère de Mme A..., seulement mentionné dans son formulaire de demande de titre de séjour, ils ne se prévalent d'aucune attache privée ou familiale en France, sans prétendre en être dépourvus dans leur pays d'origine où ils ont vécu jusqu'à l'âge respectivement de trente-neuf et de trente-quatre ans. S'ils invoquent la scolarisation en France de leurs deux enfants, nés en 2009 et 2011, ils ne démontrent pas que leur scolarité ne pourrait se poursuivre normalement s'ils devaient quitter le territoire français, à défaut, notamment, de toute pièce relative aux menaces dont ils seraient l'objet dans ce pays comme indiqué au point 17. Par ailleurs, il résulte du point 5 qu'il n'est pas établi que l'état de santé de Mme A... nécessite qu'elle demeure en France. Enfin, les requérants ne justifient d'aucune intégration particulière. Dans ces circonstances, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les dispositions citées au point 7.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, M. et Mme A... ne démontrent pas qu'il existerait un obstacle à ce que leurs enfants poursuivent leur scolarité et à ce que leur cellule familiale puisse se reconstituer hors de France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. Enfin, et pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 5, 8 et 10, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à l'égard de M. et Mme A....
Sur les obligations de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, contrairement à ce que prétendent M. et Mme A..., il résulte des termes mêmes des mesures d'éloignement litigieuses que le préfet du Rhône, qui s'est notamment assuré qu'ils ne relevaient pas d'une catégorie d'étrangers ne pouvant faire l'objet de telles mesures et a préalablement apprécié l'incidence de ces mesures sur leur vie privée et familiale, a procédé à un examen de leurs situations personnelles, sans s'estimer tenu d'assortir les refus de titre de séjour précédemment prononcés d'obligations de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
13. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux figurant au point 8.
14. En troisième lieu, comme indiqué au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fait obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire français soit prononcée à son encontre doit être écarté.
15. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 10 et 11, M. et Mme A..., qui n'ont pas développé d'autres arguments, ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreurs manifestes dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.
Sur les délais de départ volontaire et les pays de destination :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir de l'illégalité des refus de titre de séjour litigieux et des obligations de quitter le territoire français dont ils sont assortis à l'encontre des décisions fixant les délais de départ volontaire et les pays de destination de ces mesures d'éloignement.
17. En second lieu, si M. et Mme A... soutiennent avoir été contraints de fuir leur pays d'origine, en raison des menaces de mort imputables à une autre famille albanaise, selon la tradition du " kanun ", les intéressés, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par les instances compétentes, n'apportent aucun commencement de preuve à l'appui de leur récit, au demeurant très succinct. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
19. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés aux litiges :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse A..., à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
N. Vanduynslaeger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03268