Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 5 et 8 mai 2023 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2303644, 2303646 du 31 août 2023 le tribunal a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de procéder à la suppression du signalement de M. A... et Mme C... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, ainsi que de procéder au réexamen de leur situation, en les munissant, dans l'attente d'une nouvelle décision, d'une autorisation provisoire de séjour, et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 octobre 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient qu'il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.
Par un mémoire enregistré le 29 novembre 2023, M. A... et Mme C..., représentés par Me Borges, concluent au rejet de la requête ; ils demandent à la cour d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'une part de leur délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, à défaut de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de saisir la commission du titre de séjour avant réexamen de leur situation ; d'autre part de procéder à la suppression de leur identité du fichier d'information Schengen ; enfin, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à leur conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils font valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. A... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme C..., ressortissants macédoniens nés, respectivement, le 3 mars 1973 et le 14 septembre 1977, ont déclaré être entrés en France le 21 septembre 2010. Sous une fausse identité, après avoir fait l'objet de rejets de leurs demandes d'asile et de mesures d'éloignement, ils ont finalement obtenu chacun un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable, en dernier lieu, jusqu'au 25 janvier 2017. A la suite d'une nouvelle demande de titre de séjour sous leur véritable identité, ils ont obtenu des récépissés, renouvelés jusqu'au 1er avril 2023. Le 28 octobre 2022, ils ont à nouveau demandé un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet leur a refusé par des arrêtés des 5 et 8 mai 2023, assortis d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec interdiction de retour d'une durée d'un an. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés et lui a ordonné de réexaminer leurs demandes et de supprimer dans le système d'information Schengen le signalement des requérants aux fins de non-admission.
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
3. Les dispositions citées au point précédent, non plus qu'aucune autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent à l'autorité administrative compétente et au juge, amenés à se prononcer sur l'obligation de saisir la commission du titre de séjour de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de l'étranger prétendant résider habituellement en France depuis plus de dix ans, de ne pas prendre en compte les années durant lesquelles celui-ci s'est prévalu de documents d'identité falsifiés. Toutefois, il incombe au juge administratif, pour apprécier la réalité du séjour de l'étranger en France, de se fonder sur l'ensemble des pièces produites par l'intéressé, en tenant compte de la nature particulière des documents produits sous couvert d'une usurpation d'identité ou de documents falsifiés.
4. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... et Mme C... ont utilisé une fausse identité pour résider en France, il n'y avait pas lieu, pour apprécier la condition relative à leur situation effective sur le territoire français, de tenir compte de la circonstance qu'ils auraient, sur tout ou partie de la période de dix ans, résidé sous une fausse identité. Le préfet, qui ne remet pas en cause la durée de présence effective des intéressés en France depuis 2010, était donc tenu, en application des dispositions citées au point 3 ci-dessus, et comme l'a jugé le tribunal, de saisir la commission du titre de séjour.
5. Dès lors, le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés en litige. Sa requête doit, en conséquence, être rejetée dans l'ensemble de ses conclusions.
6. Par le jugement contesté, dont les motifs sont le soutien nécessaire du dispositif, le tribunal a enjoint au préfet de l'Isère de faire procéder à la suppression du signalement de M. A... et de Mme C... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, ainsi que de procéder au réexamen de leur situation, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement, et qu'il les munisse, dans l'attente d'une nouvelle décision, d'une autorisation provisoire de séjour. Par suite, les conclusions présentées à cette fin par les requérants ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
La rapporteure,
I. BoffyLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03120
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