Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 7 septembre 2023 par lequel la préfète de l'Ardèche lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par jugement n° 2307516 du 13 septembre 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2023 sous le n° 23LY03112, M. B... a demandé à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 septembre 2023.
Par une ordonnance n° 23LY03112, le président de la 5ème chambre de la cour a rejeté cette requête.
Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2023 sous le n° 23LY03111, M. B..., représenté par Me Clément, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 2023 ainsi que les décisions du 7 septembre 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ardèche d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil ou le cas échéant à lui-même au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le premier juge a statué sur des conclusions inexistantes, tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2023 le plaçant en centre de rétention administrative, le juge administratif étant incompétent pour examiner une telle demande ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;
- elle méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du même code dans la mesure où il est le père d'un enfant français et contribue à son entretien ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision refusant tout délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Ardèche qui n'a pas produit d'observations.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée par décision du 15 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Moya, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant géorgien, est entré irrégulièrement en France, le 27 septembre 2020, à l'âge de 31 ans. Il a présenté une première demande d'asile, le 5 novembre 2020, qui a été clôturée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) au motif que son dossier était incomplet. L'intéressé a demandé la réouverture de sa demande d'asile, le 23 février 2021, qui a été également clôturée car le dossier n'a pas été déposé dans les délais. M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai, le 7 janvier 2022, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon, le 13 janvier 2022. Il a été assigné à résidence le 9 janvier 2022 puis à nouveau, à la suite de différentes interpellations, les 30 juillet et 1er septembre 2022, pour une durée de 45 jours, et le 13 novembre 2022, pour une durée de six mois. Il a refusé d'embarquer à destination de la Géorgie le 28 décembre 2022. Par des décisions du 7 septembre 2023, la préfète de l'Ardèche l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une seconde décision du 7 septembre 2023, la préfète l'a placé en rétention administrative. M. B... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce premier arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Alors que dans le dernier état de sa demande, M. B... contestait uniquement l'arrêté de la préfète de l'Ardèche du 7 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois, le moyen tiré de ce que le premier juge a statué ultra petita en examinant la légalité de la décision portant placement en rétention doit être écarté comme inopérant.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...). ".
4. Il ressort de la décision contestée que pour éloigner M. B..., la préfète de l'Ardèche s'est fondée sur les dispositions précitées. A ce titre, elle a fait état de dix fiches concernant l'intéressé figurant au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour des faits de vol à l'étalage, de tentative de vol aggravé, de dégradation ou détérioration du bien d'autrui, de refus d'obtempérer et conduite sans permis et de port d'arme commis entre mars 2021 et octobre 2022. Le requérant, qui ne conteste pas la matérialité de ces faits, se borne à soutenir qu'ils n'ont pas donné lieu à condamnation. Ces faits sont, contrairement à ce qu'il soutient, particulièrement précis. Compte tenu de leur caractère réitéré sur une courte période, ils sont suffisants pour justifier la mesure édictée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision en litige des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...). ".
6. Si M. B... fait état de la naissance le 8 mars 2023 de son enfant, de nationalité française, il est constant qu'il n'a pas reconnu cet enfant, dont il ne produit même pas l'acte de naissance, et la filiation qu'il revendique n'est ainsi pas établie. Au surplus, il ne verse au dossier aucun élément probant démontrant qu'il participe effectivement à l'entretien de celui-ci depuis sa naissance hormis un courrier non circonstancié de la mère de cet enfant. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourrait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en raison de sa qualité de père d'un enfant français. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu M. B..., qui séjournait en France depuis seulement trois ans à la date de l'obligation de quitter le territoire français contestée, conserve des attaches privées et familiales dans son pays d'origine. Il n'apporte aucun élément démontrant les attaches familiales dont il se prévaut en France. Dans ces conditions et compte tenu de ce qui est jugé au point 6, la préfète de l'Ardèche n'a ni porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a décidé de l'éloigner du territoire français, ni méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. B....
En ce qui concerne la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :
8. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, dirigé contre la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire, doit être écarté, en l'absence d'une telle illégalité.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Compte tenu de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
10. Si M. B... soutient qu'il craint pour sa vie et sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine où il aurait été battu et menacé à plusieurs reprises, le témoignage de sa mère qu'il produit n'est pas suffisant pour justifier de la réalité et de l'actualité de ces risques. Par suite et alors même qu'il a présenté une demande d'asile le 11 septembre 2023, postérieurement à la décision contestée, il n'est pas fondé à soutenir que cette décision, prise après un examen complet par la préfète de sa situation personnelle, a méconnu les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prohibent l'éloignement d'un ressortissant étranger vers un pays où sa vie est menacée, et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Le moyen dirigé contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire, doit être écarté en l'absence d'une telle illégalité.
12. Les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2024.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03111
ar