Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 25 août 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 24 septembre 2020 par laquelle le commandant du 7ème régiment du matériel (RMAT) de Lyon lui a confirmé le non-renouvellement de son dernier contrat d'engagement à servir dans la réserve opérationnelle de l'armée de terre et de condamner l'État à lui verser la somme totale de 11 990 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Par un jugement n° 2107485, 2205774 du 12 mai 2023, le tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 13 juillet 2023 et 4 juin 2024, M. B..., représenté par Me Leleu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 11 990 euros en réparation des préjudices subis en raison des différentes fautes commises par le ministre des armées dans la gestion de sa carrière ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'absence de propositions de missions adaptées à son état de santé au titre des années 2018 et 2019 est fautive ; le militaire, y compris le réserviste, a droit à l'adaptation de son poste lorsque ses fonctions ne sont plus compatibles avec son état de santé ; il a été privé d'emploi et a été volontairement écarté de la réserve ; en raison de son absence de mission au titre des années 2018 et 2019, il n'a perçu aucune solde ; il est fondé à demander l'équivalent de soixante jours de soldes, soit 2 796 euros, sur le fondement de son nombre prévisionnel de jours d'activité pour ces années ;
- la décision de résiliation du contrat d'engagement à servir du 23 septembre 2019 et la décision du 25 août 2021 de refus de réintégration sont illégales ; il n'a jamais été reconnu totalement et définitivement inapte aux activités de réserve qui, pour le 7ème RMAT notamment, ne se limitent pas à des activités de terrain, à l'exclusion d'activités administratives ou de gestion ; la seule expertise médicale a relevé qu'il était apte au service, sous réserve du respect de certaines restrictions, et non totalement inapte aux activités de la réserve ; à compter du 30 septembre 2020, l'avis de l'expert n'indiquait plus aucune restriction aux missions susceptibles de lui être confiées ; avant de voir sa demande de réintégration refusée, il n'a été soumis à aucun nouvel examen ; s'il n'a exercé aucune mission en 2018-2019, c'est parce qu'elles n'étaient pas conformes à son état de santé ; son inactivité ne peut lui être imputée ; le 7ème RMAT ne propose des missions de combat qu'en marge des missions de travail civil ; il a essentiellement été affecté à des postes correspondant à des qualifications professionnelles civiles ; il n'était pas inapte ; aucun effort de reclassement n'a été accompli ;
- il est bien fondé à demander le versement d'une somme équivalente à quatre-vingt-dix jours de solde de brigadier-chef, soit 4 194 euros, pour la période allant du 23 septembre 2019 au 25 juillet 2022 ; il a subi un préjudice moral lié aux conditions de son éviction de l'ordre de 5 000 euros.
Par des mémoires enregistrés les 13 et 20 mai 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'intéressé ne justifie pas en quoi les propositions de missions auxquelles il n'a pas répondu au titre des années 2018 et 2019 étaient toutes inadaptées à son état de santé ; rien ne permet de dire qu'il aurait été engagé sur le fondement de l'article L. 4221-3 du code de la défense afin d'exercer des fonctions de spécialiste correspondant à ses qualifications professionnelles civiles, qu'il ne précise d'ailleurs jamais, lesquelles seraient compatibles avec son état de santé ;
- l'illégalité alléguée de la décision du 23 septembre 2019 qui, à supposer qu'elle soit établie, a été entièrement couverte par la décision du ministre, n'a pu causer aucun préjudice à M. B... ; s'agissant de la décision du 25 août 2021, aucun préjudice n'est justifié ; il n'y a pas davantage de préjudice moral, l'intéressé ne s'étant enquis de sa situation contractuelle qu'à l'été 2020 et celui-ci n'étant pas justifié ; il doit être renvoyé aux mémoires de première instance ;
- aucun moyen n'est fondé.
Par une ordonnance du 14 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juin 2024.
Le ministre des armées a déposé un mémoire le 28 août 2024, postérieurement à la date de clôture d'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Picard, président ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est entré en service dans la réserve opérationnelle de l'armée de terre le 1er juillet 2007 et a souscrit six contrats d'engagement à servir au sein du 7ème régiment du matériel (RMAT) de Lyon, le dernier pour une durée de deux ans, valable du 17 décembre 2017 au 16 décembre 2019. Le certificat médical du 25 mars 2019, dressé à la suite de la visite médicale périodique à la laquelle il a été soumis le 26 septembre 2018, l'a déclaré " apte à servir " avec " restrictions " compte tenu d'une inaptitude, " du 26 septembre 2018 au 30 septembre 2020 ", à " l'instruction sur le tir de combat (ISTC) ", au port de charges lourdes (plus de quinze kilogrammes) ", à la " projection en OPINT (opérations intérieures) " ainsi qu' " à toutes les épreuves du CCPM (contrôle de la condition physique du militaire) ". Par une décision du 23 septembre 2019, le commandant du 7ème RMAT de Lyon a rejeté la demande de M. B... tendant au renouvellement de son dernier contrat d'engagement. Et le 25 août 2021, l'administration a rejeté le recours administratif préalable obligatoire dont M. B... avait saisi la commission des recours des militaires contre le dernier refus en date du 24 septembre 2020 de renouveler son engagement. Il demande l'annulation du jugement attaqué en tant que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande de condamnation de l'État au versement d'une somme de 11 990 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis en raison des fautes commises à ne pas lui avoir proposé de missions adaptées à son état de santé au titre des années 2018 et 2019, et à avoir refusé, par une décision du 23 septembre 2019, confirmée le 25 août 2021, de renouveler son contrat.
2. Aux termes de l'article L. 4221-1 du code de la défense : " Le contrat d'engagement à servir dans la réserve opérationnelle est souscrit pour une durée de un à cinq ans renouvelable en vue : / 1° De recevoir une formation ou de suivre un entraînement ; / 2° D'apporter un renfort temporaire aux forces armées et formations rattachées, en particulier pour la protection du territoire national et dans le cadre des opérations conduites en dehors du territoire national ; / 3° De dispenser un enseignement de défense ; / 4° De participer aux actions civilo-militaires, destinées à faciliter l'interaction des forces opérationnelles avec leur environnement civil ; / 5° De servir auprès d'une entreprise dans les conditions prévues aux articles L. 4221-7 à L. 4221-9 ; / 6° De contribuer aux actions de la réserve sanitaire définie au I de l'article L. 3132-1 du code de la santé publique dans les conditions prévues au III de cet article. ". Aux termes de l'article L. 4221-3 du même code : " Les forces armées et formations rattachées peuvent avoir recours à des spécialistes volontaires pour exercer des fonctions déterminées correspondant à leur qualification professionnelle civile, sans formation militaire spécifique. (...) ".
3. En premier lieu, M. B..., qui avait été déclaré " apte à servir " avec " restrictions " pour une période limitée, mais sans reconnaissance d'une inaptitude définitive à servir, ne saurait se prévaloir d'une faute de l'administration à ne pas avoir cherché à le reclasser. Par ailleurs, l'intéressé, qui n'a donné suite, sans explications, à aucune des missions que l'administration lui avait proposées, n'apporte aucun élément permettant de penser que l'armée aurait disposé de missions compatibles avec son état de santé au cours de la période de validité de son dernier contrat d'engagement. Par suite, et par adoption pour le surplus des motifs énoncés au point 12 du jugement attaqué, aucune faute ne saurait être reprochée à l'administration pour ne pas avoir proposé à M. B... des missions adaptées à son état de santé au titre des années 2018 et 2019.
4. En second lieu, M. B... demande réparation des préjudices financier et moral qu'il aurait subis du fait de l'illégalité fautive des décisions des 23 septembre 2019 et 25 août 2021 portant refus de renouvellement de son contrat d'engagement.
5. Tout d'abord, son préjudice financier s'élèverait à la somme de 4 194 euros correspondant à une solde perçue en exécution d'un contrat de trois ans, à raison de trente jours d'activité par année civile, pour la période allant du 23 septembre 2019 au 25 juillet 2022. Il apparaît que le 12 septembre 2019 M. B... a demandé le renouvellement pour une année de son dernier contrat qui se terminait le 16 décembre 2019. Jusqu'à cette dernière date, l'intéressé ne peut se prévaloir d'aucun préjudice en lien direct avec le non renouvellement de son contrat. Pour la période postérieure au 16 décembre 2019, succédant à celle pour laquelle il avait demandé un nouveau contrat d'un an, qui n'était pas de droit, le préjudice financier n'est qu'éventuel. De toutes les façons, même en admettant que l'intéressé a été indûment privé de sa qualité de réserviste opérationnel, et alors qu'il ne s'est porté volontaire pour aucune des différentes missions qui lui avaient été proposées en 2018 et que, d'après des courriers des 14 juillet et 2 septembre 2020 adressés à l'administration, des motifs d'indisponibilité d'ordre familial l'empêchaient depuis décembre 2017 de s'absenter " plus de 3 jours de suite " pour effectuer des missions, rien ne permet sérieusement de dire que, dans le cadre d'un nouveau contrat, M. B... aurait certainement accompli les activités définies pour une durée de service à hauteur de trente jours par an, ou même partiellement, le préjudice financier qu'il estime avoir subi ne pouvant, même dans ce cas, être regardé comme certain.
6. Ensuite, et alors qu'il ne pouvait ignorer que son contrat venait à expiration le 16 décembre 2019, M. B..., qui n'avait accompli aucune mission en 2018 et 2019, ne s'est inquiété de son non renouvellement qu'à partir de juin 2020. Il n'apparaît pas, dans ces conditions, que le préjudice moral dont il demande réparation, qui procéderait de l'absence de renouvellement de son contrat comme des conditions dans lesquelles il s'est trouvé évincé de la réserve opérationnelle sans en avoir été informé et contraint de saisir l'administration afin d'obtenir une réponse, serait constitué.
7. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire. Sa requête en appel doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
Le président, rapporteur,
V-M. Picard
La présidente assesseure,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02334
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