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19/09/2024 | FRANCE | N°23LY01449

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 19 septembre 2024, 23LY01449


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme totale de 32 315,76 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021, date de sa demande indemnitaire, ou à tout le moins à la date de l'introduction de sa requête, et de prononcer la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices financiers, de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence causés par le retrait illé

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme totale de 32 315,76 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021, date de sa demande indemnitaire, ou à tout le moins à la date de l'introduction de sa requête, et de prononcer la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices financiers, de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence causés par le retrait illégal en 2018 de son emploi de direction, de son affectation illégale de 2018 et du refus illégal opposé à sa demande de protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 2107837 du 3 mars 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 avril 2023 et le 28 février 2024, Mme B..., représentée par Me Salen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 32 315,76 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021, date de sa demande indemnitaire, ou à tout le moins à la date de l'introduction de sa requête, et de prononcer la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'État, outre les entiers dépens, la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui ne vise pas la note en délibéré qu'elle a produite le 19 février 2023, est irrégulier ;

- le tribunal a méconnu l'autorité absolue de chose jugée s'attachant au jugement du 11 décembre 2019 qui a annulé la décision du 22 mai 2018 portant retrait d'emploi de direction à l'école L'Hôpital-le-Grand ;

- elle est fondée à demander réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 22 mai 2018 de retrait de son emploi de direction ; le fait que le tribunal ait annulé cette décision pour un motif de légalité externe ne fait pas obstacle à son indemnisation car cette illégalité a été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de retrait d'emploi prise à son encontre et que cette mesure n'était pas justifiée par l'intérêt du service ;

- elle était fondée à obtenir réparation du fait de l'illégalité des autres décisions, portant affectation à titre provisoire comme titulaire sur zone de remplacement jusqu'au 31 août 2018, puis du 1er septembre 2018 au 31 août 2019, et enfin du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 qui ont été annulées par les jugements des 11 décembre et 6 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon et qui n'étaient pas justifiées par l'intérêt du service ;

- la responsabilité de l'administration doit également être engagée à raison de l'illégalité des décisions des 14 février et 24 juillet 2020 rejetant sa demande de protection fonctionnelle ; elle aurait dû obtenir la protection fonctionnelle à raison du harcèlement dont elle faisait état ; aucune faute ne peut être retenue à son encontre ;

- elle a subi un préjudice financier du fait des décisions illégales de retrait d'emploi puis d'affectation qui s'élève à 18 315,76 euros ; elle a en effet subi des pertes de salaires à hauteur de 7 815,76 euros à raison de sa privation d'affectation au poste de directrice de l'école Chemin rouge de septembre 2019 à août 2020 et n'a perçu qu'un demi-traitement entre le 5 septembre 2019 et le 22 janvier 2020 à cause du congé maladie provoqué par les décisions illégales ; elle a de nouveau été placée en congé de maladie à compter du 4 février 2020 jusqu'au 12 mai 2020, à demi-traitement, en raison de sa reprise de ses fonctions de directrice à l'école de L'Hôpital-le-Grand, plus d'un an et demi après s'être vu retirer ce poste, en exécution du jugement du tribunal ; elle a également subi une perte de pension de retraite, évaluée à 5 000 euros ; elle a été contrainte, dans le cadre de son affection à compter du 8 janvier 2020 comme directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand, d'acheter une voiture et d'exposer des frais de transport, ce qui lui a causé un préjudice de 1 500 euros ; les décisions illégales de retrait d'emploi puis d'affectation diverses n'ont pas permis que se tienne son entretien de carrière au 9ème échelon, la privant ainsi d'une chance sérieuse d'obtenir un avancement de grade hors classe et de bénéficier d'une meilleure appréciation finale ce qui a engendré un préjudice qui peut être évalué à 4 000 euros ;

- elle a subi un préjudice financier évalué à 2 000 euros à raison de l'illégalité des refus de protection fonctionnelle ayant dû exposer des frais pour assurer seule la défense de ses intérêts s'agissant de l'accusation de harcèlement moral dont elle a fait l'objet et n'ayant pas été protégée de ces faits ;

- son préjudice moral doit être évalué à la somme de 10 000 euros ;

- elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence, à hauteur de 2 000 euros, à raison des variations importantes de traitement dont elle a fait l'objet et du fait qu'elle a été contrainte de travailler au collège Massenet-Fourneyron du Chambon-Feugerolles puis à L'Hôpital-le-Grand alors qu'elle n'avait pas de véhicule automobile.

Par des mémoires enregistrés les 22 janvier et 25 mars 2024, ce dernier non communiqué, le recteur de l'académie de Lyon conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 février 2024, l'instruction a été close le 29 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 ;

- le décret n° 89-122 du 24 février 1989 ;

- le décret n° 2018-303 du 25 avril 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Mme B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 septembre 2024, présentée par Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., professeure des écoles de classe normale, était directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand depuis le 1er septembre 2015. A la suite de conflits avec certains de ses collègues, elle a présenté une demande auprès de la rectrice de l'académie de Lyon, le 16 mars 2018, tendant à obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle, qui a été implicitement rejetée le 16 mai 2018. Par un arrêté du 22 mai 2018, le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale (DASEN) de la Loire a retiré à Mme B... son emploi de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand. Il l'a, par un arrêté du même jour, affectée à titre provisoire, du 28 mai au 31 août 2018, en zone de remplacement. Puis, par un arrêté du 9 juillet 2018, le DASEN l'a affectée à titre provisoire du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 à 50 % en tant que titulaire remplaçante sur zone de remplacement, à 25 % à l'école maternelle de Savigneux et à 25 % à l'école maternelle Jeanne d'Arc de Montbrison. A la suite du mouvement de mutation de l'année 2019, Mme B..., qui avait demandé être affectée à l'école élémentaire Chemin rouge à Montbrison, a été affectée à titre provisoire du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, par un arrêté du 28 août 2019 du DASEN de la Loire, à la section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) du collège Massenet-Fourneyron du Chambon-Feugerolles, tandis que Mme C... était affectée par arrêté du 6 juin 2019 sur le poste de directrice de l'école élémentaire Chemin rouge.

2. Par un jugement du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 mai 2018 portant retrait d'emploi de directrice, les arrêtés des 22 mai et 9 juillet 2018 portant affectation de Mme B..., et la décision implicite du 16 mai 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Lyon a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle. Par ce même jugement, le tribunal a enjoint à l'académie de Lyon de réexaminer la demande de protection fonctionnelle de Mme B... et sa réintégration dans l'emploi de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand, ou, avec son accord, dans un emploi équivalent. En exécution de ce jugement, le DASEN de la Loire a affecté Mme B... à l'école de L'Hôpital-le-Grand en qualité de directrice à compter du 28 mai 2018 par un arrêté du 8 janvier 2020.

3. Puis, par un jugement du 6 juillet 2020, le tribunal a annulé l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le DASEN de la Loire a affecté Mme C..., en qualité de directrice de l'école élémentaire Chemin rouge à Montbrison à compter du 1er septembre 2019 et l'arrêté du 28 août 2019 portant affectation à titre provisoire de Mme B... au collège du Chambon-Feugerolles. Il a enjoint au recteur de l'académie de Lyon d'affecter Mme B... en qualité de directrice de l'école Chemin rouge à Montbrison, sous réserve de l'absence de décision définitive pourvoyant ce poste, sauf à ce que Mme B... accepte d'être affectée dans un emploi équivalent. En exécution de ce jugement, l'intéressée a été affectée en qualité de directrice de l'école Chemin rouge à Montbrison à compter du 1er septembre 2020.

4. Après avoir présenté une réclamation préalable en ce sens, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme totale de 32 315,76 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des décisions illégales prises à son encontre, annulées par le tribunal, et des refus successifs d'attribution de la protection fonctionnelle. Elle relève appel du jugement du 3 mars 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

5. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme B... a produit une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal le 20 février 2023, postérieurement à l'audience publique du 17 février 2023. Faute de viser cette note, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. Il doit, par suite, être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la responsabilité :

8. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, toute illégalité est fautive et susceptible d'engager la responsabilité de la personne publique qui en est l'auteur, à condition toutefois qu'il puisse être fait état d'un préjudice en lien direct et certain avec cette faute. Dans le cas où l'autorité administrative pouvait, sans méconnaître l'autorité absolue de la chose jugée s'attachant au jugement d'annulation de cette décision, légalement prendre cette décision, l'illégalité commise ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices résultant de cette décision.

9. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative intervenue au terme d'une procédure irrégulière, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice de procédure qui entachait la décision administrative illégale.

En ce qui concerne le retrait d'emploi et les affectations successives :

10. D'une part, les arrêtés du 22 mai 2018 portant retrait de l'emploi de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand à compter du 28 mai 2018 et affectation d'office à titre provisoire à compter du 28 mai 2018 ont été annulés par le tribunal au motif qu'ils étaient intervenus au terme d'une procédure irrégulière en raison de l'insuffisance d'information préalable des membres de la commission administrative paritaire départementale (CAPD), réunie le 18 mai 2018 et en l'absence d'avis rendu par ladite commission. Le fait que dans son jugement du 11 décembre 2019, le tribunal a indiqué que les irrégularités commises ont, en l'espèce, privé l'intéressée d'une garantie et été susceptibles d'exercer une influence sur le sens des décisions prises, ne fait pas en soi obstacle à ce qu'il soit constaté, au stade de la demande indemnitaire, que la même décision aurait pu légalement intervenir au terme d'une procédure régulière. Il résulte de l'instruction, et ainsi que l'a fait valoir le recteur en défense, que ces décisions étaient justifiées par l'intérêt du service compte tenu de l'existence d'une situation gravement conflictuelle au sein de l'équipe pédagogique ayant entraîné des difficultés dans le fonctionnement de l'école de L'Hôpital-le-Grand, dix-sept signalements ayant été déposés par la requérante et des enseignants de l'école sur le registre santé sécurité au travail (RSST) consécutivement à des épisodes de tension croissante au sein de l'école, l'un des enseignants ayant même déposé plainte pour harcèlement sexuel et moral à l'encontre de la directrice. Si cette école connaissait des dysfonctionnements préexistants à l'arrivée de Mme B..., si certains parents d'élèves et personnels de l'école ont témoigné en faveur de cette dernière et si la plainte de l'enseignant a été classée sans suite le 14 janvier 2020, les éléments dont le rectorat disposait suffisaient à justifier qu'il prenne la décision litigieuse. Si en exécution du jugement du 11 décembre 2019, l'administration a, par arrêté du 8 janvier 2020, réintégré Mme B... dans ses fonctions de directrice d'école à compter du 28 mai 2018, une telle circonstance n'est pas de nature à démontrer que l'administration n'aurait pas pu légalement prendre la mesure de retrait. Par suite, les préjudices allégués par Mme B... ne peuvent être regardés comme la conséquence directe du vice de procédure qui entachait les arrêtés du 22 mai 2018 portant retrait de l'emploi de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand à compter du 28 mai 2018 et affectation d'office à titre provisoire à compter du 28 mai 2018.

11. D'autre part et tout d'abord, l'arrêté du 9 juillet 2018 portant affectation à titre provisoire de Mme B... à compter du 1er septembre 2018 a été annulé par le jugement du 11 décembre 2019 par le tribunal au motif que le " vœu bloquant " émis pour faire obstacle à ses vœux de mutation sur des emplois de direction avait été émis lors du premier mouvement par cohérence avec la décision du 27 mars 2018 de suspension de fonctions, et avait été maintenu lors du second mouvement par cohérence avec la décision du 22 mai 2018 de retrait de l'emploi de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand mais qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les incidents qui avaient, au début de l'année 2018, opposé la requérante à trois enseignants de l'école qu'elle dirigeait étaient susceptibles de justifier la décision de refuser d'examiner ses demandes d'affectation sur un poste de direction, pour l'année scolaire suivante, dans d'autres établissements que cette école.

12. Ensuite, l'arrêté du 28 août 2019 portant affectation à titre provisoire de Mme B... au collège du Chambon-Feugerolles a été annulé par le tribunal administratif de Lyon par jugement du 6 juillet 2020 au motif que cet arrêté était intervenu en raison de la neutralisation de ses vœux, elle-même entachée d'illégalité dès lors que le recteur n'établissait pas que ces incidents étaient de nature à faire obstacle à l'affectation de l'intéressée sur un poste de direction pour l'année scolaire 2019/2020, notamment dans d'autres établissements que l'école de L'Hôpital-le-Grand et en particulier qu'il n'était pas établi que l'intérêt du service s'opposerait à sa nomination comme directrice d'une autre école du même secteur que l'école de L'Hôpital-le-Grand.

13. Eu égard aux motifs d'annulation ainsi retenus par ces deux jugements aujourd'hui définitifs, l'administration ne peut, sans méconnaître l'autorité absolue de la chose jugée s'attachant à ces jugements, faire valoir que les arrêtés des 9 juillet 2018 et 28 août 2019 étaient justifiés par l'intérêt du service. Par suite, Mme B... est fondée à demander réparation des préjudices résultant directement de ces arrêtés.

En ce qui concerne les demandes de protection fonctionnelle :

14. La décision implicite du 16 mai 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Lyon a refusé d'accorder à Mme B... la protection fonctionnelle en vue d'engager des poursuites judiciaires pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de personnes l'accusant de harcèlement moral et d'une personne portant atteinte à sa vie privée et de faire cesser ces manquements, a été annulée par le jugement du 11 décembre 2019 au motif que cette décision implicite n'était pas motivée. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette demande aurait pu valablement être refusée en raison de la faute personnelle commise par la requérante qui avait instauré une ambiance de travail délétère, tendue et anxiogène avec certains de ses collègues au sein de l'école de L'Hôpital-le-Grand et avait eu un comportement inapproprié avec certains des personnels. Ainsi, l'autorité administrative aurait pris la même décision en dépit de l'irrégularité relevée. Par suite, le préjudice allégué, tenant aux frais de justice que Mme B... a dû engager seule pour assurer sa défense devant les tribunaux, ne peut être regardé comme la conséquence directe du défaut de motivation entachant la décision implicite du 16 mai 2018 de refus de la protection fonctionnelle.

15. Pour le même motif, le refus explicite, le 14 février 2020, de lui accorder la protection fonctionnelle n'était pas illégal alors au demeurant que les poursuites judiciaires pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de personnes l'accusant de harcèlement moral avaient été classées sans suite et que les mentions portées sur le registre de sécurité et santé au travail la concernant avaient été retirées.

16. Enfin, par décision du 24 juillet 2020 le recteur de l'académie de Lyon a rejeté sa demande de protection de fonctionnelle afin de déposer une plainte pour harcèlement moral aux motifs qu'elle n'a pas été victime d'injures, de harcèlement, de menaces, de violences, de diffamations ou d'outrages au sens de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 reprises aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique, qu'aucune intention de lui nuire n'est établie, que les décisions prises dans l'intérêt du service l'ont été de bonne foi et qu'il n'y a pas eu d'exercice anormal et excessif du pouvoir hiérarchique. Il ne résulte pas de l'instruction que cette décision serait illégale, dès lors que les éléments dont la requérante se prévaut, à savoir un acharnement, des pressions et de la discrimination de la part de ses supérieurs visant à l'évincer de son poste de directrice d'école, ne paraissent pas, en l'état, bien que différentes décisions administratives aient été annulées et que les données la concernant et figurant dans le registre de sécurité et de santé au travail n'aient été supprimées que le 9 septembre 2019, après intervention de la CNIL, outrepasser l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et relever d'un processus de harcèlement moral à l'encontre de la requérante.

17. Mme B... n'est par suite pas fondée à demander réparation du préjudice subi à raison des refus de lui accorder la protection fonctionnelle.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices financiers :

S'agissant des préjudices financiers résultant des décisions de retrait d'emploi de directrice et d'affectations temporaires :

18. En premier lieu, en cas d'éviction irrégulière d'un fonctionnaire, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.

19. Mme B... réclame 7 815,76 euros sur la période courant de janvier 2018 à avril 2021, correspondant à l'écart entre la rémunération qu'elle a effectivement perçue et celle à laquelle elle aurait eu droit si elle avait été maintenue dans son poste de directrice d'école et n'avait pas été placée à demi traitement à la suite de son congé de maladie du 5 septembre 2019 et jusqu'au 22 janvier 2020 ainsi que 5 000 euros au titre de la perte des droits à pension de retraite correspondants.

20. S'agissant de la perte de rémunération, Mme B... ne peut prétendre à aucune indemnisation jusqu'au 31 août 2018 dès lors que le retrait de son emploi de directrice en mai 2018 puis son affectation provisoire jusqu'à la rentrée suivante étaient, ainsi que cela a été indiqué au point 10, justifiés. En revanche, entre le 1er septembre 2018 et le 8 janvier 2020, date à laquelle elle a été effectivement réintégrée dans des fonctions de directrice, les arrêtés illégaux des 9 juillet 2018 et 28 août 2019 portant sur son affectation à titre provisoire pour les années scolaires 2018/2019 et 2019/2020 sur les postes de professeur des écoles, sans emploi de direction, l'ont privée du supplément de rémunération qu'elle aurait dû obtenir à ce titre. Si Mme B... a été arrêtée du 5 septembre 2019 au 20 janvier 2020, en l'absence de toute pièce à caractère médical permettant de déterminer la cause de cet arrêt, rien ne permet d'établir que celui-ci serait en lien avec les décisions illégales l'affectant provisoirement pour les années 2018/2019 puis 2019/2020. Dans ces conditions, si Mme B... a demandé une somme de 7 815,76 euros au titre de sa perte de rémunération, l'administration justifie l'absence de prise en compte, dans ses calculs, d'une somme de 6 500 euros qui lui a été versée en mai 2020, correspondant à son placement à titre provisoire pour la période du 5 septembre 2019 au 22 janvier 2020 en congé d'invalidité temporaire imputable au service à plein traitement, et indique, sans être contestée, qu'un précompte de 926,97 euros devait également être déduit de la somme réclamée. Par suite, Mme B... est seulement fondée à demander, à ce titre, la réparation de son préjudice à hauteur de 388,79 euros (7 815,76-6 500-926,97).

21. S'agissant des pertes de droits à pension, l'administration indique que la réintégration rétroactive de Mme B..., par l'arrêté du 8 janvier 2020, dans son emploi de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand a emporté reconstitution de ses droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite qu'elle aurait acquis en l'absence de retrait d'emploi. Par suite, l'intéressée, qui ne justifie par aucun élément circonstancié de ce que cette reconstitution des droits sociaux n'aurait en réalité pas eu lieu, n'est pas fondée à demander réparation du préjudice résultant de la perte des droits à pension de retraite en résultant.

22. En deuxième lieu, Mme B... demande également à être indemnisée du préjudice subi à raison de son passage à mi-traitement à compter du 4 février 2020, date à partir de laquelle elle a de nouveau été placée en congé de maladie en raison, selon elle, de l'état de stress et d'anxiété aigus dans lequel l'a placée la reprise de son poste de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand sur injonction du tribunal. Si elle fait valoir que ce préjudice a été causé par l'illégalité des arrêtés du 22 mai 2018 portant retrait de l'emploi de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand à compter du 28 mai 2018 et affectation d'office à titre provisoire à compter du 28 mai 2018 puisque sa réintégration a été prononcée en exécution du jugement, Mme B... n'est pas fondée à en demander réparation pour les motifs exposés au point 10.

23. En troisième lieu, Mme B... indique avoir subi un préjudice financier résultant des décisions illégales dont elle a fait l'objet, lesquelles ont rendu indispensable l'acquisition d'un véhicule afin de pouvoir se rendre à l'école de L'Hôpital-le-Grand dont elle a dû supporter les frais d'entretien, d'usure et de perte de valeur. En l'absence de production de tout justificatif, si ce n'est la facture d'achat d'un véhicule, Mme B... n'apporte pas la preuve de la réalité de son préjudice.

24. En quatrième lieu, Mme B... se prévaut du préjudice financier résultant de l'absence d'organisation du rendez-vous de carrière au 9ème échelon, initialement prévu le 23 avril 2018, lequel permet de passer à la hors-classe, qui aurait induit un retard dans sa progression de carrière, qu'elle évalue à 4 000 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que le report sine die de ce rendez-vous résulte de la décision de suspension dont Mme B... a fait l'objet entre les 3 avril et 28 mai 2018 et non des décisions jugées illégales par les jugements mentionnés ci-dessus. Par ailleurs, et au surplus, il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'espèce, cette absence de rendez-vous aurait privé Mme B... d'une chance sérieuse de passer hors-classe, compte tenu des difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions.

25. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été indiqué aux points 14 et suivants, Mme B... n'est pas fondée à demander réparation du préjudice financier résultant de l'illégalité du refus d'octroi de la protection fonctionnelle.

En ce qui concerne le préjudice moral :

26. Pour les motifs exposés au point 10 ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à demander réparation du préjudice moral, tenant à l'atteinte à son honneur, à sa réputation et aux conditions dans lesquelles elle a repris ses fonctions en janvier 2020 à l'école de L'Hôpital-le-Grand, résultant de l'illégalité des arrêtés du 22 mai 2018 portant retrait de l'emploi de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand à compter du 28 mai 2018 et affectation d'office à titre provisoire à compter du 28 mai 2018.

27. En revanche, elle est fondée à demander réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait de l'illégalité des arrêtés des 9 juillet 2018 et 29 août 2019 portant affectation à titre provisoire au titre des années 2018/2019 et 2019/2020 sur les postes de professeur des écoles, alors qu'elle aurait dû être nommée sur des postes de directeur d'école. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 2 000 euros.

En ce qui concerne le trouble dans les conditions d'existence :

28. En premier lieu, Mme B... se plaint des importantes variations de traitement dont elle a fait l'objet pendant cette période et qui l'ont plongée, ainsi que sa famille, dans une incertitude importante. Toutefois, il apparaît, que ces variations de rémunération résultent de la prise en compte de périodes de congé de maladie, notamment des périodes à demi-traitement, et en particulier de l'arrêt de travail du 5 septembre 2019 au 22 janvier 2020 qui a entraîné des régularisations et des rappels de traitement. Toutefois, et ainsi qu'il a déjà été dit au point 20, en l'absence de toute pièce à caractère médical permettant de déterminer la cause de cet arrêt, rien ne permet d'établir que celui-ci serait en lien direct avec les décisions d'affectation pour les années scolaires 2018/2019 et 2019/2020 sur les postes de professeur des écoles. Les variations de rémunération en ayant résulté ne présentent, en conséquence, pas plus de lien avec ces décisions illégales.

29. En second lieu, Mme B... se prévaut des troubles dans ses conditions d'existence résultant des trajets importants qu'elle a été contrainte d'entreprendre lorsqu'elle a été affectée au collège du Chambon-Feugerolles à titre provisoire, du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, puis lorsque, en exécution du jugement du tribunal, elle a été réintégrée, à compter du 8 janvier 2020 sur le poste de directrice de l'école de L'Hôpital-le-Grand. Mme B..., qui a été placée en congé de maladie dès le jeudi 5 septembre 2019 et jusqu'au 22 janvier 2020, et dont l'administration indique qu'elle n'a pas rejoint son poste le 1er septembre 2019, ne justifie pas de la réalité du préjudice subi à raison des trajets au Chambon-Feugerolles. S'agissant ensuite de sa réaffectation à l'école de L'Hôpital-le-Grand, à compter de janvier 2020, il est constant que cette affectation était plus lointaine de son domicile que l'affectation au sein de l'école Chemin rouge de Montbrison dont elle a été privée à raison de l'illégalité de l'arrêté du 28 août 2019. Toutefois, Mme B... n'a repris effectivement son poste que le 23 janvier 2020, puis a de nouveau été placée en congé maladie du 4 février 2020 au 10 avril 2020, puis s'est vue refuser, à titre conservatoire, la reprise de ses fonctions. Dans ces conditions, elle ne saurait être indemnisée d'un tel préjudice qui n'est pas suffisamment caractérisé.

30. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander la condamnation de l'État à lui verser une somme de 2 388,79 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

31. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 2 388,79 euros à compter du 15 juillet 2021, date de réception de sa réclamation par l'académie de Lyon.

32. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 6 octobre 2021. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 15 juillet 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

33. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2107837 du 3 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'État est condamné à verser à Mme B... la somme de 2 388,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2021. Les intérêts échus à la date du 15 juillet 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'État versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lyon.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V.M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01449

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01449
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SALEN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23ly01449 ?
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