Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SASU GetS Cars a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016.
Par un jugement n° 2108474 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la SASU GetS Cars de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'exercice clos en 2016 résultant de la réintégration des ventes des véhicules Renault immatriculés AR-623-CH, BD-887-AN, AT-570-YJ et DF-696-KR et du véhicule Peugeot immatriculé BQ-329-YQ ainsi que des pénalités correspondantes, a rejeté le surplus de sa demande et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais liés à l'instance.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 2023 et le 6 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la SASU GetS Cars ces impositions et pénalités ;
3°) d'ordonner le reversement de la somme allouée en première instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le rehaussement notifié au titre de l'exercice clos en 2016, qui est fondé sur l'examen des factures présentées par la société et les informations tirées de son livre de police, ne procède pas de l'exploitation de renseignements recueillis auprès de tiers ;
- l'annulation en appel de la décharge prononcée par le tribunal administratif implique le reversement de la somme mise à la charge de l'Etat au titre des frais de l'instance ;
- la proposition de rectification est suffisamment motivée en ce qui concerne le rappel d'impôt sur les sociétés ;
- la charge de la preuve de l'exagération de l'imposition pèse sur la société.
Par un mémoire, enregistré le 11 août 2023, la SASU GetS Cars, représentée par Me Tournoud, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre des frais de l'instance.
Elle soutient que :
- le moyen invoqué n'est pas fondé ;
- les conclusions relatives à l'article 2 du jugement relatif aux frais de l'instance sont irrecevables faute de motivation ;
- la proposition de rectification du 18 décembre 2019 est insuffisamment motivée ;
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur le moyen, invoqué en première instance, tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification.
Par ordonnance du 24 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SASU GetS Cars, qui exerce une activité de carrosserie et de négoce de véhicules automobile, a fait l'objet, en 2019, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 à l'issue de laquelle le vérificateur a notamment procédé à une reconstitution de ses recettes et de son résultat de l'exercice clos en 2016 après avoir écarté la comptabilité. En conséquence de ce contrôle, la SASU GetS Cars a, d'une part, été taxée d'office à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article L. 66-3 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, assujettie, selon la procédure contradictoire, à un complément d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2016. Par un jugement du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la SASU GetS Cars de la cotisation d'impôt sur les sociétés établie au titre de cet exercice résultant de la réintégration dans son résultat des ventes des véhicules Renault immatriculés AR-623-CH, BD-887-AN, AT-570-YJ et DF-696-KR et du véhicule Peugeot immatriculé BQ-329-YQ ainsi que des pénalités correspondantes et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à la société au titre des frais de l'instance. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui relève appel de ce jugement, conclut au rétablissement de cette imposition et des intérêts de retard, à concurrence de, respectivement, 3 578 euros et 272 euros et au reversement de la somme mise à la charge de l'Etat au titre des frais liés à l'instance.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal administratif de Grenoble s'est prononcé, aux points 2 et 3 du jugement attaqué, sur le moyen de première instance tiré de l'irrégularité de la proposition de rectification du 18 décembre 2019. L'appréciation qu'il a portée sur le caractère suffisant de la motivation de cet acte est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, ce jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer.
Sur les conclusions du ministre relatives à l'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
4. Il résulte de l'instruction et, en particulier, de la proposition de rectification du 18 décembre 2019, que, pour réintégrer dans le résultat imposable de la SASU GetS Cars de l'exercice clos en 2016 les produits correspondant à la cession des véhicules Renault immatriculés AR-623-CH, BD-887-AN, AT-570-YJ et DF-696-KR ainsi du véhicule Peugeot immatriculé BQ-329-YQ, acquis auprès de la société GPA26, le vérificateur s'est uniquement fondé sur les factures détenues par la société que celle-ci lui a communiquées lors des interventions sur place et sur les renseignements figurant dans le livre de police, document sur lequel peut porter la vérification qu'il a consulté au cours du contrôle. C'est, dès lors, à tort que le tribunal administratif de Grenoble a retenu que l'administration avait méconnu l'obligation d'information du contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers prescrite par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales pour décharger l'imposition correspondant à ces rehaussements.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SASU GetS Cars devant le tribunal administratif et devant la cour.
6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
7. La proposition de rectification du 18 décembre 2019 adressée à la SASU GetS Cars mentionne, s'agissant du rehaussement d'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2016, l'impôt concerné, la période d'imposition et le montant de la base imposable ainsi que la base légale des rectifications du résultat. Elle fait état des anomalies entachant la comptabilité et expose les motifs sur lesquels le vérificateur s'est fondé pour la rejeter. Elle explique enfin, de manière précise et circonstanciée, qu'en l'absence de comptabilité sincère et probante celui-ci s'est fondé sur le livre de police ainsi que les factures d'achats et de ventes produites par la société au cours des opérations de contrôle pour réintégrer les produits omis dans le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés. Si la SASU GetS Cars fait valoir que le vérificateur s'est limité à une analyse fondée sur les encaissements méconnaissant ainsi, selon elle, les règles de rattachement des produits prévues à l'article 38-2 du code général des impôts, cette critique a trait au bien-fondé de l'imposition en litige et est, en elle-même, sans incidence sur le caractère suffisant ou non de la motivation de la proposition de rectification. Par suite, les indications que comportent cette proposition de rectification étaient suffisantes pour permettre à la SASU GetS Cars de discuter utilement le bien-fondé des rectifications envisagées. Le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut, par suite, qu'être écarté.
8. En l'absence d'erreur dans la procédure d'imposition, le moyen tiré de l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales selon lequel " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi (...). " est inopérant.
Sur les conclusions du ministre relatives au frais de première instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ".
10. Le ministre, qui tient du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet d'obtenir le reversement de sommes dont un particulier est redevable envers l'Etat, n'est pas recevable à demander au juge administratif d'ordonner la restitution des sommes mises à la charge de l'Etat en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en appel, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 2016 est remise à la charge de la SASU GetS Cars, à concurrence de 3 578 euros en droits, ainsi que les intérêts de retard.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le jugement n° 2108474 du tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2022 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de la SASU GetS Cars tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SASU GetS Cars.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2024.
Le président-rapporteur,
D. Pruvost
Le président-assesseur,
X. Haïli
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01128