Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés des 17 et 28 juin 2021 par lesquels le directeur académique des services de l'éducation nationale de la Loire l'a suspendue de ses fonctions de directrice de l'école élémentaire Chemin rouge à Montbrison du 17 juin 2021 au 1er juillet 2021 inclus puis lui a retiré son emploi de directrice de cette école à compter du 29 juin 2021.
Elle a également demandé à ce tribunal d'annuler les arrêtés des 2 et 8 juillet 2021 et celui du 1er septembre 2021 par lesquels ce même directeur lui a retiré son emploi de directrice de cette école, puis l'a affectée en qualité de titulaire remplaçante du 7 juillet au 31 août 2021, sur zone de remplacement avec rattachement à la circonscription de Feurs et l'a enfin affectée, à titre provisoire, en qualité de titulaire remplaçante, sur zone de remplacement avec rattachement administratif à l'école de Le Bourg Primaire à Epercieux-Saint Paul, du 1er septembre 2021 au 31 août 2022.
Par un jugement n° 2105374, 2107424 du 27 janvier 2023, le tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 mars 2023 ainsi que les 28 février et 27 mars 2024, ce dernier non communiqué, Mme B..., représentée par Me Salen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces différents arrêtés ;
2°) d'enjoindre à l'académie de Lyon de la réintégrer dans son poste de directrice de l'école Chemin rouge, avec la reconstitution de sa carrière, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de supprimer, sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les passages injurieux situés en page 7 du mémoire du recteur de l'académie de Lyon reçu au greffe le 28 février 2024, entre les expressions " non pas dans l'optique " et " pour améliorer la situation du pilotage dans l'école ", et en page 10 " cette interprétation est malhonnête " ainsi que " d'autant que les personnels sont terrorisés par les représailles éventuelles de la directrice " ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en opérant, pour la décision du 17 juin 2021, une substitution de base légale alors que, au regard de l'article R. 911-36 du code de l'éducation, d'une part, elle a été privée de la garantie tenant à la production d'un rapport hiérarchique ou médical et, d'autre part, que sa situation personnelle ne justifiait pas d'une mise en congé d'office, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;
- la décision du 17 juin 2021 de suspension de ses fonctions de directrice est entachée d'un défaut de motivation en fait ; elle ne pouvait se fonder sur l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires en l'absence d'éléments laissant présumer une faute grave ainsi que l'a retenu le tribunal ; l'académie de Lyon ne justifie pas de l'intérêt du service qui commandait qu'elle soit, à titre conservatoire, suspendue de ses fonctions ; cette mesure aurait dû être abrogée sans délai par l'administration, dès le 18 juin 2021, une fois constatée sa parfaite capacité à assurer ses fonctions ;
- les décisions des 28 juin et 2 juillet 2021 lui retirant son emploi de directrice sur le fondement de l'article 11 du décret du 24 février 1989, qui n'est applicable qu'aux directeurs d'école appartenant au corps des instituteurs, alors qu'elle appartient au corps des professeurs des écoles, sont entachés d'erreur de droit ; à supposer cet article applicable, elle n'a pas été convoquée à la commission administrative paritaire, n'a pas été informée de la date de sa tenue, n'a pu, avant la réunion de la commission le lundi 28 juin 2021, qu'accéder à son dossier sur place, dans un délai insuffisant avant la commission, sans pouvoir en obtenir de copie malgré sa demande en ce sens et n'a pas pu obtenir communication du rapport d'enquête administrative de mai 2021 ; la commission n'a pas disposé d'une information complète sur la situation de Mme B... ; le rapport d'enquête sur lequel s'est fondée l'administration, entaché de manque de transparence et de défaut d'impartialité et de contradictoire, est irrégulier ; l'intérêt du service ne justifiait pas ce retrait dans la mesure où l'école ne rencontrait pas de gros dysfonctionnements, que les enfants n'étaient pas en danger, que ni les parents, ni les élus ne se sont plaints et qu'aucun reproche similaire ne lui a été fait dans les précédents établissements où elle a exercé ; ces décisions, comme la décision de suspension, résultent d'agissements répétés de harcèlement moral de sa hiérarchie ;
- les arrêtés des 8 juillet et 1er septembre 2021 portant affectation comme titulaire remplaçante doivent être annulés par voie de conséquence de l'annulation des décisions de suspension de fonction et de retrait d'emploi ; ses affectations n'ont pas été précédées d'une demande de vœu ; au vu des trois critères prévalant pour l'affectation à titre provisoire des agents restés sans poste à l'issue de la phase informatisée tels que prévus par la circulaire départementale relative au mouvement intra-départemental des enseignants du premier degré du 6 avril 2021, elle aurait dû obtenir un poste dans la ville de Montbrison ; ces mesures constituent une sanction déguisée de déplacement d'office ; elle aurait dû bénéficier des garanties s'attachant à la procédure disciplinaire.
Par des mémoires enregistrés les 28 février et 27 mars 2024, ce dernier non communiqué, le recteur de l'académie de Lyon conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'administration aurait pris la même décision de suspension si elle s'était initialement fondée sur les dispositions de l'article R. 911-36 du code de l'éducation ; Mme B... n'a été privée d'aucune garantie de procédure ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 février 2024, l'instruction a été close au 29 mars 2024.
Par courrier du 14 juin 2024 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement en ce que le tribunal, après avoir noté que l'arrêté du 28 juin 2020 avait été remplacé par celui du 2 juillet 2020, a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 juin 2020 dont le retrait était devenu, en cours d'instance, définitif.
Les observations présentées par le recteur de l'académie de Lyon le 17 juin 2024 sur ce moyen relevé d'office ont été communiquées, ainsi que celles présentées le 2 juillet 2024 par Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-122 du 24 février 1989 ;
- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Mme B... ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 6 et 16 septembre 2024, présentées par Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., professeure des écoles, a été affectée à compter du 1er septembre 2020, en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2020, en qualité de directrice de l'école Chemin rouge à Montbrison. Par un arrêté du 17 juin 2021, le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) de la Loire a suspendu Mme B... de ses fonctions à titre conservatoire du 17 juin 2021 au 1er juillet 2021. Puis il a, par arrêté du 28 juin 2021, décidé de lui retirer l'emploi de directrice de l'école élémentaire Chemin rouge à compter du 29 juin 2021. Cet arrêté a été retiré le 2 juillet 2021 par un nouvel arrêté prononçant de nouveau ce retrait d'emploi. Enfin, par des arrêtés des 8 juillet et 1er septembre 2021, il a affecté Mme B... en qualité de titulaire remplaçante du 7 juillet au 31 août 2021 sur zone de remplacement avec rattachement à la circonscription de Feurs, puis pour l'année 2021/2022 sur zone de remplacement avec rattachement administratif à l'école " Le Bourg Primaire " à Epercieux-Saint Paul. Mme B... relève appel du jugement du 27 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés des 17 et 28 juin, 2 et 8 juillet ainsi que du 1er septembre 2021.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, Mme B... soutient que le jugement attaqué est irrégulier au motif que les premiers juges ont à tort procédé à une substitution de base légale qui l'a privée de garanties. Toutefois, le fait de procéder, après en avoir informé les parties, à une substitution de base légale alors que les conditions n'en sont pas remplies a trait au bien-fondé du jugement et demeure, par suite, sans incidence sur sa régularité.
3. En second lieu, lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.
4. Le tribunal, après avoir noté que l'arrêté du 28 juin 2021 avait été remplacé par celui du 2 juillet 2021, a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 juin 2021 dont le retrait était devenu, en cours d'instance, définitif. Il doit, dès lors, dans cette mesure, être annulé. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 juin 2021 prononçant la suspension de Mme B... à caractère conservatoire :
5. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la décision de suspendre Mme B... de ses fonctions ne résulte pas d'une faute grave qu'elle aurait commise mais a été prise dans un but de protection de celle-ci et des enfants sous sa responsabilité puisqu'elle avait informé le 16 juin 2021 le secrétariat du DASEN de ce qu'elle avait pris des anxiolytiques et se trouvait dans l'impossibilité de conduire un véhicule et faisait référence à une directrice d'école s'étant, plusieurs mois auparavant, suicidée. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que le DASEN ne pouvait se fonder sur l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 pour décider de la suspendre de ses fonctions.
7. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressée ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
8. L'administration demande en appel, comme l'avait fait d'office le tribunal, de substituer à l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 l'article R. 911-36 du code de l'éducation aux termes duquel, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie estime, sur le vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques d'un fonctionnaire, que celui-ci, par son état physique ou mental, fait courir aux enfants un danger immédiat, il peut le mettre pour un mois en congé d'office avec traitement intégral. Pendant ce délai, il réunit le comité médical en vue de provoquer son avis sur la nécessité d'un congé de plus longue durée. ".
9. Cependant l'administration n'aurait pas pu se fonder sur ces dispositions, qui ne sont pas de portée équivalente, ne reposent pas sur le même pouvoir d'appréciation et prévoient une suspension d'un mois d'un fonctionnaire, pour prendre la même mesure que celle qu'elle a prise à l'encontre de Mme B... et ayant consisté à la suspendre de ses fonctions du 17 juin au 1er juillet 2021. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale de l'administration. L'arrêté du 17 juin 2021 prononçant la suspension à caractère conservatoire de Mme B... doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulé.
Sur la décision du 2 juillet 2021 lui retirant son emploi de directrice :
10. Aux termes de l'article 11 du décret du 24 février 1989 relatif aux directeurs d'école dans sa version alors applicable : " Les instituteurs nommés dans l'emploi de directeur d'école peuvent se voir retirer cet emploi par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, dans l'intérêt du service, après avis de la commission administrative paritaire départementale unique compétente, à l'égard des instituteurs et des professeurs des écoles ".
11. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ".
12. La décision par laquelle le DASEN a retiré à Mme B... son emploi de directrice est une mesure prise en considération de la personne de l'intéressée laquelle, dès lors, devait bénéficier de la faculté d'exercer le droit garanti par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 précité. Le droit à la communication du dossier prévu par cet article comporte pour l'agent intéressé, à moins que sa demande ne présente un caractère abusif, celui d'en prendre copie. Il peut exercer ce droit même après avoir consulté son dossier.
13. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et en particulier pas du courrier du 7 juin 2021 du DASEN, que l'arrêté en litige aurait été pris avant que la requérante prenne connaissance de son dossier et que la commission administrative paritaire départementale soit consultée et rende son avis.
14. L'administration qui n'avait pas, de sa propre initiative à communiquer à Mme B... l'ensemble de son dossier, l'a invitée à en prendre connaissance, sur place, le 16 juin 2021, rendez-vous auquel elle n'a pas pu se rendre en raison de son état de santé. Après en avoir fait la demande et obtenu une réponse positive le 22 juin 2021, elle a pu consulter son dossier le jeudi 24 juin sur place, soit dans un délai suffisant avant que la décision ne soit prise le 2 juillet suivant. Les pièces concernant la mesure de retrait d'emploi se trouvaient dans le dossier qu'elle a pu consulter et en particulier le rapport d'enquête administrative de mai 2021, daté du 4 juin. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a fait des photos de ces documents. Rien ne permet de dire qu'elle n'aurait pas pris de photo, en particulier, du rapport d'enquête, même si elle en a par la suite demandé communication à la commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Si elle indique n'avoir pu copier l'entièreté de son dossier et a demandé dès le soir du 24 juin " la communication de toutes les pièces de mon dossier dont je n'ai pas eu communication depuis mai 2018 ", cette demande pouvait être regardée, en l'espèce, compte tenu du nombre de pièces en cause, et alors que la plupart ne concernaient pas directement la mesure litigieuse, comme présentant un caractère abusif.
15. Pour les motifs exposés par le tribunal et qu'il y a lieu d'adopter, les moyens tirés de ce que la décision serait irrégulière dans la mesure où elle n'a pas été convoquée à la commission administrative paritaire et n'a pas été informée de la date de sa tenue, ce qui aurait fait obstacle à ce qu'elle s'y défende et y soit représentée, et que la commission n'a pas disposé d'une information complète sur sa situation doivent être écartés.
16. Il en va de même du moyen que Mme B... reprend en appel tiré de ce que le rapport d'enquête administrative daté du 4 juin 2021 serait irrégulier et qu'il y a lieu d'écarter par les mêmes motifs que le tribunal.
17. Pour les motifs exposés par le tribunal qu'il y a lieu d'adopter, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 2 juillet 2021 lui retirant son emploi de directrice ne pouvait se fonder sur l'article 11 du décret du 24 février 1989 relatif aux directeurs d'école.
18. Pour retirer l'emploi de direction de Mme B... sur le fondement de l'intérêt du service, le DASEN de la Loire s'est fondé sur l'ensemble des dysfonctionnements constatés au sein de l'école élémentaire Chemin rouge après avoir relevé notamment le climat de crainte et de suspicion au sein de l'école, la difficulté de l'intéressée à entretenir des relations de travail appropriées et fluides, et le risque réel pour l'équipe, les élèves et les partenaires de l'école que son maintien présentait.
19. Le rapport de la commission d'enquête de mai 2021, daté du 4 juin 2021, sur l'école Chemin rouge, dont les conclusions ne sauraient être remises en cause au motif que la commission aurait dépassé sa mission, fait état d'un dysfonctionnement organisationnel de l'établissement, de tensions et oppositions entre la directrice et les membres de l'équipe de nature à altérer la confiance entre l'institution scolaire et la communauté éducative, de dissensions internes au sein de l'équipe, de relations interpersonnelles ayant entraîné une véritable souffrance psychologique dans l'équipe enseignante, de répercussions directes des dysfonctionnements sur les enfants, et d'un rejet de l'autorité de la directrice susceptible d'entraîner de nouveaux incidents.
20. Le rapport met notamment en évidence les tensions existantes entre les enseignants, la circonscription, la commune de Montbrison et les personnels accompagnants d'élèves en situation de handicap avec Mme B... en raison notamment de décisions incomprises prises par cette dernière. Il fait apparaître la mise en place d'un mode de fonctionnement source de complications avec des consignes manquant de clarté, une remise en cause permanente des acteurs, une communication ambigüe, complexe, procédurière et dévalorisante. Un climat de crainte et de suspicion s'est installé au sein de l'école du fait du management directif, autoritaire, dénué de concertation et menaçant de poursuites judiciaires au lieu d'un dialogue constructif. Les personnels de l'école sont, pour beaucoup, en souffrance psychologique en raison du comportement de l'intéressée, qui nuit au bon fonctionnement de l'école. Mme B... a ainsi, en sept mois, rédigé cent-treize saisines au registre santé sécurité au travail pour dénoncer des pratiques de ses collègues, en les accusant de diverses fautes et en se considérant victime de toutes les situations. Le rapport met en exergue l'absence de travail collectif au sein de l'école en raison du comportement et de l'attitude d'opposition de Mme B.... Les critiques faites par Mme B... sur certains points précis du rapport, à les supposer avérées, ne permettent pas pour autant de remettre en cause les constats généraux qui y sont faits et dont les pièces du dossier permettent de confirmer la réalité. Les tensions caractérisant la situation de l'école Chemin rouge ont été confirmées par un représentant du personnel lors de la CAPD du 28 juin 2021 où a été rappelé le fait que toute l'équipe de l'école était en souffrance. Dans ces conditions, et alors que Mme B... s'est opposée aux démarches de médiation mises en œuvre afin de résoudre les dysfonctionnements constatés au sein de l'école en refusant de participer aux entretiens organisés, le DASEN de la Loire a pu légalement retirer à Mme B... son emploi de directrice dans l'intérêt du service et ce quand bien même ce comportement ne serait pas à l'origine d'un risque généralisé pour les élèves et que des parents d'élèves et certains de ces interlocuteurs ont témoigné en sa faveur.
21. Enfin, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ".
22. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.
23. Mme B... fait valoir que cette décision, comme la décision de suspension, résultent d'agissements répétés de harcèlement moral de sa hiérarchie. Elle se prévaut à ce titre de ce qu'elle a fait l'objet, depuis 2018, de décisions successives relatives à sa carrière qui ont toutes été annulées par le tribunal administratif de Lyon comme étant illégales et que dès son arrivée elle a été mise à l'écart à la fois par ses nouveaux collègues et par sa hiérarchie. Elle a fini par déposer plainte pour harcèlement moral devant le procureur de la République de Saint-Etienne le 25 septembre 2020. Aucun des signalements qu'elle a effectués via le RSST n'a été pris au sérieux. Elle doit en permanence justifier être capable d'assumer ses fonctions. L'administration a à plusieurs reprises tenté de la faire déclarer inapte. Alors que le conseil médical avait émis un avis favorable lors de sa séance du 1er juillet 2022 à la reconnaissance de l'imputabilité au service " de l'accident du 3 février 2020 avec arrêt de travail jusqu'au 10 avril 2020 " pour des " troubles anxieux suite à une pression de sa hiérarchie ", par arrêté du 12 avril 2023, le DASEN de la Loire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. De son côté, l'administration expose les motifs qui l'ont conduit à prendre les décisions litigieuses, qui sont pour la plupart justifiées au fond et démontre, comme il a été précédemment indiqué, que la mesure de retrait d'emploi est justifiée par l'intérêt du service du fait du comportement de Mme B.... Par ailleurs, l'administration a bien pris en compte les alertes de l'intéressée, notamment en organisant une réunion, en diligentant une enquête et en mettant en œuvre un dispositif d'appui psycho-professionnel. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la décision litigieuse méconnaîtrait l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Sur les arrêtés des 8 juillet et 1er septembre 2021 portant affectation comme titulaire remplaçante :
24. Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés des 8 juillet et 1er septembre 2021 portant affectation comme titulaire remplaçante par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 17 juin 2021 la suspendant à titre conservatoire qui n'en constitue pas la base légale et alors que ces arrêtés n'ont pas été pris pour l'application de cette décision. Elle n'est pas plus fondée, compte tenu de la légalité de la décision du 2 juillet 2021, à demander l'annulation de ces arrêtés par voie de conséquence de l'annulation de celle-ci.
25. Pour les motifs retenus par le tribunal qu'il y a lieu d'adopter, le moyen tiré de ce que les décisions des 8 juillet et 1er septembre 2021 seraient illégales en ce qu'elles n'auraient pas été précédées d'une demande de vœux doit être écarté.
26. Si Mme B... fait valoir qu'elle aurait dû, compte tenu de son nombre de points, obtenir un poste de remplaçant à Montbrison, au vu des trois critères prévalant pour l'affectation à titre provisoire des agents restés sans poste à l'issue de la phase informatisée, tels que prévus par la circulaire départementale relative au mouvement intra-départemental des enseignants du premier degré du 6 avril 2021, toutefois son affectation n'entrait pas dans le champ du mouvement intra-départemental.
27. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme le soutient Mme B..., les affectations litigieuses, qui répondent à l'intérêt du service, auraient été prises dans l'intention de la sanctionner et revêtiraient un caractère discriminatoire. Par suite, les moyens tirés de ce que ces affectations constitueraient une sanction de déplacement d'office déguisée et qu'elle aurait été privée des garanties s'attachant à la procédure disciplinaire doivent être écartés.
28. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 juin 2021 prononçant sa suspension à caractère conservatoire.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
29. L'annulation de l'arrêté du 17 juin 2021 prononçant la suspension à caractère conservatoire de Mme B... n'implique pas qu'elle soit réintégrée dans son poste de directrice de l'école Chemin rouge. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
Sur la suppression des écrits injurieux :
31. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
32. Les passages dont la suppression est demandée par Mme B..., tels que visés ci-dessus au 3°) des conclusions de la requête et des autres mémoires produits par l'intéressée, n'excèdent pas le droit à la libre discussion et ne présentent pas un caractère injurieux. Les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 2021.
Article 2 : L'arrêté du 17 juin 2021 prononçant la suspension à caractère conservatoire de Mme B... est annulé.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 janvier 2023 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lyon.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01036
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