Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'EURL FNE a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er novembre 2015 au 31 janvier 2017 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2006107 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2023, l'EURL FNE, représentée par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ces opérations sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 % en application du 11 de l'article 278 sexies du code général des impôts ;
- le 3 de l'article 283 du code général des impôts est inapplicable dès lors que les actes authentiques mentionnant un taux de taxe de 20 % ne sauraient être assimilés à des factures ;
- la conclusion d'actes de ventes rectificatifs est sans utilité en l'absence de risque de perte de recettes fiscales dès lors que les ventes ont été consenties à des particuliers ne pouvant déduire la taxe et que la taxe a été comptabilisée et collectée sur la base d'un taux de 5,5 % ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors que l'application du taux de 5,5 % aux opérations en cause résulte d'une erreur.
Par un mémoire, enregistré le 7 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par actes notariés conclus en 2015 et 2016, l'EURL FNE, qui avait pour activité principale la promotion et la construction immobilière, a vendu à des personnes physiques quatre appartements en état futur d'achèvement situés dans un immeuble de Villefontaine (Isère). A l'issue d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, le vérificateur a rappelé, sur le fondement du 3 de l'article 283 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 % mentionnée dans ces actes sous déduction des droits comptabilisés et acquittés par l'EURL FNE sur la base d'un taux de 5,5 %. Celle-ci relève appel du jugement du 14 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces droits et de la majoration pour manquement délibéré de 40 % dont ils ont été assortis.
Sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée :
2. En premier lieu, aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. ".
3. En premier lieu, la mention, dans un acte authentique de cession d'un immeuble, d'un prix de vente comprenant la taxe sur la valeur ajoutée, équivaut à la facturation de cette taxe. Par suite, la seule mention de la taxe sur la valeur ajoutée dans les actes conclus en 2025 et 2016 suffisait à rendre l'EURL FNE redevable de cette taxe, sans que celle-ci puisse utilement se prévaloir de la circonstance, au demeurant contestée par l'administration, que les cessions d'immeubles relevaient du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée, ni de la circonstance qu'elle n'a comptabilisé et collecté la taxe qu'au taux de 5,5 % pour faire échec à l'application du 3 précité de l'article 283 du code général des impôts, lequel permet à l'administration d'appréhender entre les mains de celui qui l'a facturée le montant de la taxe qui y est mentionné et qui est dû au Trésor de ce seul fait. Par suite, la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur l'acte de vente du 16 mars 2013 pouvait être rappelée sur le fondement du 3 de l'article 283 du code général des impôts.
4. En second lieu, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989 Genius Holding BV (C-342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. La Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009 Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (C-566/07), que les mesures que les Etats membres ont la faculté d'adopter afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu'elles ne peuvent être utilisées de manière telle qu'elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe. Ce principe ne s'oppose toutefois pas à ce qu'un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l'émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée si cet émetteur n'a pas éliminé complètement, en temps utile, le risque de perte de recettes fiscales.
5. Aux termes du 11 du I de l'article 278 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : / I. - Les opérations suivantes réalisées dans le cadre de la politique sociale : (...) / 11. Les livraisons d'immeubles et les travaux réalisés en application d'un contrat unique de construction de logements dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété à usage de résidence principale, destinés à des personnes physiques dont les ressources à la date de signature de l'avant-contrat ou du contrat préliminaire ou, à défaut, à la date du contrat de vente ou du contrat ayant pour objet la construction du logement ne dépassent pas les plafonds prévus à la première phrase du huitième alinéa de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et situés dans des quartiers faisant l'objet d'une convention prévue à l'article 10 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 précitée ou entièrement situés à une distance de moins de 300 mètres de la limite de ces quartiers (...) " Aux termes de l'article 284 du même code : " II. - Toute personne qui s'est livrée à elle-même, a acquis ou s'est fait apporter des terrains à bâtir, des logements, le droit au bail à construction, ou des droits immobiliers démembrés de logements au taux prévu aux 2 à 12 du I ainsi qu'au II et au 1 du III de l'article 278 sexies est tenue au paiement du complément d'impôt lorsque les conditions auxquelles est subordonné l'octroi de ce taux cessent d'être remplies dans les quinze ans qui suivent le fait générateur de l'opération. (...). Il est également ramené à dix ans lorsque le logement a été acquis par des personnes physiques dans les conditions prévues aux 4, 11 et 11 bis du I de l'article 278 sexies (...) ".
6. L'EURL FNE fait valoir que le risque de perte de recettes fiscales est nul dès lors que les acquéreurs sont des particuliers qui ne peuvent déduire la taxe. Toutefois, alors qu'elle n'établit pas que le 11° du I de l'article 278 sexies du code serait applicable aux cessions par contrats de vente en l'état futur d'achèvement qu'elle a consentis, elle ne peut être regardée comme ayant éliminé tout risque de perte fiscale justifiant l'absence d'actes de vente rectificatifs dès lors que, comme le fait valoir le ministre, en cas de remise en cause, dans le délai de dix ans, des conditions auxquelles est subordonné l'octroi de ces taux, les contribuables ayant acquitté la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 % pourraient faire valoir ce paiement pour s'opposer au paiement qui leur incombe en vertu du II de l'article 284 du code du complément d'impôt dû correspondant à la différence entre le taux réduit et le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, l'EURL FNE, qui n'a pas conclu d'actes de ventes rectificatifs, ne démontre pas avoir complétement éliminé, en temps utile, le risque de perte de recettes fiscales.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
7. L'EURL FNE reprend en appel, dans les mêmes termes, le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de ce que la majoration pour manquement délibéré appliquée aux droits n'est pas encourue. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Grenoble.
8. Il résulte de ce qui précède que l'EURL FNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL FNE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL FNE et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2024.
Le président-rapporteur,
D. Pruvost
Le Président-Assesseur,
X. Haïli
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00139