La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2024 | FRANCE | N°22LY03075

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 22LY03075


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision par laquelle le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville a procédé à la saisie de son matériel informatique.



Par jugement n° 2102512 du 2 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour



Par requête enregistrée le 21 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ciaudo, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugeme

nt et cette décision ;



2°) d'enjoindre au directeur du centre de détention de Joux-la-Ville de lui restituer son mat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision par laquelle le directeur du centre de détention de Joux-la-Ville a procédé à la saisie de son matériel informatique.

Par jugement n° 2102512 du 2 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 21 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Ciaudo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cette décision ;

2°) d'enjoindre au directeur du centre de détention de Joux-la-Ville de lui restituer son matériel, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction pour déterminer si l'image détenue était la même que celle ayant conduit à une précédente saisie ;

- les droits de la défense ont été méconnus dès lors que son conseil n'était pas présent le jour du débat contradictoire ;

- la décision en litige est entachée d'erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 31 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- et les conclusions de Mme Psilakis, rapporteure publique, désignée en application de l'article R 222-24 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une fouille de sa cellule au cours de laquelle il a été constaté qu'il détenait, sur son ordinateur personnel, un dessin pédopornographique et une caricature du centre de détention en camp de concentration, M. A..., alors incarcéré au centre de détention de Joux-la-Ville depuis le 6 mars 2018, s'est vu retirer de façon définitive son matériel informatique par une décision non datée du directeur de ce centre. M. A... relève appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Les pièces qui ont été soumises au tribunal administratif de Dijon informaient suffisamment les premiers juges pour leur permettre de trancher, en l'état du dossier, le litige dont ils étaient saisis. Par suite, ces derniers n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en s'abstenant d'ordonner une mesure d'instruction pour déterminer si l'image détenue sur l'ordinateur de M. A... était la même que celle ayant conduit à une précédente saisie du matériel informatique de ce dernier.

Sur la légalité de la décision du directeur du centre de détention de Joux-la-Ville :

3. D'une part, aux termes de l'article 19 du règlement intérieur type annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, en vigueur au centre de détention de Joux-la-Ville en vertu de l'article 728 du même code : " VII.- La personne détenue peut acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. / En aucun cas elle n'est autorisée à conserver des documents, autres que ceux liés à des activités socioculturelles, d'enseignement, de formation ou professionnelles, sur un support informatique. / Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration (...) tout équipement informatique appartenant à une personne détenue peut être retenu et ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ".

5. Les décisions de retenues du matériel informatique prononcées sur le fondement du règlement intérieur du centre prises pour l'application de l'article 19 du règlement intérieur type annexé à l'article R57-6-18 du code de procédure pénale constituent des mesures de police et ne peuvent intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Si les dispositions précitées impliquent que l'intéressé ait été informé en temps utile de la possibilité de se faire assister d'un avocat, possibilité dont il appartient à l'administration pénitentiaire d'assurer la mise en œuvre lorsqu'un détenu en fait la demande, la circonstance que l'avocat dont l'intéressé a ainsi obtenu l'assistance ne soit pas présent lorsque l'intéressé est entendu par le directeur du centre, dès lors que cette absence n'est pas imputable à l'administration, ne peut avoir pour conséquence de rendre la procédure irrégulière au regard des dispositions.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du contrôle de son matériel informatique, le 11 mai 2021, M. A... a été averti, le même jour, de l'intention de l'administration de saisir ce matériel. A cette occasion, l'intéressé a été informé de la possibilité qui lui était donnée de présenter ses observations lors de l'audience qui lui serait accordée par le directeur du centre de détention, le 14 mai 2021 à 11h00, et de ce qu'il pourrait y être assisté du conseil de son choix. Me Lebas, contacté le 11 mai 2021 par l'administration pénitentiaire à la demande de M. A..., ayant indiqué qu'il ne pourrait assister ce dernier, l'administration a adressé, le même jour, une demande de désignation d'un avocat commis d'office au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau d'Auxerre, lequel n'a toutefois pas répondu. Dans de telles conditions, et alors, d'une part, que l'administration pénitentiaire a sollicité, en temps utile, l'avocat choisi par l'intéressé puis la désignation d'un avocat par le bâtonnier, et, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et, notamment, du compte-rendu des observations présentées en séance par l'intéressé, qu'il aurait sollicité le report de l'audience accordée par le directeur du centre aux fins d'être assisté par un conseil, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des droits de la défense au motif qu'il n'a pu être assisté par son conseil.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le contrôle informatique opéré à la suite d'une fouille de la cellule de M. A..., le 11 mai 2021, a révélé la présence d'un dessin d'un mineur présentant un caractère pornographique ainsi qu'un montage photographique assimilant le centre de détention à un camp de concentration. M. A..., qui ne conteste pas la matérialité des faits ainsi relevés, se borne à faire valoir que la présence du dessin avait déjà été relevée lors d'un précédent contrôle et que l'administration s'est abstenue de procéder à son effacement. Toutefois, eu égard à l'objet de la mesure en cause, qui constitue une mesure de police, la circonstance invoquée, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Compte tenu notamment du caractère pédopornographique de ce dessin, sa détention est de nature à porter atteinte à l'ordre et à la sécurité publics. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 29 août 2024 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

N. Vanduynslaeger

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03075
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : SCP THEMIS AVOCATS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;22ly03075 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award