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19/09/2024 | FRANCE | N°22LY02564

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 22LY02564


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le président du conseil départemental de l'Allier lui a infligé la sanction du blâme ainsi que la décision du 18 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.



Par jugement n° 2100610 du 23 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 août 2022, le 2

4 février 2023 et le 24 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Amela-Pelloquin, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le président du conseil départemental de l'Allier lui a infligé la sanction du blâme ainsi que la décision du 18 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.

Par jugement n° 2100610 du 23 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 août 2022, le 24 février 2023 et le 24 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Amela-Pelloquin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté et la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Allier de procéder à l'effacement de la sanction ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Allier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;

- ces faits ne sont pas fautifs ;

- la sanction du blâme présente un caractère disproportionné.

Par mémoires enregistrés le 8 novembre 2022 et le 7 avril 2023, le département de l'Allier, représenté par Me Aubert, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- l'arrêté en litige est suffisamment motivé ;

- la matérialité des faits reprochés est établie par la fiche d'incident de service et la note circonstanciée établie par la victime et les attestations de deux témoins ;

- de tels faits, qui méconnaissent l'obligation de réserve, de courtoisie et de respect dans les échanges entre collègues, sont constitutifs d'une faute ;

- la sanction retenue, qui est une sanction disciplinaire du premier groupe, sans conséquence pécuniaire, est proportionnée à la gravité de la faute.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code général de la fonction publique, et, notamment, son article L. 533-5 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de Mme Psilakis, rapporteure publique, désignée en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative ;

- les observations de Me Amela-Pelloquin pour Mme B..., et celles de Me Aubert pour le département de l'Allier.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., rédactrice principale de 1ère classe affectée au département de l'Allier, relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2020 du président du conseil départemental de l'Allier lui infligeant la sanction du blâme ainsi que de la décision du 18 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité (...) Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité ". Aux termes de l'article 29 de cette loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Et aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme (...) ".

3. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Il appartient alors au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à l'agent sanctionné constituent des fautes de nature à justifier une sanction au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir et, si tel est le cas, si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour prononcer à l'encontre de Mme B... la sanction du blâme, le président du conseil départemental de l'Allier s'est fondé sur la circonstance que, lors d'un entretien avec l'agent du service recrutement, mobilité et formation de la direction des ressources humaines chargé de lui présenter sa nouvelle mission, le 12 décembre 2019 à 9h30, Mme B... a tenu des propos inappropriés et qu'elle a adopté un comportement inacceptable à l'égard de cet agent.

5. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, de la déclaration d'incident et de la note détaillée établie par l'agent en cause ainsi que des témoignages d'agents situés dans les bureaux voisins produits par le département de l'Allier, que si Mme B... a exprimé, lors de son entretien avec la représentante de la direction des ressources humaines, le mécontentement que suscitait chez elle l'annonce de son changement d'affectation, lequel ne correspondait pas à ses vœux, et qu'elle a reproché à la collectivité, qui recherchait selon ses termes " un mouton à cinq pattes ", de faire preuve de malveillance à son égard, ni les propos rapportés, dépourvus de connotation insultante et qui ne portaient pas atteinte à la dignité de l'interlocuteur, ni le comportement de la requérante ne présentaient, alors même que l'intéressée a ponctuellement haussé le ton, le caractère d'une faute de nature à justifier que lui soit infligé une sanction disciplinaire. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni la régularité du jugement attaqué, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le président du conseil départemental de l'Allier lui a infligé la sanction du blâme ainsi que la décision du 18 janvier 2021 rejetant son recours gracieux sont entachés d'illégalité.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes du premier alinéa de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité ".

8. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le président du conseil départemental de l'Allier a infligé à Mme B... la sanction du blâme, implique nécessairement que toute mention relative à la décision de sanction en litige soit effacée du dossier administratif de Mme B... si cette sanction y a été maintenue. Il y a, dès lors, lieu d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Allier de procéder, le cas échéant, à cet effacement, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de l'Allier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Allier la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100610 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 juin 2022 ainsi que l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le président du conseil départemental de l'Allier a infligé à Mme B... la sanction du blâme, ensemble la décision du 18 janvier 2021 rejetant son recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au président du conseil départemental de l'Allier d'effacer du dossier administratif de Mme B..., le cas échéant, toute mention relative à la sanction annulée, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le département de l'Allier versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du département de l'Allier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au département de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 29 août 2024 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

N. Vanduynslaeger

La République mande et ordonne au préfet de l'Allier, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02564
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : ATV AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;22ly02564 ?
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