Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 24 novembre 2020 portant non-renouvellement de son détachement au sein du Centre national d'enseignement à distance (CNED).
Par un jugement n° 2100626 du 18 janvier 2024, le tribunal a fait droit à sa demande, enjoint au directeur général du CNED de réintégrer M. B... dans un emploi équivalent dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et mis à la charge du CNED une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour
I- Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 18 mars et 19 avril 2024 sous le n° 24LY00725, le Centre national d'enseignement à distance (CNED), représenté par Me Glaser, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il abandonne le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, tiré de son insuffisante motivation, soulevé dans la requête sommaire ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la décision de non renouvellement du détachement de M. B... n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, celle-ci étant justifiée par l'intérêt du service, dès lors qu'elle répondait à des impératifs structurels et opérationnels liés au bon fonctionnement de celui-ci, compte tenu de sa réorganisation et de la polyvalence accrue demandée aux agents et en particulier la maîtrise des outils numériques ;
- c'est à tort que le tribunal a ordonné au CNED sa réintégration dans un délai de deux mois ; il a qualifié la décision de décision mettant fin à un détachement alors qu'il s'agissait d'un non renouvellement de détachement ; il appartient au seul ministre de l'éducation nationale de prononcer un nouveau détachement ; le ministre de l'éducation nationale avait, par courrier du 28 mai 2021, refusé de renouveler son détachement ; le tribunal aurait dû prendre en compte la situation de droit et de fait existant le 18 janvier 2024 ;
- les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal ne sont pas fondés ; la décision a été prise par une autorité compétente ; il n'avait aucun droit à intégration ; il ne s'agit pas d'une sanction disciplinaire déguisée de sorte qu'elle n'avait pas à être motivée ni à être précédée de la communication à M. B... de son dossier.
Par un mémoire enregistré le 21 juin 2024, M. A... B..., représenté par Me Combaz, conclut au rejet de la requête et qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du CNED en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le CNED ne sont pas fondés.
II- Par une requête enregistrée le 5 avril 2024 sous le n° 24LY00988, le Centre national d'enseignement à distance (CNED), représenté par Me Glaser, demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que plusieurs moyens sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement du 18 janvier 2024, le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction accueillies par ce jugement ; la décision de non renouvellement de son détachement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; en lui enjoignant de réintégrer M. B..., le tribunal a entaché sa décision de plusieurs erreurs de droit et de qualification et a méconnu son office.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public,
- et les observations de Me Ruocco Nardo, substituant Me Glaser, pour le CNED ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., professeur agrégé d'éducation physique et sportive a été placé, à compter du 1er septembre 2005 en service détaché auprès du Centre national d'enseignement à distance (CNED). Son détachement a été renouvelé par arrêtés ministériels des 31 janvier 2008, 25 janvier 2011, 3 juillet 2012, 6 mars 2015 et 29 janvier 2018. Par décision du 24 novembre 2020, le directeur général du CNED a décidé de ne pas renouveler son détachement et l'a informé qu'il prendrait fin le 31 août 2021. Par un jugement du 18 janvier 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision, enjoint au directeur général du CNED de réintégrer M. B... dans un emploi équivalent dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et mis à la charge du CNED une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le CNED demande à la cour, sous le n° 24LY00725, d'annuler ce jugement et, sous le n° 24LY00988, qu'il soit sursis à son exécution.
2. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre, afin qu'il y soit statué par un unique arrêt.
Sur la requête 24LY00725 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " Le détachement d'un fonctionnaire ne peut avoir lieu que dans l'un des cas suivants : (...) / 4° a) Détachement auprès d'une administration de l'État ou d'un établissement public de l'État dans un emploi ne conduisant pas à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite ; ".
4. Il ressort des termes de la décision litigieuse qui, si elle n'avait pas nécessairement à être motivée, indique qu'il a été décidé de ne pas procéder au renouvellement du détachement de M. B... au regard des motifs évoqués lors de l'entretien du 5 novembre 2020, et du compte-rendu de cet entretien, que le non renouvellement résulte du comportement qu'il a eu lors de la rentrée scolaire 2018 au cours de laquelle il a diffusé un message inapproprié à ses élèves, ce qui a conduit à une perte de confiance. Toutefois, ainsi que l'a indiqué le tribunal, cet avis du directeur métier de M. B... est en totale contradiction avec les comptes-rendus d'entretien professionnel de ce dernier pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021, signés par le responsable du département appui pédagogique, son supérieur hiérarchique direct, et par le directeur du CNED Grenoble ou par la cheffe de service enseignement et production. Aucun de ces comptes-rendus ne mentionne les évènements de la rentrée 2018, ni la perte de confiance envers l'intéressé, mais ils mettent au contraire en valeur ses qualités professionnelles, sa contribution au bon fonctionnement du service et son respect de l'organisation collective du travail, ce que ne conteste pas le CNED en appel.
5. Devant le tribunal, comme devant la cour, le CNED a fait valoir que le non-renouvellement du détachement de M. B... aurait en réalité été motivé par l'intérêt du service, puisque sa décision répondait à des impératifs structurels et opérationnels liés au bon fonctionnement du service, compte tenu de sa réorganisation et de la polyvalence accrue demandée aux agents. Le CNED avait, en effet, décidé de réorganiser l'offre de formation, en ne conservant qu'une seule formation spécifique dans le domaine de compétence de M. B..., l'éducation physique et sportive, et en demandant à ses responsables de formations des compétences plus diversifiées, notamment en matière de supervision d'intervenants pédagogiques et de maîtrise des outils numériques. Toutefois, il n'apparaît pas que le profil de M. B..., qui avait fait preuve d'adaptation en gérant avec succès des formations ne relevant pas de son domaine de compétence, ne pouvait répondre aux nouveaux besoins du CNED, qui ne justifie pas, en produisant seulement son contrat d'objectifs et de performance 2019-2022, de l'évolution des fiches de poste de ses agents, notamment en termes de besoins en connaissances numériques poussées.
6. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le directeur général du CNED a refusé de procéder au renouvellement du détachement de M. B... était entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que le CNED n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 24 novembre 2020.
En ce qui concerne l'injonction prononcée par le tribunal :
8. L'annulation prononcée par les premiers juges impliquait seulement qu'il soit procédé à un réexamen de la situation de l'intéressé. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué dans la seule mesure où ce jugement a enjoint au CNED de réintégrer M. B... dans un délai de deux mois.
9. L'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au président du CNED de réexaminer la demande de renouvellement de détachement de M. B.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au président du CNED de procéder à un tel réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur la requête n° 24LY00988 :
10. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce que la cour prononce le sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais d'instances :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées en appel par les parties et relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du CNED tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 18 janvier 2024 du tribunal administratif de Grenoble.
Article 2 : L'article 2 du jugement du 18 janvier 2024 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au président du CNED de réexaminer la demande de renouvellement de détachement présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national d'enseignement à distance, à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le-Colleter
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00725, 24LY00988
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