Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2302790 du 30 novembre 2023 le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Lefevre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;
2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, le magistrat a omis de répondre au moyen tiré du caractère disproportionné de la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français porte abrogation de la précédente interdiction de retour sur le territoire français, est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; et sa durée est disproportionnée.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les observations de Me Lulé substituant Me Lefevre pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, déclare être né le 12 mai 1991 et être entré en France le 24 mai 2019. Par un arrêté du 7 juillet 2023, le préfet de Saône-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il apparaît que, au point 7 du jugement attaqué, le magistrat désigné a écarté comme non fondé le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en prenant une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire français moins d'un an avant la précédente mesure d'éloignement. Il s'est également prononcé, au point 17 de ce jugement, sur le moyen tiré de la disproportion de la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français. Aucune omission à statuer ne saurait à cet égard être retenue.
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. Si M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement moins d'un an auparavant, cet élément demeure sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français en litige.
4. L'obligation de quitter le territoire français en cause vise les textes appliqués et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, qui en a mentionné les principaux, n'avait pas à indiquer de manière exhaustive l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des motifs de l'arrêté en litige que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de l'appelant avant de prendre la décision en cause. Ce moyen doit également être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ".
7. Si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis quatre ans et de ce qu'il exerce une activité professionnelle et a obtenu un certificat de cariste, il apparaît qu'il a travaillé sous couvert de faux documents, qu'il s'est maintenu en France en dépit d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle particulière sur le territoire alors que sa femme et ses deux enfants résident au Gabon. L'obligation de quitter le territoire français, qui ne procède par ailleurs d'aucune erreur manifeste d'appréciation, n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, chacun de ces moyens doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
8. Il ressort de ce qui vient d'être dit que M. A... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Compte tenu de ce qui a précédemment été exposé, il n'apparaît pas que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait exposé à des risques actuels, personnels et réels de peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Mali. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
12. Si M. A... se prévaut de l'abrogation de la précédente interdiction de retour sur le territoire français, cette circonstance demeure sans incidence sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français en litige.
13. L'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de son annulation.
14. Eu égard à ce qui précède, la situation de M. A... ne saurait être assimilée à des circonstances humanitaires s'opposant à une interdiction de retour sur le territoire français. En prononçant à son encontre une telle interdiction d'une durée de deux ans, le préfet n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur d'appréciation de sa situation et cette interdiction n'est pas disproportionnée. Les conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français doivent être rejetées.
15. Pour en fixer la durée, le préfet a tenu compte de la précédente mesure d'éloignement dont l'intéressé avait fait l'objet, de sa situation irrégulière en France, de la durée de son séjour sur le territoire, de ses liens personnels sur place et il a estimé que la décision litigieuse ne portait pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Il s'est ainsi fondé sur l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a suffisamment motivé la durée de cette interdiction à l'issue d'un examen préalable sérieusement mené. Compte tenu des éléments exposés au point 7 du présent arrêt et notamment de ce que le requérant est célibataire et sans charge de famille en France, c'est sans méconnaître les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commettre d'erreur d'appréciation qu'il a fixé cette durée à deux ans.
16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Dès lors, la requête de M. A... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
1
2
N° 23LY03985
ar