Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Business Efficience, assistée par la Selarl AJ Partenaires représentée par Me Lapierre et Sapin, administrateurs judiciaires, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 13 mai 2022 par laquelle le directeur des politiques sociales de la Caisse des dépôts et consignations lui a infligé une sanction, ainsi que la décision du 1er août 2022 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre à la Caisse des dépôts et consignations de procéder au paiement des formations et de la référencer à nouveau sur la plateforme " Mon compte formation ".
Par un jugement n° 2207398 du 27 juin 2023, le tribunal a annulé la décision du 13 mai 2022 et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 août 2023, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par Me Nahmias, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la société tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2022 ;
3°) de mettre à la charge de la société Business Efficience la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun élément ne permet de s'assurer que la minute du jugement, d'une part, est conforme à l'article R. 741-2 du code de justice administrative puisque, en particulier, son mémoire en défense du 17 mars 2023 n'a pas été analysé et, d'autre part, qu'elle a été signée conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la société Business Efficience avait été privée de la garantie de la procédure contradictoire ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la lettre d'observation constitue le seul outil à disposition de la Caisse pour initier une opération de contrôle et de vérification, de sorte que celle-ci ne peut pas être mise en œuvre seulement lorsqu'elle dispose des éléments lui permettant de fonder une sanction ; elle a précisément identifié des manquements imputables à l'organisme de formation en cause ; la lettre d'observation du 8 juillet 2021 comportait l'énoncé précis des griefs retenus à l'encontre de la société Business Efficience ; l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration n'impose pas que l'administration informe la personne de la possibilité de consulter son dossier.
Par des mémoires enregistrés les 21 janvier et 8 mars 2024, ce dernier non communiqué, la société Business Efficience et la SELARLU Martin, es qualité de liquidateur judiciaire, représentés par Me Aguera, concluent au rejet de la requête et qu'il soit mis à la charge de la Caisse des dépôts et consignations une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la Caisse des dépôts et consignations ne sont pas fondés ;
- elle a établi sa conformité au dispositif compte personnel de formation en produisant les justificatifs demandés par la Caisse et en ayant obtenu des certifications ;
- si le motif retenu par le tribunal était infirmé, il faudrait annuler la décision litigieuse en faisant droit aux autres moyens invoqués devant le tribunal.
Par une ordonnance du 23 janvier 2024, l'instruction a été close au 8 mars 2024.
Un mémoire a été présenté pour la Caisse des dépôts et consignations le 1er juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- les conditions générales d'utilisation de la plateforme " Mon compte formation " applicable aux relations entre la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et les organismes de formation ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Monfront, pour la Caisse des dépôts et consignations ainsi que celles de Me Royaux, substituant Me Blanvillain, pour la société Business Efficience et la SELARLU Martin ;
Considérant ce qui suit :
1. La Caisse des dépôts et consignations a diligenté à l'encontre de la société Business Efficience, organisme de formation professionnelle référencé sur la plateforme publique " Mon compte formation ", un contrôle de son activité et lui a notifié par un courrier du 8 juillet 2021 l'ouverture d'une procédure contradictoire. A la suite de l'avis de la commission ad hoc du 1er avril 2022, la Caisse des dépôts et consignations, par une décision du 13 mai 2022, a prononcé le déréférencement de la société Business Efficience pour une durée de douze mois, le non-paiement des formations de l'échantillon contrôlé et des formations non-conformes et a demandé à la société le remboursement des sommes versées dans le cadre des formations non-conformes. La société Business Efficience, alors placée en redressement judiciaire, et désormais assistée de la SELARLU Martin, es qualité de liquidateur judiciaire, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 13 mai 2022 ainsi que la décision du 1er août 2022 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre à la Caisse des dépôts et consignations de procéder au paiement des formations et de la référencer à nouveau sur la plateforme " Mon compte formation ". Par un jugement du 27 juin 2023, dont la Caisse des dépôts et consignation relève appel en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 13 mai 2022 et rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. ". Le jugement attaqué, qui a visé et analysé le mémoire en défense enregistré le 17 mars 2023 pour la Caisse des dépôts et consignations, contient les différentes mentions prévues à l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-2 de ce code : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". Aux termes de l'article L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 2° Infligent une sanction ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 6333-6 du code du travail : " Lorsque la Caisse des dépôts et consignations constate un manquement de l'un des prestataires mentionnés à l'article L. 6351-1 aux engagements qu'il a souscrits, elle peut, selon la nature du manquement, lui prononcer un avertissement, refuser le paiement des prestations, demander le remboursement des sommes qu'elle lui a indûment versées et suspendre temporairement son référencement sur le service dématérialisé mentionné à l'article L. 6323-9. Ces mesures, proportionnées aux manquements constatés, sont prises après application d'une procédure contradictoire et selon des modalités que les conditions générales d'utilisation du service dématérialisé précisent. ". L'article 13 de ces conditions générales prévoit : " 13.1.1. En présence de tout différend entre la CDC d'une part et les OF ou Titulaires de compte d'autre part, les Parties conviennent d'appliquer la présente procédure aux fins de tenter de trouver un accord amiable. La CDC adresse par tout moyen physique ou dématérialisé permettant d'en garantir la date de réception, à la partie en manquement, une lettre d'observations. / A réception de la lettre d'observations, le Titulaire du compte ou l'Organisme de formation concerné bénéficie d'une période d'échange et de dialogue pour discuter des constats et observations adressés. / Cette période est dite " Période Contradictoire ". / Durant cette Période Contradictoire, le Titulaire du compte ou l'Organisme de formation peut, dans un délai précisé par la CDC dans la lettre d'observations qui ne peut être inférieur à 8 (huit) jours calendaires, formuler ses observations écrites, apporter les précisions nécessaires, faire part d'un éventuel désaccord, ou bien fournir tout document utile. (...) Au terme de la Période Contradictoire, la CDC notifie la décision par tout moyen physique ou dématérialisé permettant d'en garantir la date de réception. / Cette décision précise les suites données par le Titulaire du compte ou l'Organisme de formation aux demandes qui lui ont été adressées par la CDC et s'il y a lieu les éventuelles mesures décidées à la suite du contrôle effectué et, le cas échéant, la décision de non-paiement ou de recouvrement des sommes versées ".
6. Il résulte de ces dispositions que la décision litigieuse, qui présente le caractère d'une sanction administrative, doit être précédée d'une procédure contradictoire, laquelle vise à informer l'intéressé, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et que la Caisse des dépôts et consignation est tenue d'informer l'intéressé de son droit de demander la communication des documents sur la base desquels ont été établis les manquements qui lui sont reprochés.
7. En l'espèce, par une " lettre d'observations " du 8 juillet 2021, l'informant de l'ouverture de la procédure contradictoire prévue à l'article 13 précité, la Caisse des dépôts et consignations a notamment informé la société Business Efficience qu'elle allait procéder à un contrôle de service fait sur des dossiers de formation présentés par son organisme et que ce contrôle avait pour but d'établir la réalité et la conformité des actions financées dans le cadre du compte personnel de formation. Elle lui demandait, à ce titre, de produire un certain nombre d'éléments pour justifier de l'éligibilité et de la réalité de vingt-cinq dossiers de formation. Elle lui demandait également de lui transmettre des informations et documents sur sept différentes formations offertes dans son catalogue. Ce courrier, qui lui donnait un mois pour présenter ses observations, l'informait qu'en cas d'inéligibilité avérée de ses actions de formation et/ou d'irrecevabilité de ses pièces justificatives, son organisme de formation pourrait faire l'objet de sanctions énumérées.
8. Toutefois, ce courrier, qui se bornait à rappeler les obligations légales de tout formateur et à demander à la société de produire des justificatifs, ne comportait pas l'énoncé des griefs retenus à l'encontre de la société Business Efficience et qui ont fondé la décision en litige, en particulier ceux tirés de ce qu'il existait des doutes sur la réalisation des formations contrôlées, de la non individualisation des programmes de formation en fonction de la formation dispensée ou du profil professionnel du candidat, de la variation des tarifs de formation en fonction des stagiaires, des anomalies de connexion constatées pour une des formations et de l'absence de justificatifs s'agissant de l'éligibilité aux actions de formation d'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise ou à la réalisation des travaux à distance. Contrairement à ce que fait valoir la Caisse des dépôts et consignations en appel, rien ne faisait obstacle à ce qu'elle demande, dans un premier temps, à la société Business Efficience de justifier de la réalité et de l'éligibilité des dossiers de formation et du catalogue de formation offert, puis, dans un second temps, une fois les manquements déterminés, de mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue par le code des relations entre le public et l'administration et l'article 13 des conditions générales. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Business Efficience aurait été par ailleurs informée de son droit de demander la communication des documents sur la base desquels ont été établis les manquements qui lui sont reprochés, ces documents pouvant tout à la fois résulter de l'analyse des documents provenant de l'organisme de formation lui-même et de documents établis par des tiers, tels que les signalements de stagiaires. La société Business Efficience, qui n'a pas pu formuler d'observations sur des griefs précis et demander la communication des pièces ayant justifié le prononcé de sa sanction, notamment les signalements de stagiaires, a, en l'espèce, été privée de garanties. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a fait droit au moyen tiré de ce que la procédure avait été irrégulière en raison de la méconnaissance du principe du contradictoire.
9. Il résulte de ce qui précède que la Caisse des dépôts et consignations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations la somme que la société Business Efficience demande au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Caisse des dépôts et consignations est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Business Efficience et la SELARLU Martin, es qualité de liquidateur judiciaire, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Caisse des dépôts et consignations, à la société Business Efficience et à la SELARLU Martin, es qualité de liquidateur judiciaire.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02585
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