La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2024 | FRANCE | N°23LY02290

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 25 juillet 2024, 23LY02290


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure





M. E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation et de lui faire injonction de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisatio

n provisoire de séjour et de travail dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation et de lui faire injonction de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2200859 du 8 juin 2023 le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Jauvat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement et l'arrêté ci-dessus ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié " d'une durée d'un an ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- faute de saisine de la commission du titre de séjour, il y a violation de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a justifié de son état civil en application de l'article R. 431-10 de ce code ;

- l'article L. 423-22 du même code a été méconnu ;

- il y a eu violation de l'article L. 435-3 de ce code ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; le préfet a entaché le refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence s'impose ;

- elle porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est également illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire ;

- elle constitue une violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

Par un mémoire enregistré le 28 juin 2024, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête de M. B....

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. B... a produit un mémoire complémentaire, enregistré le 30 juin 2024, après la date de clôture de l'instruction.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 16 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard, président rapporteur ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien qui serait entré irrégulièrement en France en juillet 2017, a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance par un jugement du tribunal de grande instance D... en date du 23 mars 2018. Il demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont Ferrand du 8 juin 2023 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à cette obligation.

Sur le refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. ". Aux termes de l'article L. 435-3 du même code : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ce dernier article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.

4. M. B... déclare être né le 10 septembre 2002. Il s'appuie en particulier sur deux extraits d'actes de naissance des 17 et 26 septembre 2002, dont il résulte qu'il est né à cette date. L'administration a produit un rapport du 10 décembre 2020 de la police aux frontières du Puy-de-Dôme indiquant notamment que ces actes présentent les caractéristiques d'anciens supports vierges personnalisés récemment et comportent plusieurs abréviations dont l'usage n'est pas conforme à la loi malienne. Rien ne permet sérieusement de justifier de telles distorsions alors que le premier de ces actes, qui n'est pas une copie, correspond au feuillet de l'acte de naissance destiné et remis à la famille lors de la déclaration et que cet acte est normalement établi en même temps que l'acte de naissance lui-même. En outre, dès lors que, selon l'article 64 de la loi malienne n° 87-27 ANRM du 16 mars 1987 régissant l'état civil, les copies d'extraits d'actes de naissance sont " des imprimés dont le contenu est conforme à l'original (...) remis gratuitement au déclarant ", les articles 41 et 43 de cette loi, dont il résulte que les abréviations dans les actes d'état-civil sont interdites et que la date de l'évènement qu'ils relatent et la date de leur établissement doivent être inscrites en toutes lettres, sont également applicables aux copies d'extraits d'actes de naissance. Même si l'administration ne s'explique pas clairement et précisément sur les irrégularités et incohérences qui tiendraient à la référence faite " à un registre 06 qui ne pas être le bon " et à ce que la mention " f.42 " ne serait " pas cohérente avec la volumétrie de l'acte ", et alors même que l'intéressé a produit par ailleurs un nouveau volet 3 correspondant à un acte de naissance du 30 août 2021 qui se fonde sur un jugement supplétif du 16 août 2021, les éléments précédemment évoqués suffisent à renverser la présomption de validité dont jouissent les actes de naissance des 17 et 26 septembre 2002. Bien que cohérents avec l'âge déclaré par l'intéressé, les autres documents produits, qu'il s'agisse en particulier de sa carte d'identité consulaire ou de sa carte d'identité, dont rien ne permet de dire qu'ils ont été établis sur la base d'actes présumés valides, ne sont pas suffisants pour en justifier. Dans ces conditions, et alors même que l'évaluateur du conseil départemental, le juge des enfants D... et le juge en charge des tutelles des mineurs n'ont pas remis en cause la minorité de M. B... lors de son entrée sur le territoire français, ce dernier n'est fondé à soutenir ni que les actes d'état civil qu'il a produits ne seraient pas dépourvus d'authenticité ni que le refus de séjour pris à son encontre l'aurait été en méconnaissance des dispositions des articles L. 423-22 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. B... fait valoir que, à la date de la décision contestée, il était depuis six ans en France où il a pu suivre une scolarité et s'insérer professionnellement avec, en particulier, la signature d'un contrat à durée indéterminée en 2021, sous couvert de récépissés de demande de titre l'autorisant à travailler. Malgré des efforts d'intégration indéniables, les liens personnels ou professionnels qu'il a pu constituer en France apparaissent cependant encore récents et rien ne permet de dire qu'il ne disposerait plus d'aucune attache proche dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de son existence. Aucune atteinte disproportionnée au droit qu'il tient de l'article 8 ci-dessus ne saurait donc être retenue. L'appréciation par le préfet de sa situation personnelle n'apparaît pas davantage procéder d'une erreur manifeste.

7. Il n'apparaît pas que, pour opposer le refus de titre contesté, le préfet se serait également fondé sur l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et pour le surplus, par adoption des motifs retenus par le tribunal, les moyens tirés de la méconnaissance par l'arrêté contesté des articles L. 432-13 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal.

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

8. Compte tenu de ce qui précède, cette mesure n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

9. Par les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus, les moyens tirés de ce que cette mesure méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. En absence d'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, aucune illégalité de la décision fixant le pays de destination ne saurait être retenue par voie de conséquence.

11. Comme il vient d'être dit plus haut, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

12. Par suite, la requête de M. B... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Picard, président de chambre ;

- Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024.

Le président, rapporteur,

V-M. Picard

La présidente assesseure,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02290

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02290
Date de la décision : 25/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS W. HILLAIRAUD - A. JAUVAT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-25;23ly02290 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award