Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte.
Par un jugement n° 2205579 du 30 décembre 2022, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au profit de son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'une insuffisance de motivation ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant un délai de départ volontaire est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; elle méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une insuffisance de motivation ; elle est également entachée, sur son principe d'une erreur de droit, et sur son principe et sa durée, d'une erreur d'appréciation de sa situation, au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République du Kosovo né le 24 septembre 1975 à Gjilan, est entré irrégulièrement en France avec son épouse et ses trois enfants alors mineurs début 2015. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 28 juillet 2017. Sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, déposée le 25 septembre 2017, a, comme pour son épouse, été rejetée par le préfet de l'Isère par un arrêté devenu définitif du 2 mai 2019 avec obligation de quitter le territoire français. M. B... a demandé, le 25 juin 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au préfet de l'Isère qui, par un arrêté du 17 août 2022, lui a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, si M. B... se prévaut de sa durée de présence sur le territoire français depuis le début de l'année 2015, soit plus de sept années, il s'y est toutefois en partie maintenu en dépit d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement pris en 2019 devenus définitifs. Si, postérieurement à la décision contestée, ses deux fils ont chacun obtenu un titre de séjour et si, par un jugement du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement visant sa fille et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à cette dernière ce titre, de telles circonstances ne sont, en toute hypothèse, pas de nature à faire obstacle à ce que M. B... et son épouse, qui se trouve dans la même situation administrative que lui, reconstituent leur cellule familiale dans leur pays d'origine, rien ne permettant de dire que leur présence aux côtés de leurs enfants serait indispensable. Dès lors, et par adoption pour le surplus des motifs retenus par les premiers juges, les moyens déjà soulevés en première instance, tirés de ce que le refus de titre de séjour opposé à M. B... méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que, avec l'obligation de quitter le territoire français, il violerait également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, et de ce que la décision fixant le pays de renvoi procèderait aussi d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, les moyens déjà soulevés en première instance tirés de ce que le refus de titre de séjour et la décision fixant un délai de départ volontaire seraient entachés d'une insuffisance de motivation, de ce que cette dernière aurait été prise sans examen particulier de la situation de l'intéressé et méconnaîtrait l'article L. 612-2 (3°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français serait elle-même insuffisamment motivée, doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
4. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas davantage illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Les moyens ne peuvent donc qu'être écartés.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'aucun délai de départ volontaire n'ayant été accordé à M. B... pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 17 août 2022, seules des circonstances humanitaires étaient de nature à faire obstacle au prononcé de l'interdiction de retour en litige. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, entré sur le territoire français au mois de janvier 2015, se maintenait sur le territoire national en dépit d'une précédente mesure d'éloignement prise en 2019, alors que le bénéfice de l'asile lui avait été définitivement refusé le 28 juillet 2017, et ce, après avoir passé l'essentiel de son existence au Kosovo. Il apparaît également que son épouse se trouvait en situation irrégulière sur le territoire national, la cellule familiale formée par le couple ayant ainsi vocation à se reconstituer en dehors de ce territoire, rien ne permettant de dire, en toute hypothèse que, ainsi qu'il a été dit au point 2, la présence régulière de ses enfants désormais majeurs y ferait obstacle, cette circonstance étant d'ailleurs postérieure à la décision contestée. Dès lors, en estimant, notamment au regard de tels éléments tels qu'ils existaient à la date de sa décision, que l'intéressé ne justifiait pas de circonstances humanitaires, le préfet de l'Isère, alors qu'il n'apparaît pas qu'il aurait entendu sanctionner l'intéressé, n'a pas commis d'erreur de droit ni fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-6. Dans ces conditions, il n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 en prononçant, eu égard à la situation de M. B..., qu'il a prise en compte, une interdiction de retour d'une durée d'un an alors qu'elle aurait pu atteindre trois ans. Ces moyens soulevés par M. B... doivent donc être écartés.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024.
Le rapporteur,
J. Chassagne Le président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01386
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