Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2209045 du 28 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 mars 2023, M. B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 2 novembre 2022 ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, en toute hypothèse, d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours, la décision fixant le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an sont illégales du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées par une lettre du 1er juillet 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté en tant qu'il a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ces décisions ayant été implicitement abrogées par la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à M. B....
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 24 janvier 1990, est arrivé en France le 18 février 2017 sous couvert d'un visa, accompagné de sa femme Mme D... E... et de leur fils C..., né le 23 mai 2011. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile. M. B... a sollicité le 18 août 2022 la délivrance d'un titre de séjour. Il relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Sur le non-lieu à statuer partiel :
2. Postérieurement à l'introduction de la requête de M. B..., la préfète de l'Ain a délivré à M. B... une autorisation provisoire de séjour valable du 6 mars au 5 juin 2024 en exécution du jugement du 12 février 2024, dont il n'a pas été relevé appel, par lequel la magistrate du tribunal administratif de Lyon a annulé l'obligation de quitter le territoire sans délai, l'interdiction de retour d'une durée de deux ans et l'assignation à résidence dont l'intéressé a fait l'objet le 2 février 2024. Ainsi, les décisions de la préfète de l'Ain du 2 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ont été implicitement mais nécessairement abrogées. Par suite, les conclusions de la requête de M. B... aux fins d'annulation de ces décisions sont devenues sans objet.
Sur le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France avec son épouse en février 2017 et leur premier enfant né en 2011. Ils ont eu un second enfant le 7 septembre 2017. A la date de la décision en litige, M. B... résidait en France depuis cinq ans, mais avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement demeurée inexécutée, tout comme son épouse, également en situation irrégulière en France. Il ne justifiait, pas plus que cette dernière qui avait seulement travaillé pendant quelques semaines pour la commune dans laquelle ils résident et qui lui proposait de l'embaucher à raison de huit heures par semaine, d'une intégration professionnelle. Les éléments qu'il a produits, justifiant de leur intégration professionnelle, tenant à l'obtention par son épouse d'une autorisation de travail le 15 février 2023 et la signature d'un contrat de travail à temps plein à durée indéterminée, ainsi qu'une promesse d'embauche pour lui, sont postérieurs à la décision en litige. Dans ces conditions, même si sa belle-sœur résidait en France, que ses enfants étaient scolarisés en France, qu'il parlait le français et justifiait d'une bonne intégration de sa famille sur le territoire, à la date de la décision en litige, compte tenu de la situation de fait qui était alors la sienne, le refus de titre de séjour de la préfète de l'Ain n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. La préfète de l'Ain n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En deuxième lieu, les éléments dont M. B... se prévaut, rappelées au point précédent et se rapportant à sa situation à la date de la décision en litige, ne suffisent pas à caractériser des circonstances particulières justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de cet article, la préfète de l'Ain n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il ressort des pièces du dossier que les époux B... étaient tous les deux en situation irrégulière en France de sorte que leur cellule familiale avait vocation à se reconstituer dans leur pays d'origine où il n'est pas allégué que les enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité. En refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., la préfète de l'Ain n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions de la préfète de l'Ain du 2 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et que, pour le surplus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation des décisions de la préfète de l'Ain du 2 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY010998
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