Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2304091 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de l'Isère du 20 avril 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet s'est mépris sur la portée de sa demande, en s'abstenant de l'examiner sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît manifestement l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des précédentes décisions.
Par courrier du 7 juin 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative et de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la cour est susceptible d'enjoindre d'office au préfet de l'Isère de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme B..., en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 28 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 20 avril 2023 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il résulte des termes de la décision litigieuse que celle-ci a pour objet de statuer sur la demande présentée en préfecture par Mme B..., le 3 octobre 2022. Il ressort de l'échange de courriers électroniques qui ont précédé ce rendez-vous que Mme B... entendait solliciter alors la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement tant de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que de l'article L. 435-1 du même code. Elle produit en outre une copie de la demande de titre de séjour, fondée notamment sur l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle soutient, sans être contredite par le préfet de l'Isère, avoir déposé lors de ce rendez-vous. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir qu'en s'abstenant de statuer sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère s'est mépris sur la portée de sa demande et n'a pas procédé à un examen complet de celle-ci.
3. Le refus de titre de séjour opposé à Mme B... étant ainsi entaché d'illégalité, l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti et les décisions fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et le délai de départ volontaire doivent, par voie de conséquence, également être annulées.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 20 avril 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
6. Eu égard au motif d'annulation qu'il retient et compte tenu de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, le présent arrêt implique seulement que la situation de Mme B... soit réexaminée et que, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui soit délivrée. Ainsi, il y a lieu, en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative et de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2304091 du tribunal administratif de Grenoble du 28 septembre 2023 et l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de se prononcer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sur la situation de Mme B... et de la munir, dans un délai de quinze jours à compter de cette notification et dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre en charge de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre en charge de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03266