Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision de refus implicitement née du silence conservé par le préfet du Puy-de-Dôme sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200342 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 18 septembre 2023 et le 24 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Bourg, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et le refus implicite de délivrance de titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, après remise d'un récépissé de demande de titre de séjour sous quarante-huit heures, de lui délivrer un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges lui ont indument attribué la charge de la preuve et n'ont dès lors pas répondu aux moyens tirés de l'irrégularité de la procédure tenant à l'absence de production de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et à l'absence de justification de la compétence des auteurs de cet avis et de la régularité de la composition du collège de médecins ;
- l'instruction de première instance est irrégulière, dès lors que le tribunal s'est abstenu de demander la production de l'avis du collège médical ;
- le refus de titre de séjour litigieux n'est pas motivé, nonobstant la demande de communication de motifs présentée par courrier du 10 février 2022 ;
- le préfet ne démontre pas avoir préalablement consulté le collège des médecins de l'OFII, ni ne justifie qu'un rapport médical a été préalablement et régulièrement établi, par un médecin instructeur qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins, et que ce collège était régulièrement composé ;
- le refus d'admission exceptionnelle au séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'a, en outre, pas été examiné par le préfet ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'a, en outre, pas été examiné par le préfet ;
- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'a, en outre, pas été examiné par le préfet.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du 28 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus implicitement née du silence conservé par le préfet du Puy-de-Dôme sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour datée du 27 mars 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 du même code : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ". Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ". Aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation (...) ".
3. La décision refusant la délivrance d'une carte de séjour à un étranger constitue une mesure de police qui est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 232-4 du même code, il est loisible à l'étranger auquel est opposé implicitement, après quatre mois, un rejet de sa demande de titre de séjour de demander, dans le délai du recours contentieux, les motifs de cette décision implicite de rejet. En l'absence de communication de ces motifs dans le délai d'un mois, la décision implicite se trouve entachée d'illégalité.
4. Par courrier du 27 mars 2019, notifié le lendemain, Mme A... a saisi le préfet du Puy-de-Dôme d'une demande de délivrance d'un titre de séjour, laquelle n'a pas donné lieu à la délivrance d'un accusé de réception et a donné naissance à une décision implicite de rejet au terme d'un délai de quatre mois. Mme A..., à laquelle le délai de recours n'était pas opposable, en a demandé les motifs par courrier du 10 février 2022, reçu en préfecture le 15 février 2022, lequel est resté sans réponse. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir, pour la première fois en appel, que la décision litigieuse n'est pas motivée.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
6. D'une part, aux termes de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance (...) de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ", et aux termes de l'article R. 431-13 du même code : " La durée de validité du récépissé mentionné à l'article R. 431-12 ne peut être inférieure à un mois. Il peut être renouvelé ". D'autre part, aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Aux termes de son article L. 911-3 : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction (...) d'une astreinte (...) dont elle fixe la date d'effet ".
7. Eu égard au motif d'annulation qu'il retient et dès lors que le préfet n'est pas tenu de renouveler le récépissé précédemment délivré à Mme A..., le présent arrêt implique seulement que le préfet territorialement compétent se prononce à nouveau sur la demande de Mme A.... Il y a lieu pour la cour d'ordonner ce réexamen, dans un délai de quatre mois. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer contre l'Etat, à défaut pour lui de justifier de l'exécution du présent arrêt dans un délai de quatre mois à compter de sa notification, une astreinte de 100 euros par jour jusqu'à la date à laquelle cet arrêt aura reçu exécution.
Sur les frais liés au litige :
8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate, Me Bourg, peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bourg renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celle-ci de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de refus implicitement née du silence conservé par le préfet du Puy-de-Dôme sur la demande de délivrance d'un titre de séjour de Mme A... du 27 mars 2019 et le jugement n° 2200342 du 28 avril 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de se prononcer à nouveau sur la demande de Mme A..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Une astreinte de 100 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'Etat s'il n'est pas justifié de l'exécution du présent arrêt dans le délai mentionné à l'article 2 ci-dessus. Le préfet territorialement compétent communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Bourg la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre en charge de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre en charge de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03009